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La chronique des arts et de la curiosité — 1898

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Nr. 7 (12 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19746#0066
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56

LA. CHRONIQUE DES ARTS

Pour les travaux nouveaux qu'il convient
d'exécuter, aucune décision définitive n'a été
prise; cependant, diverses indications ont
été données pour ainsi dire à l'unanimité, de
sorte qu'on peut les tenir pour acquises.

Ainsi, on a demandé au service d'archi-
tecture de rendre au jour celte merveilleuse
salle de bains construite pour Louis XV et
ornée par Antoine Rousseau d'adorables
boiseries que M. de Nolhac a publiées dans
le dernier numéro de la Gazelle des Beaux-
Avis. On sait que cette salle est aujourd'hui,
invisible. Il suffira de reculer le tableau de
Parrocel, que Louis-Philippe lit placer en
haut de l'escalier établi à la place de l'an-
cien escalier des Ambassadeurs, et de rou-
vrir toute grande une fenêtre bouchée.

On dégagera aussi, en face de cette salle,
la magnifique porte en bois sculptée par
Philippe Caflicri, cachée aujourd'hui par une
abominable porto dorée moderne ; ce chef-
d'œuvre de Gaffieri est la seule porte qui
reste des trois sorties de ses mains ; les deux
autres ont disparu.

L'appartement du Grand Dauphin, situé
au rez-de-chaussée, dont la restauration est
terminée et dont l'affectation n'était pas dé-
cidée, sera livrée aux services du Musée,
pour les collections du xvnr siècle.

La Réouverture du Musée de Lille

(Suite) (1)

Il n'y a qu'un seul accident à déplorer; par
malheur il est important : le nouveau conserva-
teur du Musée, qui est un jeune peintre connu
par quelques succès au Salon des Gham,ps-Ély-
sées, a cru pouvoir s'écarter des instructions
données par M. Fréret pour la restauration du
grand tableau do Puvis de Chavannes, Le Som-
meil, une des œuvres dont le maître est fier.
M. Fréret avait recommandé par écrit et avec in-
sistance qu'on se gardât bien d'employer du
vernis dans cette restauration qui devait être
mate. Néanmoins, par ordre du conservateur du
Musée (2), on a reverni cette belle œuvre, qui, de
plus, est aussi mal placée que possible. Le résultat
do cette... erreur est déplorable ; non seulement le
tableau miroite, mais on voit en ce merveilleux
paysage réapparaître de grandes traînées blanches,
qu'il serait infiniment dangereux de tenter de l'aire
disparaître.

(1) V. Chronique des Arts du 5 février 1898.

(2) Depuis que ces lignes ont été écrites,
M. Deully, conservateur du Musée de Lille, a
adressé au Figaro une lettre par laquelle il dé-
clarait qu'il n'avait pas donné cet ordre. Comme
dans le texte de cette lettre, publiée par un
journal de Lille, il se trouvait un paragraphe me
visant, j'ai répondu en affirmant que, d'après les
renseignements que j'avais recueillis de première
main, cet ordre avait été bien réellement donné
par M. le Conservateur et j'ai prié M. le Maire
de Lille de vouloir bien faire procéder à une en-
quête approfondie sur cette affaire.

On m'excusera d'insister un peu longuemenl
sur ce point; mais je crois avoir le devoir de dé-
gager la responsabilité de M. Fréret et dj ses
auxiliaires, puisque cet accident, si fâcheux â
tous égards, s'est produit, en mon absence, il est
vrai, quand j'avais encore l'honneur d'être à
la tête de la Commission du Musée de peinture
de Lille. En outre, je pense qu'on peut et même
qu'on doit en tirer une leçon.

En effet, il me semble que ce malheur, résultai
d'une présomption trop commune chez les pein-
tres, provoque des réflexions salutaires sur les.
dangers auxquels s'exposent les administrations
qui confient la conservation d'une galerie de ta-
bleaux à des hommes qui n'ont à ces fonctions,
d'autres titres que des succès artistiques.

Je dois cependant avouer à ma honte que pen-
dant longtemps j'ai combattu les arguments de
ceux qui connaissaient ces dangers et m'en aver-
tissaient. Au cours de l'été dernier, quand je
m'entretenais, avec les hommes les plus compé-
tents, des candidatures qui se produisaient pour
la direction des musées de Lille, alors vacante,
on me disait : Prenez garde ! il n'y a rien de plus
périlleux pour une collection de tableaux que d'en
remettre la conservation à un peintre; la plupart
n'ont aucune culture générale et leur instruction
est souvent plus qu'insuffisante; non seulement
ils ignorent l'histoire de l'art, mais ils sont inca-
pables de l'apprendre, car ils n'en connaissent ni
les éléments, ni les méthodes et ils n'ont pas l'ha-
bitude du travail intellectuel; en outre, on ne
peut pas leur faire d'observations, car la plus
légère critique leur paraît une injure à leur ta-
lent. « Dans ces conditions, me disait-on, comment
voulez-vous qu'ils puissent faire un classement
sérieux des tableaux placés sous leur garde et ré-
diger des catalogues en état de soutenir la compa-
raison avec ceux qu'il est maintenant d'usage de
publier? » En peinture, ils n'aiment que la leur et
celle de leurs amis et ils professent le plus pro-
fond dédain pour tout ce qui est étranger à leur
coterie. Quant à la restauration, ils sont des plus
dangereux; car ils se croient compétents et ils no
soupçonnent même pas que c'est un art spécial
qui a ses règles et ses secrets.

Je répondais en citant les heureux résultats
obtenus à Lille, dont les musées, depuis le com-
mencement de ce siècle, ont presque toujours
été administrés par dos peintres, notamment par
MM. Reynart, Horlin, Pluchart et Agache. Mais
mes contradicteurs me faisaient observer que ces
excellents administrateurs formaient exception,
car tous ils avaient reçu une très bonne instruc-
tion et une culture générale étendue ; en outre,
avant d'arriver à la présidence des Commissions
et de faire, en cette qualité, fonctions de conser-
vateurs, suivant l'ancien système en usage à Lille
jusqu'à ces derniers temps, ils en avaient fait
partie, pendant des années, comme simples mem-
bres et avaient pu s'imprégner des traditions de
leurs prédécesseurs. En réalité, ces conservateurs
étaient des amateurs très éclairés, ayant une
grande indépendance de position et de caractère.
Dans le placement des tableaux, il leur était plus
facile qu'à d'autres de faire abstraction de leurs
préférences et de leurs relations artistiques pour
s'inspirer uniquement de l'importance des œu-
vres, des lois de l'harmonie des couleurs et des
règles de la critique historique. Ce sont condi-
 
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