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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 11.1885 (Teil 2)

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Un surtout de table
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https://doi.org/10.11588/diglit.19704#0160

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140

L'ART.

cette œuvre populaire entre les plus populaires de de Neu-
ville, une description qui est tout à citer : « Ce fut cette
toile qui établit définitivement la popularité de de Neuville
et le fit d'un seul coup grand peintre. On a conservé telle
qu'elle était la maison où s'est passé l'épisode qu'elle
représente. Elle est sacro-sainte autant que le tableau de
de Neuville dans la mémoire des patriotes. Plusieurs
officiers se sont disputé la place de l'officier blessé. Pour
moi, l'intérêt du tableau n'est ni dans l'officier, ni dans
l'admirable décor militaire du fond, ni dans les tirailleurs
tirant leurs dernières cartouches; il est tout entier dans le
soldat de marine qui, son fusil brisé, ses munitions con-
sommées, debout devant le lit où l'un des officiers râle,
attend l'arrivée de l'ennemi.

« Il a bien jugé la situation; c'est un gars sans peur, il
l'a prouvé à la bataille; il n'a plus confiance que dans sa
force physique, et il attend. Le premier Bavarois qui
entrera dans cette chambre tombera étranglé par ce taureau
résolu, acculé, concentré sur lui-même et dont rien
désormais n'arrêtera l'élan qu'une balle au cœur.

« Les grands artistes de la statuaire antique nous ont
laissé des bronzes personnifiant tel sentiment ou telle
vertu; ils aimaient l'allégorie, qui plaisait aux habitudes
philosophiques de leurs contemporains. Notre tendance
réaliste depuis quatre-vingts ans écarte nos artistes de ces
compositions quintessenciées. Par un effort puissant de
réalisme presque sublime, Neuville est arrivé à faire de cet
humble troupier la personnification du désespoir militaire,
de la détermination finale la plus arrêtée. Dans l'officier,
il y a encore la pose suprême de l'homme comme il faut
qui veut en imposer — même dans la mort ■— à ses infé-
rieurs et à l'ennemi. Dans l'attitude du soldat il n'y a que

la nature, la vérité, la simplicité. Comme mouvement et
passion interne et silencieuse, je n'ai jamais rencontré
autant de puissance. C'est classique à force d'être vrai;
c'est épique à force d'être peuple. Oh! celui-là ne pense ni
à ses inférieurs, ni à ses supérieurs, ni à Dieu, ni au diable,
ni à sa pauvre mère, ni à la femme qu'il aime. 11 pense en
dedans qu'il faut qu'il en tue un, et il en tuera au moins
un.

« C'est à Bazeilles que s'est passé cet épisode de la
bataille de Sedan. L'infanterie de marine faisait partie du
douzième corps et tenait tout le village. Des ordres et des
contre-ordres motivés par les changements survenus dans
le commandement en chef contribuèrent à compromettre
sa situation. Mais cette belle troupe, à laquelle on contes-
tait encore des qualités égales à celles de l'armée de terre,
conquit ce jour-là une renommée immortelle. On dira :
les fantassins de marine à Bazeilles, comme on a dit : les
dragons en Espagne et les cuirassiers à Waterloo.

« Le lendemain, à l'appel des quatre régiments, sur
huit mille cinq cents hommes présents la veille, il man-
quait, tués, blessés ou prisonniers : cent officiers, deux
cent treize sous-officiers, deux cent soixante-quinze capo-
raux, deux mille soixante-sept soldats. Plus d'un homme
sur quatre ! » 1

Je ne saurais ajouter un seul mot. Je me bornerai à
remercier les éditeurs d'avoir mis à la portée d'un nombre
considérable d'acheteurs l'œuvre patriotique du peintre de
tels héros. L'ouvrage se compose de quatre livraisons qui
ne contiennent pas moins de quatre-vingts typogravures.
Le prix de la livraison est de deux francs.

Alexandre de Latour.

1. Page .S4.

Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
 
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