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La chronique des arts et de la curiosité — 1910

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Nr. 32 (8 Octobre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0263
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ET DE LA CURIOSITÉ

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provoquer ici une émulation salutaire, quels ré-
sultats ne serait-on pas en droit d’espérer d’une
exposition, méthodiquement ordonnée, internatio-
nale cette fois ?

La présence à Paris des décorateurs muni-
chois (1) ne saurait, cela s’entend de reste, auto-
riser aucune conclusion d’ordre général sur l’état
des arts appliqués en Allemagne. Le succès de la
renaissance y tient, pour une bonne part, à la décen-
tralisation, à la constitution, sur tout le territoire,
de « colonies » d'artistes distinctes et presque aussi
nombreuses que les pays dont est formé cet empire
composite. L’art de ces colonies varie du tout au
tout, de province à province, de cité à cité, selon
les latitudes, l'humeur, les coutumes. L’expo-
sition de 1900, l’exposition de Bruxelles ont mis
en lumière quelques-uns de ces traits difïérentiels.
Ils se dégagent de façon plus saisissante encore
pendant un voyage aux pays d’outre-Rhin. