ADRIEN BRAUWER AU MUSÉE DE MUNICH. i43
souvent pires que les maux eux-mêmes ; témoin ce rustre qui vient de découvrir son bras à un
opérateur de village (n° 885), lequel s'apprête à le taillader en conscience. Le cas est grave,
paraît-il, et le praticien, avec ses lèvres pincées, n'a pas un air très rassurant. Ce fer qui chauffe,
cette fiole mystérieuse, l'air décidé du bourreau, tous ces préparatifs intimident fort la victime.
Aussi le pauvre diable crie-t-il par avance, et, avec une horrible grimace, il ferme un œil comme
pour éviter de voir cette pharmacie primitive dont tout à l'heure il va subir l'épreuve.
On le voit, les divers sujets qui ont le plus habituellement défrayé la verve de Brauwer se
trouvent représentés au Musée de Munich par des spécimens nombreux et choisis. Un seul côté
cle son talent y fait défaut : le paysage, dans lequel pourtant il excellait, ainsi que le prouvent
assez le Clair de lune et surtout le Pâtre du Musée de Berlin, la Dune de Vienne et celle de la
Bridgeivater Gallery, et l'admirable petit panneau récemment acquis par le Musée de Bruxelles1,
qui tous sont de la meilleure époque et méritent d'être cités parmi les chefs-d'œuvre de l'artiste.
Brauwer avait su s'affranchir des collaborateurs auxquels il avait dû primitivement recourir, pour
peindre les fonds de ses tableaux, ainsi qu'on peut le voir dans une Danse de paysans, ouvrage
de sa jeunesse, que possède à Paris M. Warneck, et dont le paysage assez conventionnel a été
exécuté par quelque artiste de cette époque, Gowaërts, Keirincx ou Savery 2. Les paysages que
Brauwer a peints lui-même sont, au contraire, d'une finesse et d'une vérité exquises, et nous y
trouverions, au besoin, un nouvel argument, jusqu'à présent trop négligé, en faveur de la durée
prolongée cle son séjour à Harlem. Dans presque tous, en effet, la nature des environs de cette,
ville — la dune avec son gazon rare et pâle, le ciel avec la transparence et la légèreté que lui
donne le voisinage immédiat de la mer ■— a fourni à l'artiste les motifs de ces œuvres accomplies
dans lesquelles, peu de temps avant sa mort prématurée, il devait montrer des qualités si rares
et des mérites si divers.
Emile Michel.
1. N° i<)3; acheté i3,ooo fr. à la vente Du Bus de Gisignies, en 1882.
2. On peut hésiter entre ces noms, et il serait dangereux d'affirmer à coup sûr, ainsi que l'ont fait certains critiques, la paternité de
l'un d'eux d'après ce bout de paysage. Les paysagistes de ce temps offrent entre eux, qu'ils soient flamands ou hollandais, des analogies
d'exécution très formelles que l'on pourrait relever, surtout dans la manière de traiter les arbres, non seulement chez ceux que nous venons
de citer, mais chez Ad. van der Venne, J. Brueghel et d'autres encore.
CUL-DE-LAMPE
composé et dessiné pour l'Art par J. Habert-Dys.
souvent pires que les maux eux-mêmes ; témoin ce rustre qui vient de découvrir son bras à un
opérateur de village (n° 885), lequel s'apprête à le taillader en conscience. Le cas est grave,
paraît-il, et le praticien, avec ses lèvres pincées, n'a pas un air très rassurant. Ce fer qui chauffe,
cette fiole mystérieuse, l'air décidé du bourreau, tous ces préparatifs intimident fort la victime.
Aussi le pauvre diable crie-t-il par avance, et, avec une horrible grimace, il ferme un œil comme
pour éviter de voir cette pharmacie primitive dont tout à l'heure il va subir l'épreuve.
On le voit, les divers sujets qui ont le plus habituellement défrayé la verve de Brauwer se
trouvent représentés au Musée de Munich par des spécimens nombreux et choisis. Un seul côté
cle son talent y fait défaut : le paysage, dans lequel pourtant il excellait, ainsi que le prouvent
assez le Clair de lune et surtout le Pâtre du Musée de Berlin, la Dune de Vienne et celle de la
Bridgeivater Gallery, et l'admirable petit panneau récemment acquis par le Musée de Bruxelles1,
qui tous sont de la meilleure époque et méritent d'être cités parmi les chefs-d'œuvre de l'artiste.
Brauwer avait su s'affranchir des collaborateurs auxquels il avait dû primitivement recourir, pour
peindre les fonds de ses tableaux, ainsi qu'on peut le voir dans une Danse de paysans, ouvrage
de sa jeunesse, que possède à Paris M. Warneck, et dont le paysage assez conventionnel a été
exécuté par quelque artiste de cette époque, Gowaërts, Keirincx ou Savery 2. Les paysages que
Brauwer a peints lui-même sont, au contraire, d'une finesse et d'une vérité exquises, et nous y
trouverions, au besoin, un nouvel argument, jusqu'à présent trop négligé, en faveur de la durée
prolongée cle son séjour à Harlem. Dans presque tous, en effet, la nature des environs de cette,
ville — la dune avec son gazon rare et pâle, le ciel avec la transparence et la légèreté que lui
donne le voisinage immédiat de la mer ■— a fourni à l'artiste les motifs de ces œuvres accomplies
dans lesquelles, peu de temps avant sa mort prématurée, il devait montrer des qualités si rares
et des mérites si divers.
Emile Michel.
1. N° i<)3; acheté i3,ooo fr. à la vente Du Bus de Gisignies, en 1882.
2. On peut hésiter entre ces noms, et il serait dangereux d'affirmer à coup sûr, ainsi que l'ont fait certains critiques, la paternité de
l'un d'eux d'après ce bout de paysage. Les paysagistes de ce temps offrent entre eux, qu'ils soient flamands ou hollandais, des analogies
d'exécution très formelles que l'on pourrait relever, surtout dans la manière de traiter les arbres, non seulement chez ceux que nous venons
de citer, mais chez Ad. van der Venne, J. Brueghel et d'autres encore.
CUL-DE-LAMPE
composé et dessiné pour l'Art par J. Habert-Dys.