L' art: revue hebdomadaire illustrée (4.1878 (Teil 4))

2)6 L'ART.

à autre, il bourrait de tabac blond sa pipette profonde comme un dé de petite fille, tirait une
dizaine de bouffées, la vidait en la frappant d'un coup sec sur le rebord de son tobacco. Il suivait
de son regard glissant la fumée de ma cigarette ; et s'il la voyait jaunir et s'éteindre, pendant que je
lisais, que je prenais quelques croquis ou que je rédigeais quelques notes, il me tendait un petit
charbon, en entr'ouvrant sa large bouche au sourire respectueux et compatissant. Excellent Tanaka!
Qui n'aurait pas accepté et croqué avec des grimaces de satisfaction polie vos pois gris roulés dans
du sucre rose, bonbons primitifs et pâteux que Boissier ne cherchera jamais à contrefaire, quelle
que soit la vogue du Japonisme ?

LES MÉTAUX.

L'origine de la fabrication du bronze, de l'alliage des métaux est indécise. Cet art fut-il importé
de la Chine ou de la Corée ? Les objets les plus curieux en cette matière appartiennent au
mobilier ecclésiastique de la religion bouddhique, qui pénétra au Japon, vers le milieu du vu" siècle,
en arrivant par la Corée.

Le cuivre ne fut découvert que vers le vin" siècle. L'or était déjà exploité régulièrement
depuis une centaine d'années. On rencontre aujourd'hui les traces de nombreuses exploitations,

abandonnées dès que les difficultés d'extraction
devenaient sérieuses. Notons ce fait singulier que,
lorsque les Européens furent autorisés à nouer
des relations suivies avec les Japonais, l'écart de
quinze pour cent consenti sur tous les continents
n'existait pas, et permit de scandaleux bénéfices
aux premiers arrivants. La valeur intrinsèque du
métal ne touchait donc pas ce peuple essentiellement
artiste, sensible aux combinaisons de la forme et
de la couleur, à la variété infinie des effets. Sauf
pour les menouki, sorte d'amulette maintenue sur
le galuchat de la poignée des sabres par une
cordelette de soie tressée en losanges, et que nous
appelons improprement des bijoux, ils emploient
rarement l'or, un peu plus souvent l'argent, mais
Garde de sabre en fer ciselé et doré (xvh« siècle) SOuvent les alliages. Le cuivre est rarement moulé

représentant deux écritoires avec leurs pinceaux. , •<• t-> 4 n 11 « • •

„ . „ „ a vif. En le mélangeant avec 1 argent, en tres-mmime

Dessin de H. Soinm. ° °: y '

proportion, on a le sibuichi, qui prend à demeure
ce ton gris si fin de notre argent oxydé. Le seido est un cuivre vert allié de plomb et parfois d'un
peu d'étain. Par-dessus tout, ils estiment le shakudo, mélange de cuivre et de sept à dix pour
cent d'or. Il doit, lorsqu'il est parfait, prendre au contact de l'air un épidémie qui varie du noir
de charbon au bleu de l'aile du corbeau. Il date, comme toutes les choses raffinées anciennes, de
ces xiv* et xv° siècles, qui virent s'éteindre, dans le sang et les ruines, la longue rivalité des
maisons princières de Genzi et de Taïra.

Les patines s'appliquent à l'aide de la chaleur. Elles sont d'une richesse bien autrement variée
que celles que nous sommes habitués à célébrer en Europe. Il y en a de rouges, de vertes, de
jaunes, d'aventurinées, de rubanées comme de l'onyx. C'est une véritable palette.

Les produits chimiques employés pour les patines sont le vinaigre de prunes, le sulfate de
cuivre et le vert-de-gris, le sulfate de fer, l'oxyde rouge de fer et des vernis. Les incrustations
d'or ou d'argent se font comme partout, à l'aide du martelage dans un espace gravé en creux.
Elles ont pour qualités suprêmes l'harmonie et la solidité.

Outre le coulage des métaux et la fonte à cire perdue, on emploie le coulage ou le repoussé.
On introduit le bloc de métal dans un moule en acier gravé en creux, et l'on martèle jusqu'à ce
qu'il se réduise à une épaisseur prévue et qu'il porte en relief sur sa surface exactement les