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rables. A l'exposition de l'Union Centrale de 1878, elles ont reçu
une me'daille d'or. Au concours de composition ouvert en 1876
par la même Union Centrale, le ior et le 20 prix et là première
mention ont été remportés par des élèves des Écoles de Limoges.
En 1876 ces mêmes Écoles obtenaient une médaille d'argent.
Dans le concours du vase de Sèvres, trois jeunes filles des
Écoles de Limoges ont obtenu le 5e, le 6e et le 7» rang sur
soixante-dix concurrents, et leurs projets ont été acquis par
l'État. Dans le concours de l'Aiguière organisé par l'Union Cen-
trale, les élèves de Limoges ne craignirent pas d'entrer en lutte
« avec des maîtres, des artistes et même des professeurs », écrit
M. Sensier, secrétaire général de l'Union Centrale, et dans ce
concours, que le jury proclama hautement et à l'unanimité un
des plus satisfaisants à tous égards, deux élèves de Limoges ob-
tinrent une mention avec médaille et une 5" mention. Nous
ayons déjà dit que le jury de l'Exposition universelle vient de
leur décerner une médaille d'or.
Il n'est pas besoin d'expliquer que M. Dubouché se prodigue
pour ses Écoles comme pour son Musée. Pour obtenir des.mo-
dèles, il fait de longs voyages, il harcèle les ministres et par-
court les bureaux ; fatigues, dépenses, démarches, sollicitations,
rien ne lui coûte pour ses chères Ecoles; et quand il a obtenu
tous les modèles qu'il demandait, il en achète encore d'autres,
afin d'en avoir pour tous les goûts et toutes les aptitudes. Ajou-
tons h cela les expositions des Ecoles de Limoges dans les con-
cours, les prix et encouragements pour les élèves qui ont besoin
d'être stimulés, les avances pécuniaires à ceux que pressent les
nécessités de la vie et qu'elles empêcheraient de suivre les cours,
et nous n'aurons pas encore une idée complète des difficultés et
des complications du rôle qu'imposent à M. Dubouché son ardeur
et son zèle pour ses Écoles. Il lui reste à trouver les professeurs,
chose difficile, presque impossible, ceux qui ont du talent refusant
pour la plupart de quitter Paris. C'est surtout dans le monde des
arts que sévit le préjugé de la centralisation parisienne. Un
artiste en province se considère comme exilé, et le nombre est
petit de ceux qui veulent bien regarder Limoges comme un
théâtre assez grand pour leur gloire.
Toutes ces difficultés ont été heureusement surmontées jus-
qu'à ce jour. Nous espérons qu'il en sera toujours de même;
nous pouvons même dire que nous en sommes sûr, tant que
M. Dubouché sera là pour lutter contre elles.
L'initiative privée n'est pas chose commune parmi nous. On
a souvent, — et malheureusement avec raison— remarqué com-
bien, à ce point de vue, les Français sont inférieurs à plusieurs
autres peuples, et en particulier aux Américains des États-Unis.
Nous avons entendu souvent citer les noms des glorieux citovens
d'Amérique qui ont donné ou légué à leur patrie, à leur cité la
plus grande partie de leur fortune, et l'on ne manquait pas de
demander où sont les Français capables d'en faire autant. C'est
pour répondre à cette interrogation que nous avons surtout tenu
à placer en lumière cette figure aussi originale que sympathique.
Si le fondateur du Musée et des Écoles de Limoges ne craint pas
de mettre chaque année 50,000 fr. au service de ses créations ',
c'est qu'il unit dans un culte commun l'art et la patrie. Sans
doute, il aime l'art parce que la nature lui a donné un vif senti-
ment des justes rapports des formes et des couleurs, parce que
son œil a cette sensibilité particulière qui est la condition essen-
tielle de la jouissance esthétique, mais je crois bien qu'il aime-
rait moins l'art, si l'art n'entrait pas pour une bonne part dans
RT.
ce qui constitue la gloire de la France. Il a une manière de par-
ler de son pays qui rappelle le ton et l'accent de Sabine dans le
vers connu :
Albe, mon cher pays et mon premier amour.
