104 L'ART.
L'association des tons qui relèvent ces ingénieux dessins est encore très-bien comprise dans sa
variété.
Enfin, un flambeau dont on peut voir également un dessin fait preuve d'un goût surprenant
dans une ornementation de la plus grande richesse. La partie supérieure du flambeau affecte la
forme d'un vase décoré de palmes. La tige, toute ajourée, formée par des entrelacs qui portent des
mascarons à leur centre, s'élève sur un cordon figurant des fleurs et rattaché à la base par une
scotie ajourée. Cette base, également travaillée à jour et formant un très-fort renflement, se
compose de grosses feuilles réunies en couronne et reliées entre elles par de larges rubans. Le
charme de la couleur, qui va du violet au blanc en passant par des bleus et des verts d'une
grande fraîcheur et d'un vif éclat, complète et rehausse cette décoration si variée et si bien
conçue, qui fait de cette pièce une des plus charmantes œuvres de son auteur.
Les petites statuettes de Bernard Palissy, soit qu'elles représentent de grands person-
nages ou des figures historiques, comme les deux petites figures qui occupent le haut de la
vitrine, soit qu'elles s'attachent à reproduire des types populaires, comme la Nourrice, le Joueur
de vielle, et quelques autres du même genre, se font toujours remarquer par les mêmes qualités,
diversement mises en œuvre, de finesse d'observation et de vérité naïve. 11 y a encore beaucoup
de sentiment et de goût dans les drageoirs, les salières, dont il fait de petits monuments,
et auxquelles il applique avec un grand bonheur les formes architecturales de son temps. Ce
procédé de la terre émaillée en relief accompagnée de la décoration polychrome devait conduire
forcément notre artiste à l'imitation de tous les objets de la nature qui le frappaient et dont il
pouvait reproduire l'illusion; c'est de là que sont nés ces objets divers, gerbes de blé, oiseaux,
fruits, toujours remarquables par le côté nature de la forme, la fermeté du rendu et l'harmonie
de la couleur qui viennent de lui ou de ses meilleurs imitateurs. C'est la connaissance des
ressources de son émail qui l'a conduit à ces colorations jaspées qui dans de grands plats à
bordures émaillées de blanc et creusées par intervalles d'oves verts ou violets se répandent en
coulée d'émail où le blanc , le violet et le bleu se confondent. C'est la réunion de tous
ses instincts d'artiste qui lui a fait tracer sur d'autres plats de diverses formes ces grandes
compositions allégoriques où le blanc d'émail s'associe avec tant de bonheur à des colorations
vertes ou violacées : c'est enfin la possession complète de tous ses procédés qui lui a fait inventer
ses Rustiques figulines, les plus originales de ses productions, où tous les habitants des eaux
apparaissent au milieu des cailloux, des mousses, des herbages, et de toute la décoration de leurs
retraites préférées.
Collection de M. le baron Gustave de Rothschild. — Ces « rustiques figulines » ne sont pas
pour Bernard Palissy une simple fantaisie, elles sont comme exécution le résultat le plus complet
de ses études, et comme conception la réalisation des aspects de la nature qui le frappaient le plus,
et des sensations qu'ils éveillaient dans son âme. Il a fait parler la faïence comme d'autres ont
fait parler le marbre ou le bronze, il s'en est servi pour lui faire redire, sur le mode le plus
poétique et le plus éclatant, ses visions, ses rêves, l'impression reçue par lui de la vue de la
nature, ou de la méditation des mythologies, des histoires, des légendes qui retentissaient au
fond de son cerveau. Voyez ces deux plats à jour, à fond blanc et vert tendre, où des marguerites
et des primevères sont posées sur un émail d'émeraude semblable à celle des prairies : voyez
ces plats si nombreux et si connus où des poissons de toute espèce, des serpents, des lézards,
des grenouilles, des coquillages, des plantes aquatiques se mêlent dans un admirable fouillis
comme on les voit au fond des claires fontaines, dans les cavités des grottes, clans un endroit
frais, à l'abri du jour et de la chaleur. Voyez, comme résultat de couleur vive et puissante,
ces plats à fond bleu ou violet, truités ou jaspés, où l'émail coule et se répand en marbrures,
en larmes, en gouttelettes, où il semble encore frais et liquide et ne pouvoir se résoudre à se
figer, où il mélange perpétuellement sous nos yeux ses teintes si riches que la lumière fait
changer et chatoyer. Voyez-le comme décorateur dans le magnifique plat rond à fond violet
représentant un lézard vert le corps enroulé dans le sens du contour; pièce capitale qui fut,
croyons-nous, un des plus beaux ornements de la collection Bernai. Voyez-le enfin comme metteur
L'association des tons qui relèvent ces ingénieux dessins est encore très-bien comprise dans sa
variété.
