Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1910

DOI issue:
Nr. 12 (19 Mars)
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0102
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
92

LA CHRONIQUE DES ARTS

d'application, la destination murale que leurs dons
réclament. C’est aussi à l'expression décorative
que visent MM. Henri Matisse, Otlion Friesz,
L. Valtat et Rousseau. La sincérité de ces artistes
ne saurait être mise en doute ; ils se dirigent
vers un but nettement aperçu. Peut-être le trouble
communément éprouvé en regard de leurs toiles
vient-il de ce qu’ils se sont dérobés à l’em-
prise gréco-latine ; il ont cherché les principes
de leur art en dehors de l’antiquité classique,
dans l’Inde, dans la Perse et jusqu’en Extrême-
Orient ; puisque ces civilisations loin1 aines sont
exposées dans nos musées, comment refuser
le droit d’en utiliser les suggestions dans la
mesure où elles viennent spontanément répondre
aux préférences du goût?

Malgré l’addition de quelques traits caractéris-
tiques, des notes aussi rapides ne sauraient offrir
qu’une physionomie bien vague de ce Salon. L’em-
pressement que les femmes artistes (1) mettent à y
participer s’est trouvé naguère expliqué; des rai-
sons parallèles justifient l’apport considérable
venu de la province (2), des colonies, de l’étran-
ger (3). N’est-ce pas ici, pour l’originalité, un asile
international, un lieu de défense, un centre de
combat? Le talent nouveau ou inconnu n’est pas
seul à s'y révéler (4), chacun le sait; la présence
de tel sculpteur (5), de tel décorateur (6), de tel
graveur (7), atteste que la gloire n’est nullement
incompatible avec l’indépendance ; des humoristes
(8), des illustrateurs à la manière de M. Jean Veber,
de Constantin Guys (9), interviennent à souhait
pour détendre l’esprit et le distraire; et l’on
s’applaudit de voir des hommes de lettres, des
poètes, un critique d’élection (10) traduire par le
verbe plastique l’émotion ressentie au spectacle de
la nature, de la vie et des plus humbles réalités.

En faut-il davantage pour montrer à quel point
l’exception infirme la règle ? En Allemagne le
résultat final a paru de si grande conséquence que
Munich vient de décider la création d’une institu-
tion ouvertement calquée sur le modèle des Indé-
pendants. Chez nous, l’Etat s’est flatté de leur
assurer des destinées moins incertaines et moins
nomades. Rien de plus juste. On s’explique-
rait mal que cette exposition de libre accès ne
trouvât pas place au Grand Palais comme les
autres Salons qu’elle englobera peut-être un jour,
et dont elle forme dès aujourd’hui le complément
indispensable. L’ardeur des recherches y est plus
intense que nulle part ailleurs. Or, en ce qui
concerne l’art, comme dans tous les ordres de
l’activité, à la puissance d’initiative se mesure la
vitalité d’une nation et ses chances de suprématie.

R. M. 1 * * * * * * 8

1. Mmes Marval, Galtier - Boissière , Denise ,
Clnuchet-Guilleré, Galard, Favre-Lanoa, Karpelès,

— 2. MM. Peccatte, Rameau, MUo Juliette Bardey.

— 3. M""’ WarnecKC, Graf, Boyd, MM. N. Ivousnet-
soff, B. Ilarrisson, Marshall, Ilazledine, Koort,

Faber du Faur, Gottlieb, Munch. — 4. MM. Per-

son, Filley, Jaulmes, Lombard, Reganhac, dcKer-
vily. — 5. MM. Baffier, Marque, René Quillivic.

Hoctger, Eldstrom. — 6. MM. Methey, Deltombe,

de Waroquier. — 7. M. Georges Bruyer. —

8. MM. Hermann Paul, Jossot, Hérnard. — 9.
MM. Pfeffermann-Pann, Schulmann, Pascin,
Dresa. —10. MM. Henri Gliéon, Tristan Klingsor,
Paul Jamot.

PETITES EXPOSITIONS

Exposition Eugène Ti-iiriox
(Galerie Ch. Brunner)

Eugène Thirion offre un exemple typique des
méfaits, sinon de l’enseignement de l’Ecole, où il
entra en 1857 du moins de ces préjugés scolaires
qui gâtèrent plus d’un de ses contemporains. Ce
peintre, ainsi que le montrent quelques études de
paysages et quelques portraits de famille, était
doué d’une vision sans passion, sans doute, mais
assez fine et surtout soucieuse de solidité dans le
dessin des figures. Et pourtant il peignit comme
les autres des tableaux pour le Salon, des allégo-
ries, des tableaux d'histoire sans inspiration spon-
tanée, des portraits refroidis par une mise à l’effet
conventionnelle. Il y a là toute une triste époque.

Exposition Charles Guérin
(Galerie Druet)

Des élégantes en crinolines se promenant au
bras de dandys haut coiffés, en des parcs à la
française : cette donnée valut à M. Guérin de lé-
gitimes succès. Il y montra une couleur bien har-
monisée en sa crudité raffinée. Mais c’est une
preuve de vitalité, de ne s’être pas contenté de ces
improvisations et de chercher en des études réso-
lument analytiques de nouvelles forces. On aime
à trouver chez M. Guérin un amour de la vrai-
semblance qui craint mo us la lourdeur que le
superficiel, une sobriété de moyens qui lui permet
de garder toujours une couleur franche, une sûreté-
de métier qui se réunissent pour faire de lui un
des meilleurs représentants de la jeune peinture.

Exposition Bonnard
(Galerie Bernheim)

Avec quel plaisir je revois en souvenir les ré-
cents tableaux de M. Bonnard! Ses œuvres d’au-
trefois étaient-elles moins bien réalisées? faut-il
pour goûter cet art — sain et viril sans doute,
mais raffiné — une sorte d’accoutumance? Jamais
je n’en ai si bien compris la grâce, et celte pointe
d’ironie qui jamais ne compromet l’émotion, et la
puissance caractéristique de ce dessin ne m’était pas
encore apparue si complète. Je ne goûtais que des
fragments, et maintenant — sans doute les acqui-
sitions de l’artiste y sont-elles pour quelque chose
— j’aime l’ensemble si nuancé de cette Salle à
manger familiale, éclairée par la lampe bourgeoise,,
de ce Jardin où le cône chevelu du sapin me semble
une merveille, et le mouvement de ces nus, et je
reconnais en M. Bonnard un vrai compatriote de
Ronsard.

Exposition Louise Hervieu
(Galerie Biol)

L’ironie de M1Ie Hervieu est beaucoup moins
m ancée que celle de M. Bonnard. Elle est aussi
plus près d’être douloureuse, amère. MIIa Hervieu
semble dessiner sous le coup d’une impression
vive; mais il est difficile de distinguer jusqu’à
quel point, son travail représente fidèlement sa
vision, bien qu’il soit heureusement affirmé en cer-
taines parties. Elle évoque ainsi des types de vieilles-
femmes, de forains, et aussi des figures d’enfants et
même des scènes mystiques. On souhaite qu’elle
s’explique plus complètement ; ce qu’elle a à dire
en vaut sans doute la peine.
 
Annotationen