A la dernière distribution des prix de ses Ecoles, il s'écriait
dans un mouvement dont la franchise et la spontanéité sont
d'une touchante éloquence :
« Eh bien ! messieurs les conseillers municipaux, soyez fiers
de la ville de Limoges; elle est bien portante, elle est aujour-
d'hui vivante et rayonnante; vous la revoyez cette fois cou-
ronnée ; la farce de M. de Pourceaugnac est passée de mode; à
l'Exposition elle ne fait plus rire ! Oui, monsieur le maire, sovez
fier de la grande ville que vous administrez, soyez fier de nos
compatriotes parce qu'ils honorent notre pays et que leur hon-
neur est aussi le nôtre. En remerciant ces amis, que vos félicita-
tions soient sans bornes, parce qu'ils ont posé leur drapeau si
haut que les récompenses les plus magnifiques et les mieux mé-
ritées sont irrévocablement acquises à notre cher pays. »
Le caractère de l'homme éclate encore avec une égale sin-
cérité dans cet autre passage, où il se résume tout entier : « Notre
méthode, dit-il, est la bonne, parce que nous suivons pas à pas
nos élèves; parce que, dans les jours de défaillance et de doute,
notre sympathie et nos conseils ne leur sont jamais marchandés,
parce que notre cœur s'associe à leurs peines comme à leurs suc-
cès, parce que nous aimons nos enfants et que nos enfants nous
aiment. » Ses enfants ce sont les élèves de ses Écoles. Tous ceux
qui le connaissent le retrouvent là, dans cette bonhomie expan-
sive et affectueuse, dans cette sincérité d'accent et cette vérité de
sentiment qui en font le plus éloquent des professeurs, quand,
dans ses visites aux Ecoles, il se laisse aller à des causeries fami-
lières, où il explique les principes de la décoration appliquée à
cette industrie de la porcelaine qu'il aime d'un goût si vif et si
spontané.
Ce n'est pas lui qui bornerait l'art à l'application routinière
de certains procédés plus ou moifîs conventionnels. « Toutes
les manifestations de l'esprit humain sont solidaires, disait-il
en 1869 dans son rapport au jury de l'Exposition de l'Union
centrale, et l'enseignement de l'art germe plus difficilement
dans les cerveaux peu cultivés. Nous avons l'espoir d'organiser
un jour pour nos Ecoles des conférences de littérature, d'histoire,
de grammaire, de chimie, de physique. Ce jour-là, notre œuvre
sera complète et nous pourrons nous reposer. »
Il y a longtemps qu'il aurait le droit de se reposer, si le
repos existait pour des natures comme la sienne. Quelque bien
remplie que soit sa vie, il ne croira jamais avoir assez fait pour
n'avoir plus rien à faire. Habitué comme il l'est à une activité
sans relâche, le repos ne saurait avoir pour lui grand attrait.
Dernièrement, à la distribution des prix des Écoles de Limoges,
le député de l'arrondissement, M. Ninard, déclarait, aux applau-
dissements de tous, que M. Dubouché 0 a bien mérité de la cité».
M. Dubouché continue et continuera de se rendre de plus en
plus digne de la reconnaissance et des acclamations non-seulement
de Limoges, mais de tous ceux qui comprennent que tout accrois-
sement de richesse et de gloire pour un point particulier de la
France est un bienfait pour la France entière, et que bien méri-
ter de la cité c'est avoir bien mérité de la patrie 2.
Eugène Vérom.
1. Les lecteurs de l'Art ont pu voir que M. Dubouché a souscrit pour une somme de 10,000 francs à la fondation du Musée des Arts décoratifs.
