L' art: revue hebdomadaire illustrée (11.1885 (Teil 2))

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Paris. Librairie de l'Art, Jules Rouam, éditeur, 29,
cité d'Antin. 1885.

CCGLXX

Les Artistes célèbres, Biographies et Notices critiques,
publiées sous la direction de M. Eugène Muntz.

I. Donatello, par Eugène Muntz, Conservateur de
l'Ecole des Beaux-Arts, Lauréat de l'Académie fran-
çaise et de l'Académie des Beaux-Arts. Ouvrage accom-
pagné de 48 gravures. Un volume in-8° de 120 pages.

Si Charles Blanc ne fut autre chose qu'un aligneur de
phrases aussi creuses que cadencées, s'il fut absolument
dépourvu de tout sens critique, s'il brilla surtout, en tant
que connaisseur, par l'étendue de son ignorance, s'il prit
sans cesse des copies pour des originaux et les plus vul-
gaires croûtes pour des chefs-d'œuvre1, si jamais réputa-

Saint Jean-Baptiste.
Marbre de Donatello l; (Eglise des Vanchettoni, à Florence.) — Dessin de Charles K. Wilsotl.

tion ne fut moins sérieusement fondée que la sienne, il
n'est que juste de lui reconnaître un incontestable mérite
de vulgarisation. En réussissant à persuader qu'il savait,
ce dont il parlait imperturbablement à tort et à travers,
Charles Blanc aida puissamment à populariser les ques-
tions d'art, en les faisant entrer peu à peu dans la conver-
sation courante de gens qui ne s'en préoccupaient guère
jusque-là et qui n'en savaient certes pas plus long que lui,
mais ils en étaient arrivés à être convaincus qu'il est de
bon ton de s'entretenir de pareils sujets, et, comme résul-
tat, c'était énorme. Il ne faut donc jeter — s'il est permis
de s'exprimer ainsi — que relativement la pierre à Charles

1. Nous avions fait dessiner ces deux bustes pour l'Art long-
temps avant l'apparition du Donatello de M. Eugène Mùntz, où on
les trouve e'galement reproduits, mais pris différemment : le Saint
Jean-Baptiste de face et l'Enfant Je'sus(?) de trois quarts.

Blanc, si innombrables qu'aient été ses méfaits artistiques.
Il y aurait ingratitude à oublier que s'il se grisait de la
pompe édulcorée de ses propres phrases, les autres ne s'en
grisèrent pas moins ; ce fut là l'essentiel. L'érudition
sérieuse, la critique d'art, élevée, féconde, créée par Théo-
phile Thoré, qui en demeura si longtemps l'unique repré-
sentant vraiment autorisé, ne devaient pas tarder à tracer
leur chemin à la suite de la trouée laite dans les voies les
plus banales par l'ignare aplomb de Charles Blanc. C'est
l'énorme succès de son Histoire des Peintres de toutes les
Écoles 2, succès, la plupart du temps, d'images bien plus
que de texte, c'est ce succès qui fit surgir un public

1. On trouvera dans l'Art, r année, tome II, page 134, les plus
édifiants, les plus indiscutables détails sur un de ses plus mémo-
rables exploits en ce genre.

2. Le véritable fondateur de l'entreprise fut M. Armengaud.