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La chronique des arts et de la curiosité — 1910

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Nr. 18 (30 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0149
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ET DE LA CURIOSITE

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Bloche, sculpteur de la rue et du faubourg, de
l’atelier et des fortifications, chez M. Fernand
David (le Musicien), c’est que tous deux ont
souhaité, selon le vœu de Baudelaire, « dégager
l’éternel du transitoire » ; ils y sont arrivés grâce
au choix du sujet et aux simplifications du métier.
Avec eux nous ne sommes gênés ni par l’intérêt
trop limité ni par l’allusion trop directe. Leurs
créations sont de notre temps et de tous les temps
déjà... MM. Quillivic, Niclausse et Ernest Nivet
ont puisé semblablement le texte de leur art dans
leur voisinage immédiat, au village ou à la cam-
pagne. Le premier devra se tenir en garde contre
l’écueil du pittoresque ; en ces souvenirs de Bre-
tagne, le costume tend à confisquer l’attention à
son profit. Les autres s’attardent peu aux appa-
rences; ils visent bien au delà et leur participation
ne laisse pas que d’offrir un prépondérant intérêt.
La volonté de caractérisation est puissante, intense
chez M..Niclausse ; il choisit dans la Brie des mo-
dèles au type fortement accusé et il en retrace les
particularités sans petitesse, l’esprit en éveil,
avec la sincérité rigoureuse, inflexible dont témoi-
gnèrent les sculpteurs italiens de la première
Renaissance. Pour M. Nivet il est simplement, et
sans qu’on y prenne garde, le Millet de la sculp-
ture moderne. Ii possède le sens rustique du grand
Jean-François ; comme lui, il aspire à la synthèse
et, comme lui, il s’y élève. Tant il est exact, que
l’ère n’est point encore close des maîtres ignorés,
inconnus, méconnus...

» Parmi les travaux où des recherches neuves
intéressent à l’étude du nu (MM. Gaudissard,
Abbal, Michelet, Larrivée), il en est un dont l'ori-
ginalité profonde, la grâce ingénue et touchante
commandent une particulière sympathie : il s’agit
de la Jeunesse de M. Fernand David. La statue
est toute en force et en délicatesse : en force, par
le caractère de stabilité voulue qui donne un peu
à la figure un aspect de cariatide ; en délicatesse,
parce que le mouvement des bras est aisé, souple,
parce que le modelé en est tendre, lumineux,
d’un exceptionnel attrait. De nouveau s’impose
le parallélisme de l’esprit et du métier entre cet
art et celui de M. Ernest Laurent.

Saura-t-on goûter le prix de qualités aussi
discrètes et aussi rares, en un pareil milieu, à
proximité de morceaux écrasants, de proportions
colossales? Je l’ignore. Tout d’ailleurs n’est ici que
confusion. Telle figurine d’un céramiste danois,
M. Hansen, s’inscrit au catalogue de la sculptuie;
telle autre, de son collègue à la manufacture royale,
M. Henning, se voit rangée parmi les objets d’art.
Oui, il était juste, il était nécessaire que toutes les
manifestations du beau pur ou appliqué trouvent
dans les Salons un même et fraternel accueil.
Mais, le principe une fois admis, l’econnu, atta-
chons-nous, par une présentation méthodique, et
un classement rationnel, à tirer de sa consécration
les bénéfices promis. Dans l’état actuel, les vitrines
sont disséminées à l’aventure sur le pourtour, et
c’est déjà là une relégation infamante où persiste
et survit le préjugé à l’endroit des arts mineurs. Il
ne manque pas ici d’arguments pour le réduire à
néant; j’en appelle aux émaux de M. Feuillâtre,
aux travaux de nacre de M. Bastard, aux ferron-
neries de M. Robert et de M. Brandt, aux grès de
M. Decœur et de M. Lee, aux cuirs de M. Bene-
dictus et de M. Saint-André ; mais combien la
portée de ces créations, où l’ingéniosité du goût

s’est dépensée à bon escient, deviendrait autrement
didactique si l’ordre permettait de suivre et de
comparer les transformations d’une même matière !
L’Union centrale avait adopté naguère la division
technologique pour ses expositions; elles lui doi-
vent l’action qu’elles surent exercer sur le dévelop-
pement de nos arts appliqués. Le malheur est
que la conscience de leur rôle fasse encore défaut.
Quand voudra-t-on se persuader que de leur déca-
dence ou de leur progi’ès dépend l’avenir écono-
mique de la nation ?

Voici justement que l’exposition de M. RenéLa-
lique vient établir les liens étroits qui unissent
l’art à l’industrie. L’orfèvre s’est institué verrier ;
et dans sa vitrine, alternent des verres coulés, mou-
lés, gravés, édités en nombre et appelés à répan-
dre à profusion des exemples de beauté. Parmi
ces vases, il en est que la faune et la flore se sont
employées à orner ; un émail diaphane en teinte les
décors de légers rehauts ; la figure- humaine inter-
vient dans la parure d’autres pièces qui donnent
l'illusion d’intailles précieuses. Et la reconnais-
sance va, infinie, au maître qui, mû par un noble
dessein, rêva d’étendre à tous le bénéfice de
ses découvertes et le rayonnement de son génie.

M. Henri Martin (1) et M. Ernest Laurent ont,
contre leur habitude, déserté ce Salon ; du fait de
leur absence, la section de peinture se trouve
découronnés et son intérêt amoindri ; les gloii’es
consacrées n’en rehaussent guère l’éclat ; elle vaut
plutôt par la contribution de nouveaux venus,
d’artistes en voie de notoriété, — parles envois de
l’étranger aussi; à ce dernier égard, ce Salon,
officiel entre tous, ne laisse pas que de présenter
certaines analogies avec les expositions des Indé-
pendants ; il s’en rapproche encore par la con-
trainte qu’il impose de procéder, entre deux mille
toiles, à une sélection rendue plus difficile ici par
l’extravagance du placement : il ne connaît d’autre
règle que le respect des situations et des réputations
bien ou mal acquises ; il défie à la fois le goût, la
justice et la raison.

A tout instant on dirait de ces accapareurs de
cimaise des comédiens sans voix, forts de leur
seule ancienneté et quand même acharnés à vou-
loir tenir le premier rôle. Inutile spectacle de
pitoyables déchéances! Que ne prend-on tout
uniment conseil de la valeur, du mérite? J’en sais
qui trouvent dans une communion toujours plus
fervente avec la nature, dans des exigences envers
soi-même toujours plus sévères, le renouvel-
lement des forces et le secret de la jeunesse. Je
songe à M. Pointelin et à M. Quost, à M. Ga-
gliardini et à M. Luigi Loir; je songe aussi à
M. Jean-Paul Laurens. Sa grande décoration a
l’aspect franc et un peu rude des vieilles images
populaires ; l’enluminure fruste s’y justifie le
mieux du monde par le caractère de lisibilité que
requiert un ouvrage appelé à être vu de loin. (Jette
adaptation judicieuse et nécessaire des moyens à
la fin est tout exceptionnelle ; en dehors de
M. J.-P. Laurens, vous ne la constaterez guère que
chez M. G.-P. Leroux (la Villa Borghèse) et chez
M. Victor Tardieu, auteur d’un clair plafond,
d’ordonnance logique et de belle tenue.

De ce que — à la jieinture aussi — les grandes

(1) Un camarade, un émule de M. H Martin —
M. Boggio — a obtenu l’honneur mérité d’une ex-
position d’ensemble dans une salle spéciale.
 
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