Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1910

DOI Heft:
Nr. 16 (16 Avril)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0133
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
ET DE LA CURIOSITÉ

123

de l’Hellade dont la technique semble pour la pre-
mière fois restaurée et reprise, avec une intelli-
gence parfaite, par un émule glorieux.—A soixante-
dix ans, M. Auguste Rodin offre l’exemple d’un
art plus que jamais conscient de sa force et de ses
visées. Je ne vois parmi les peintres que M. Al-
bert Lebourg pour opposer ainsi aux atteintes de
l’âge le privilège d’une sensibilité en voie de conti-
nuel affinement et les vertes énergies d'un métier
toujours plus ample et plus libre.

Sans craindre les redites, il sied de s’élever pé-
riodiquement contre le désordre et la dispersion
des envois de sculpture. C’est un déni de justice,
un défi au bon goût, au bon sens. 11 y a là de
quoi entretenir le préjugé qui déconsidère l’effort
des statuaires de la Société et le voue au néant.
Combien il faut les aimer, au contraire, et se féli-
citer de reconnaître chez eux moins de contrainte,
plus de spontanéité! Oui, j’entends : d’aucuns su-
bissent l’influence de M. Auguste Rodin ou de
M. Aristide Maillol; n’importe : on les juge sen-
sibles, prêts à renouer avec la tradition et à la
renouveler. Un lieu commun assure que la grande
sculpture ne trouve asile que dans le hall voisin.
Rien n’est moins certain. Pourlant, imaginez un
instant placés dans la nef du Grand Palais des
monuments tels que le Rocher de Sisyphe de
M. Desbois, VHéraclès tuant les oiseaux du lac
Stymphale de M. Bourdelle, ou le Tombeau
de Rousseau de M. Barlholomé : à quel point
l’attrait habituel de l’ensemble ne se trouverait-il
pas rehaussé? En même temps abondentdes sta-
tuettes, des groupes, des ligures « d’appartement »
assez doués d’attraits pour justifier la persistance
d’une sympathie quotidienne; et plus d’un se ré-
jouira de constater qu’en dehors de la place
publique, du musée, c’est aussi le home que la
sculpture s’emploie à embellir, à parer.

Le dommage est que la qualité de ces morceaux,
— de format nécessairement réduit, — échappe,
demeure invisible, lorsqu’on vient à les disposer,
comme c’est le cas ici, dans une rotonde mal éclai-
rée et haute de je ne sais combien de mètres. Libre
à chacun de sourire : ces questions de présentation
n’en demeurent pas moins de très grande consé-
quence sur le jugement. La Société en a fait par
ailleurs l’expérience : l’estampe était, elle aussi, na-
guère sacrifiée ; pour apprécier à leur haute valeur
l’intérêt des eaux-fortes, des bois originaux, il a
fallu qu’un parti heureux les disposât dans une
petite salle, où la lumière, doucement tamisée
ainsi qu’en un cabinet d’amateur, invite à l’examen
attentif, silencieux.

On risquci’ait fort de se méprendre sur le rôie
attribué aux arts d’application à vouloir les
juger d’après ce qu’en montre ce Salon. Hormis
la bibliothèque et l’armoire de M. Eugène Gail-
lard, aucun essai valable de rénovation mobilière;
à peine est-il permis de se renseigner sur les plus
récentes recherches des céramistes, des émailleurs,
des artisansdu métal. Lapàtede verre que M. Albert
Dammouse mit admirablement en honneur, compte,
avec M. Brateau, un poète déplus. Le même engoue-
ment qui orienta naguère vers le travail du cuir
tant d’activités en mal d'emploi les pousse aujour-
d’hui à ciseler la corne. En somme, de ces mani-
festations individuelles, aucune conclusion d’ordre
général à tirer.