Enfin, un flambeau dont on peut voir également un dessin fait preuve d'un goût surprenant
dans une ornementation de la plus grande richesse. La partie supérieure du flambeau affecte la
forme d'un vase décoré de palmes. La tige, toute ajourée, formée par des entrelacs qui portent des
mascarons à leur centre, s'élève sur un cordon figurant des fleurs et rattaché à la base par une
scotie ajourée. Cette base, également travaillée à jour et formant un très-fort renflement, se
compose de grosses feuilles réunies en couronne et reliées entre elles par de larges rubans. Le
charme de la couleur, qui va du violet au blanc en passant par des bleus et des verts d'une
grande fraîcheur et d'un vif éclat, complète et rehausse cette décoration si variée et si bien
conçue, qui fait de cette pièce une des plus charmantes œuvres de son auteur.
Les petites statuettes de Bernard Palissy, soit qu'elles représentent de grands person-
nages ou des figures historiques, comme les deux petites figures qui occupent le haut de la
vitrine, soit qu'elles s'attachent à reproduire des types populaires, comme la Nourrice, le Joueur
de vielle, et quelques autres du même genre, se font toujours remarquer par les mêmes qualités,
diversement mises en œuvre, de finesse d'observation et de vérité naïve. 11 y a encore beaucoup
de sentiment et de goût dans les drageoirs, les salières, dont il fait de petits monuments,
et auxquelles il applique avec un grand bonheur les formes architecturales de son temps. Ce
procédé de la terre émaillée en relief accompagnée de la décoration polychrome devait conduire
forcément notre artiste à l'imitation de tous les objets de la nature qui le frappaient et dont il
pouvait reproduire l'illusion; c'est de là que sont nés ces objets divers, gerbes de blé, oiseaux,
fruits, toujours remarquables par le côté nature de la forme, la fermeté du rendu et l'harmonie
de la couleur qui viennent de lui ou de ses meilleurs imitateurs. C'est la connaissance des
ressources de son émail qui l'a conduit à ces colorations jaspées qui dans de grands plats à
bordures émaillées de blanc et creusées par intervalles d'oves verts ou violets se répandent en
coulée d'émail où le blanc , le violet et le bleu se confondent. C'est la réunion de tous
ses instincts d'artiste qui lui a fait tracer sur d'autres plats de diverses formes ces grandes
compositions allégoriques où le blanc d'émail s'associe avec tant de bonheur à des colorations
vertes ou violacées : c'est enfin la possession complète de tous ses procédés qui lui a fait inventer
ses Rustiques figulines, les plus originales de ses productions, où tous les habitants des eaux
apparaissent au milieu des cailloux, des mousses, des herbages, et de toute la décoration de leurs
retraites préférées.
Collection de M. le baron Gustave de Rothschild. — Ces « rustiques figulines » ne sont pas
pour Bernard Palissy une simple fantaisie, elles sont comme exécution le résultat le plus complet
de ses études, et comme conception la réalisation des aspects de la nature qui le frappaient le plus,
et des sensations qu'ils éveillaient dans son âme. Il a fait parler la faïence comme d'autres ont
fait parler le marbre ou le bronze, il s'en est servi pour lui faire redire, sur le mode le plus
poétique et le plus éclatant, ses visions, ses rêves, l'impression reçue par lui de la vue de la
nature, ou de la méditation des mythologies, des histoires, des légendes qui retentissaient au
fond de son cerveau. Voyez ces deux plats à jour, à fond blanc et vert tendre, où des marguerites
et des primevères sont posées sur un émail d'émeraude semblable à celle des prairies : voyez
ces plats si nombreux et si connus où des poissons de toute espèce, des serpents, des lézards,
des grenouilles, des coquillages, des plantes aquatiques se mêlent dans un admirable fouillis
comme on les voit au fond des claires fontaines, dans les cavités des grottes, clans un endroit
frais, à l'abri du jour et de la chaleur. Voyez, comme résultat de couleur vive et puissante,
ces plats à fond bleu ou violet, truités ou jaspés, où l'émail coule et se répand en marbrures,
en larmes, en gouttelettes, où il semble encore frais et liquide et ne pouvoir se résoudre à se
figer, où il mélange perpétuellement sous nos yeux ses teintes si riches que la lumière fait
changer et chatoyer. Voyez-le comme décorateur dans le magnifique plat rond à fond violet
représentant un lézard vert le corps enroulé dans le sens du contour; pièce capitale qui fut,
croyons-nous, un des plus beaux ornements de la collection Bernai. Voyez-le enfin comme metteur