L' art: revue hebdomadaire illustrée (11.1885 (Teil 2))

Fleuron composé et dessiné pour « l'Art » par J. Habert-Dvs.

LA

VÉRITÉ SUR LA FORNARINA

r

e centenaire de Raphaël a été célébré avec peu d éclat, mais il a eu
pour résultat d'appeler l'attention publique sur la Fornarina. On a vu
s'évanouir la légende de la grande passion inspirée
au peintre, par ce modèle qu'on accusait de sa mort;
cette découverte a scandalisé certains publicistes
habitués à la symétrie et pour lesquels tout person-
nage célèbre a besoin d'un pendant. Je compatis à la
douleur de ces écrivains que la science prive chaque
jour d'un de leurs clichés ; moi aussi j'aime les légen-
des naïves exprimant les sentiments et les aspirations
populaires, je ne déteste pas les pures fictions quand
elles n'altèrent nullement la vérité; mais je ne
vois rien de respectable ni de poétique dans
un préjugé ou dans une erreur historique et
je ne puis m'expliquer cette rage de
défendre les mensonges accrédités.
f/^*" M. Bergerat, l'élégiaque auteur d'un
article intitulé : Adieu à la Forna-
rine, ne devrait pas ignorer que s'il
y a des erreurs triomphantes, il existe aussi des vérités méconnues. La critique historique a porté
atteinte au culte voué par les ignorants à quelques faux grands hommes, mais combien de génies
incompris n'a-t-elle pas révélés ! Il est odieux d'écrire des phrases comme celle-ci : « Rien n'a
eu .lieu, personne n'a vécu, nul n'a aimé, il n'y a de vrai que les harpies du Dante, qui salissent
le festin de l'humanité et jettent leurs fientes documentaires dans nos coupes d'ambroisie. » On
n'est point iconoclaste parce qu'on relègue certaines idoles dans un coin et qu'on substitue les