Une aulre ambition et un autre espoir animent
ceux qui veulent assurer par une exposition le re-

lèvement de l’architecture et de l’art social. Ils sa-
vent, ils déclarent que le succès de l’entreprise dé-
pendra, en grande partie, de la méthode, de
la classification, des moyens adoptés en vue d’ensei-
gner et d’instruire. Pour l’archilecture, si les vi-
siteurs des Salons s’en désintéressent, cela vient de
ce que les plans leur apparaissenttels que des rébus
impossibles à déchiffrer ; ne nous étonnons donc
pas de voir les salles faq issées de lavis désertes et
abandonnées air flirt, comme M. Albert Guillaume
s’est plu cette année à nous en faire souŸenir ;
mais que l’on substitue à ces épures, les modèles,
les maquettes en relief des constructions projetées,
aussitôt l’indifférence prendra fin : telle fut la règle
suivie, non sans profit, à la dernière Exposition de
Milan; ainsi ont fait cette fois M. Gaudi, régéné-
rateur de l’architecture catalane, M. de Baudot,
M. Sézille; et personne ne niera qu’un semblant
de réalisation n’ait établi à l’évidence combien
il fallait souhaiter l’édification de cet amphithéâtre
que MM. Feino et Herscher ont conçu et qui dote-
rait enfin Paris de la salle d’auditions et d’assem-
blées depuis si longtemps réclamée sans merci.

La peinture paraît tout d’abord fournir la
transition logique, le lien utile entre le Salon des
Indépendants et le Salon des Artistes français. Je
retrouve, avec un tableau de nu de la plus rare
séduction, M. Lebasque, puis MM. Jules Flandrin,
Charles Guérin, Boutetde Monvel, E. delaVilléon,
dont la présence aux expositions libres est mar-
quante, familière. Ce n’est pas qu’ici l’on se soucie
fort de leur faire honneur : le pourtour des ga-
leries a paru bien souvent offrir à leur talent un
suffisant asile. D’un autre côté, lestoiles de vastes
dimensions ont cessé de former l’exception; elles
sont, selon l’ordinaire, la plupart appelées à s’en-
castrer clans la paroi d’un monument public. La
mélancolie de Paul Verlaine a trouvé dans l’art de
M. Aman-Jean un écho, une « correspondance »
plastique ; M. La Touche se montre toujours
épris des grâces fascinantes, coquetantes, scepti-
ques, sinon perverses, du xvmesiècle ; on s’étonne
que quelque académie de bibliophiles n’ait pas
sollicité de lui une illustration de Faublas ; nous
l’y verrions réussir à merveille. Il y a de la
paix, de la douceur, de la sérénité dans la frise
rose et bleue de M. Auburtin (Le Jardin de la
Mer), une véritable grandeur dans le paysage,
digne de Lepère, que Mme Florence Esté inti-
tule La Fin d'un beau jour ; mais, entre tous
les ouvrages à destination murale, le plus capti-
vant, le plus essentiel, est le dessin au bistre
d'une composition de J.-G. Cazin, pour la suite
héroïque de Judith ; la transcription en est due
aux soins pieux de sa femme, de son fils ; elle
avive le regret d’avoir vu rester sans effet la com-
mande que confia jadis à Cazin l’administration
de Gastagnary : l’histoire de Judith devait se dé-
rouler en cinq cartons qu’espéraient les métiers des
Gobelins... L’abandon du projetnous aprivésd'une
suite comparable à celle qui firent, au xvn6 et au
xviii0 siècles, l’orgueil de la tapisserie française.

Bien qu’en cet instant il faille plutôt étudier
M. Albert Besnard au Pavillon de Marsan, où son
œuvre de décorateur triomphe, magnifiquement évo-
qué, le tableau que l’on voit de lui atteste à souhait
la joie éprouvée à peindre auprès des bois touffus
et des ondes fraîches, la chair nacrée dont l’ombre
bleuissante rompt par endroits l'éclat. Gomme
M. Aman-Jean et AL Gaston La Touche, comme
 
Annotationen