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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Madrazo, Pedro de: Marie Tudor d'après Antonio Moro au musée de Madrid
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https://doi.org/10.11588/diglit.16911#0246

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I

2i8 L'ART.

Heureusement pour nous, s'il nous appartient de débrouiller le chaos au milieu duquel cette
figure historique se détache en relief, c'est seulement dans la mesure des considérations suggérées
par sa physionomie corporelle, en déduisant les qualités morales qu'annoncent ses traits et son
expression ; or, sous quelque jour, bon ou mauvais, que nous l'aient dépeinte les historiens estimés
véridiques, il nous est doux de déclarer qu'à notre avis, son portrait physique, dû au talent
d'Antonio Moro, ne révèle point cette dureté de cœur, cette sombre disposition d'esprit, cette
soif de sang que la littérature de la Réforme se plaît à lui attribuer. Peut-être, lorsque la reine
Marie posait pour le peintre de son cousin Charles-Quint, c'est-à-dire pour l'artiste qui était
presque l'arbitre de sa réussite auprès de son auguste fiancé, l'espérance de plaire illuminait-elle
ses traits, son seul charme consistant apparemment en une éblouissante blancheur d'épiderme.

II

Un historien moderne de la peinture flamande1 s'est laissé égarer par Sandrart, et d'une
façon vraiment surprenante, au sujet des qualités physiques de Marie Tudor. Le biographe
allemand avait dit, en parlant du succès qu'obtint Moro dans sa mission auprès de la nouvelle
reine d'Angleterre : Cumque Regina Ma facie esset pulcherrima, ejusdem iconis hic noster apo-
grapha faciebat haud panca. M. Michiels, renchérissant sur cette flatteuse invention de l'écrivain
d'outre-Rhin, a ajouté : «Le charmant visage de, la reine enthousiasma le peintre. Quand on voit
ces traits fins et réguliers, cette peau blanche, ces yeux magnifiques, cet air doux et timide, on
a peine à se rendre compte de ses violences et de ses proscriptions religieuses. Une femme si
attrayante n'aurait dû songer qu'au bonheur dont elle était comme une promesse et un emblème2.
On pourrait supposer qu'Antoine s'éprit d'elle, car il ne se lassait pas de reproduire sa
figure, etc. »

Évidemment, lorsque M. Michiels écrivait ces belles phrases, il n'avait pas vu le portrait
original de la reine Marie; mais au moins il aurait pu s'en procurer un dessin, une gravure,
une lithographie, une photographie, puisque tout cela abonde. 11 est vrai que, jusqu'à ce jour, on
ne possédait aucune reproduction tout à fait fidèle du superbe portrait de Madrid, et que, sans
la belle eau-forte de M. Milius, exécutée pour l'Art, la connaissance exacte d'un des chefs-d'œuvre,
on pourrait presque dire le chef-d'œuvre du grand peintre néerlandais, serait restée pour
longtemps un desideratum ; mais pour vérifier si, dans le panneau du Museo del Prado, Marie
Tudor est ou non cette houri qu'il avait rêvée, il eût suffi à M. Michiels d'une photographie
quelconque. — Certes, la bévue de cet auteur était capitale; mais il y a quelque chose de plus
encore. Oubliant qu'il avait déjà esquissé à sa manière un premier portrait de Marie Tudor
dans Y Histoire de la peinture flamande, il en trace un autre tout à fait contraire dans son livre :
VArt flamand dans l'est et le midi de la France (Rapport officiellement adressé au gouvernement
français, en 1877). La ravissante beauté, aux traits fins et réguliers, aux yeux magnifiques, à Voir
doux et timide ; cette séduisante femme créée pour ne songer qu'au bonheur dont elle était connue
une promesse et un emblème, s'est changée en une espèce de pataude allemande. Elle a mainte-
nant un large front quadrilatéral, l'œil enfoncé dans un orbite plein de chair, des demi-sourcils
seulement ; un ne{ court, des pommettes saillantes, la mâchoire forte et un air de dissimulation,
de volonté sournoise et réfléchie qui transportent l'imagination au-delà du Rhin. Et quelle est la
cause de cette transformation ? Pourquoi M. Michiels a-t-il tracé ces deux portraits de Marie
Tudor, si différents l'un de l'autre? On le devine facilement. Après qu'il eut épanché, en 1868,
sa verve poétique, prenant sans doute pour une véritable effigie de la malheureuse reine une
autre effigie de n'importe quelle belle femme, et lorsqu'il n'y pensait plus, le hasard mit entre
ses mains une vieille gravure de Don José Vazquez, publiée à Madrid en 1793, avec l'inscription
Retrato desconocido (portrait d'une personne inconnue). Dans cette inscription, œuvre positive d'un

1. M. Alfred Michiels.

2. Tel est le premier « portrait » de Marie Tudor, imaginé par M. Alfred Michiels dans son Histoire de la peinture flamande, tome VI,
chap. XXII, page 250. Nous constatons plus loin qu'il s'est arrogé ailleurs le droit d'en esquisser un autre, également imaginaire bien que
diamétralement opposé.
 
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