2. Nous avions d'abord songé à réunir dans un même article les noms de plusieurs hommes qui ont, comme M. Dubouché, rendu à la France et à l'art des
services signalés. L'article eût été trop long. Xous y reviendrons en des notices séparées.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
rables. A l'exposition de l'Union Centrale de 1878, elles ont reçu
une me'daille d'or. Au concours de composition ouvert en 1876
par la même Union Centrale, le ior et le 20 prix et là première
mention ont été remportés par des élèves des Écoles de Limoges.
En 1876 ces mêmes Écoles obtenaient une médaille d'argent.
Dans le concours du vase de Sèvres, trois jeunes filles des
Écoles de Limoges ont obtenu le 5e, le 6e et le 7» rang sur
soixante-dix concurrents, et leurs projets ont été acquis par
l'État. Dans le concours de l'Aiguière organisé par l'Union Cen-
trale, les élèves de Limoges ne craignirent pas d'entrer en lutte
« avec des maîtres, des artistes et même des professeurs », écrit
M. Sensier, secrétaire général de l'Union Centrale, et dans ce
concours, que le jury proclama hautement et à l'unanimité un
des plus satisfaisants à tous égards, deux élèves de Limoges ob-
tinrent une mention avec médaille et une 5" mention. Nous
ayons déjà dit que le jury de l'Exposition universelle vient de
leur décerner une médaille d'or.
Il n'est pas besoin d'expliquer que M. Dubouché se prodigue
pour ses Écoles comme pour son Musée. Pour obtenir des.mo-
dèles, il fait de longs voyages, il harcèle les ministres et par-
court les bureaux ; fatigues, dépenses, démarches, sollicitations,
rien ne lui coûte pour ses chères Ecoles; et quand il a obtenu
tous les modèles qu'il demandait, il en achète encore d'autres,
afin d'en avoir pour tous les goûts et toutes les aptitudes. Ajou-
tons h cela les expositions des Ecoles de Limoges dans les con-
cours, les prix et encouragements pour les élèves qui ont besoin
d'être stimulés, les avances pécuniaires à ceux que pressent les
nécessités de la vie et qu'elles empêcheraient de suivre les cours,
et nous n'aurons pas encore une idée complète des difficultés et
des complications du rôle qu'imposent à M. Dubouché son ardeur
et son zèle pour ses Écoles. Il lui reste à trouver les professeurs,
chose difficile, presque impossible, ceux qui ont du talent refusant
pour la plupart de quitter Paris. C'est surtout dans le monde des
arts que sévit le préjugé de la centralisation parisienne. Un
artiste en province se considère comme exilé, et le nombre est
petit de ceux qui veulent bien regarder Limoges comme un
théâtre assez grand pour leur gloire.
Toutes ces difficultés ont été heureusement surmontées jus-
qu'à ce jour. Nous espérons qu'il en sera toujours de même;
nous pouvons même dire que nous en sommes sûr, tant que
M. Dubouché sera là pour lutter contre elles.
L'initiative privée n'est pas chose commune parmi nous. On
a souvent, — et malheureusement avec raison— remarqué com-
bien, à ce point de vue, les Français sont inférieurs à plusieurs
autres peuples, et en particulier aux Américains des États-Unis.
Nous avons entendu souvent citer les noms des glorieux citovens
d'Amérique qui ont donné ou légué à leur patrie, à leur cité la
plus grande partie de leur fortune, et l'on ne manquait pas de
demander où sont les Français capables d'en faire autant. C'est
pour répondre à cette interrogation que nous avons surtout tenu
à placer en lumière cette figure aussi originale que sympathique.
Si le fondateur du Musée et des Écoles de Limoges ne craint pas
de mettre chaque année 50,000 fr. au service de ses créations ',
c'est qu'il unit dans un culte commun l'art et la patrie. Sans
doute, il aime l'art parce que la nature lui a donné un vif senti-
ment des justes rapports des formes et des couleurs, parce que
son œil a cette sensibilité particulière qui est la condition essen-
tielle de la jouissance esthétique, mais je crois bien qu'il aime-
rait moins l'art, si l'art n'entrait pas pour une bonne part dans
RT.
ce qui constitue la gloire de la France. Il a une manière de par-
ler de son pays qui rappelle le ton et l'accent de Sabine dans le
vers connu :
Albe, mon cher pays et mon premier amour.
