La chronique des arts et de la curiosité (1910)

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LA CHRONIQUE DES ARTS

jours raison, s’il a pour lui la beauté musicale. Il
n’a pas à craindre que son œuvre soit ennuyeuse
et « peu théâtrale », s’il commente avec une vérité
intime et pénétrante les sentiments des personna-
ges : que l’on se . souvienne (entre tant d’exemples
à citer) de l’admirable scène entre Arkel et Méli-
sande... Voyez aussi, d’ailleurs, toute la tin du
premier acte d’On ne badine pas avec l'amour, à
l’Opéra-Comique ; l’action y est plutôt immobile,
et pourtant il n’y a là rien de trop, car cela est
d’une sensibilité juste, charmante et émue; en cet
endroit, sans le souci de « faire du théâtre », le
musicien a su laisser chanter son cœur, et pu
montrer de quoi il est capable. Il l’a montré éga-
lement en maint passage des rôles de Blazius et de
Dame Pluche (Hélas, les librettistes ont supprimé
Bridaine). Mais il ne donnera toute sa mesure, je
pense, que lorsqu'il écrira une « comédie lyrique »
réellement comique et gaie. J’ai déjà exprimé, à
propos du Mariage de Télémaque, qu’il n’est pas
juste de tenir en mépris et en suspicion les pièces
bouffes ou comiques. Pas de hiérarchie dans les
genres : ce qu’il faut, c’est qu’une œuvre soit réus-
sie, et il ne doit y avoir aucune fausse honte, pour
un musicien, à préférer celui des deux masques
qui n’est point le tragique. Il faut qu’il puisse,
sans crainte d’être blâmé, suivre sa nature et son
goût. Pour M. Pierné, l’amour passionné de Ca-
mille était-il en dehors de sa nature ? Il serait
hasardé de l’affirmer ; cela est possible, mais il se
peut bien aussi que les « raccourcis » du livret ne
lui aient pas permis de s’exprimer avec autant
d’éloquence et de poésie que lePerdican de Musset.

Quoi qu’il en soit, ses dons remarquables, son
métier d’une sûreté et d’une solidité parfaites, son
instinct du comique et sa verve pleine de naturel,
de bonne humeur et de gaieté, tout cela nous permet
d’espérer que M. Pierné sera un jour prochain l’un
des premiers rénovateurs de la comédie musicale
ou de l’opéra-bouffe : et j’en ai dit assez pour qu’on
ne puisse croire que ce soit le reléguer en une
partie du domaine des sons moins « honorable »
que la fugue, la sonate et l’oratorio.

Charles Kœghlin.

REVUE DES REVUES

X Les Arts (mai). — Articles de M. P. de No-
lhac sur un tableau de Fragonard, une Danseuse-,
provenant de la collection du baron Adolphe de
Rothschild (reprod.); — de M. Louis Dimier sur
la Vénus au miroir de Velâzquez à la National
Gallery de Londres, à propos des doutes récem-
ment émis, à tort, sur son authenticité et de son
attribution à del Mazo (3 flg.); — de M. Gabriel
Mourey sur les trois jolis panneaux de M. Boutet
de Monvel consacrés à la vie de Jeanne d’Arc,
exposés l’an dernier au Salon de la Société Natio-
nale des Beaux-Arts (reprod.); — de M. Louis
Vauxcelles sur le Salon actuel de cette Société
(22 reprod. d’œuvres exposées).

(Juin). — Comptes rendus par M. Maurice
Hauvel, des Sites de la Société des Artistes fran-
çais (21 aquar.), et, par M. Ch. Saunier, de l’expo-
sition des portraits d’enfants à Bagatelle (12 repr.).

BIBLIOGRAPHIE

La Peinture chinoise au Musée Guimet, par

M. Tci-iang Yi-tchou et M. J. Hackin. — Paris,
Paul Geuthner. Un volume in-4° oblong de
98 p. avec 16 planches hors texte.

L’exposition actuelle du musée Guimet a fourni
prétexte à un album illustré, d’un intérêt tout à
la fois scientifique et vulgarisateur. On y trouve
reproduites les meilleures d’entre les œuvres
montrées ; un catalogue en donne la liste par
ordre chronologique. S’aidant des travaux de MM.
Giles, Hirth et Chavannes, MM. Tcliang Yi-tchou
et J. Hackin ont fait précéder ce catalogue d’une
histoire de la peinture chinoise, divisée en huit
périodes, lesquelles s’étendent de l’an 2.600 avant
J.-G. jusqu’à l’époque actuelle. Tous ceux que pas-
sionnent les arts d’Extrême-Orient liront avec un
plaisir et un profit extrêmes les pages placées au
seuil de la publication en guise de préface ; elles
offrent en quelque sorte une psychologie de la
peinture chinoise; M. Guimet en est l’auteur.

G. Bourcabd. — Graveurs et gravures, France
et étranger. Essai de Bibliographie, 1540-
1910. — Paris, H. Floury (1910), in-8°, xiv-320 p.
M. G. Bourcard a essayé d’établir, dans le pré-
sent volume, une liste d’ouvrages sur la gravure
susceptible de guider le chercheur et l’amateur.
C’est à eux, non aux érudits, que s’adresse l’au-
teur : il n’a pas eu la prétention de faire œuvre
scientifique, comme il ressort de la lecture de sa
préface. Il faut espérer qu’une nouvelle édition,
complète et méthodique, viendra prochainement
offrir aux travailleurs un instrument sérieux. Si-
gnalons à l’auteur, dans cette intention, plusieurs
articles importants dont il aurait pu avoir con-
naissance en consultant la Gazette : sur Bracque-
mond, par M. A. de Lostalot ; sur Carpeaux, par
M. P. Jamot; sur P.-M. Roy et sur M. Coppier, par
M. A. Marguillier ; sur Courbet, par M. Th.
Duret; sur Meryon, par Pli. Burly; sur Gail-
lard, par M. L. Gonse; sur C. Nanteuil, par G.
Duplessis; sur E. Béjot, A. Belleroche, A. Legros,
A. Lepère, par M. R. Marx : ceci pour nous borner
à quelques artistes français du xixe siècle étudiés
dans notre revue. On ne peut que recommander
encore à M. G. Bourcard d’apporter à l’observa-
tion des règles bibliographiques et à la rédaction
des notes dont il accompagne son texte tout le soin
exigible dans un ouvrage de ce genre.

Ch. Du Bus.

NECROLOGIE

On annonce la mort du peintre Jacques Wély,
qui vient de succomber à l’âge de trente-sept ans.
M. Jacques Wély s’était d’abord voué au profes-
sorat ; puis il était devenu commerçant et était
parti pour l’Extrême-Orient; mais sa vocation
artistique n’avait pas tardé à s’affirmer et il avait
acquis une notoriété méritée.

Le peintre Edouard-Alexandre Sain est mort
lundi dernier, 27 juin, à Paris. Il était né le 13 mai

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