A la dernière distribution des prix de ses Ecoles, il s'écriait
dans un mouvement dont la franchise et la spontanéité sont
d'une touchante éloquence :
« Eh bien ! messieurs les conseillers municipaux, soyez fiers
de la ville de Limoges; elle est bien portante, elle est aujour-
d'hui vivante et rayonnante; vous la revoyez cette fois cou-
ronnée ; la farce de M. de Pourceaugnac est passée de mode; à
l'Exposition elle ne fait plus rire ! Oui, monsieur le maire, sovez
fier de la grande ville que vous administrez, soyez fier de nos
compatriotes parce qu'ils honorent notre pays et que leur hon-
neur est aussi le nôtre. En remerciant ces amis, que vos félicita-
tions soient sans bornes, parce qu'ils ont posé leur drapeau si
haut que les récompenses les plus magnifiques et les mieux mé-
ritées sont irrévocablement acquises à notre cher pays. »
Le caractère de l'homme éclate encore avec une égale sin-
cérité dans cet autre passage, où il se résume tout entier : « Notre
méthode, dit-il, est la bonne, parce que nous suivons pas à pas
nos élèves; parce que, dans les jours de défaillance et de doute,
notre sympathie et nos conseils ne leur sont jamais marchandés,
parce que notre cœur s'associe à leurs peines comme à leurs suc-
cès, parce que nous aimons nos enfants et que nos enfants nous
aiment. » Ses enfants ce sont les élèves de ses Écoles. Tous ceux
qui le connaissent le retrouvent là, dans cette bonhomie expan-
sive et affectueuse, dans cette sincérité d'accent et cette vérité de
sentiment qui en font le plus éloquent des professeurs, quand,
dans ses visites aux Ecoles, il se laisse aller à des causeries fami-
lières, où il explique les principes de la décoration appliquée à
cette industrie de la porcelaine qu'il aime d'un goût si vif et si
spontané.
Ce n'est pas lui qui bornerait l'art à l'application routinière
de certains procédés plus ou moifîs conventionnels. « Toutes
les manifestations de l'esprit humain sont solidaires, disait-il
en 1869 dans son rapport au jury de l'Exposition de l'Union
centrale, et l'enseignement de l'art germe plus difficilement
dans les cerveaux peu cultivés. Nous avons l'espoir d'organiser
un jour pour nos Ecoles des conférences de littérature, d'histoire,
de grammaire, de chimie, de physique. Ce jour-là, notre œuvre
sera complète et nous pourrons nous reposer. »
Il y a longtemps qu'il aurait le droit de se reposer, si le
repos existait pour des natures comme la sienne. Quelque bien
remplie que soit sa vie, il ne croira jamais avoir assez fait pour
n'avoir plus rien à faire. Habitué comme il l'est à une activité
sans relâche, le repos ne saurait avoir pour lui grand attrait.
Dernièrement, à la distribution des prix des Écoles de Limoges,
le député de l'arrondissement, M. Ninard, déclarait, aux applau-
dissements de tous, que M. Dubouché 0 a bien mérité de la cité».
M. Dubouché continue et continuera de se rendre de plus en
plus digne de la reconnaissance et des acclamations non-seulement
de Limoges, mais de tous ceux qui comprennent que tout accrois-
sement de richesse et de gloire pour un point particulier de la
France est un bienfait pour la France entière, et que bien méri-
ter de la cité c'est avoir bien mérité de la patrie 2.
Eugène Vérom.
1. Les lecteurs de l'Art ont pu voir que M. Dubouché a souscrit pour une somme de 10,000 francs à la fondation du Musée des Arts décoratifs.
2. Nous avions d'abord songé à réunir dans un même article les noms de plusieurs hommes qui ont, comme M. Dubouché, rendu à la France et à l'art des
services signalés. L'article eût été trop long. Xous y reviendrons en des notices séparées.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.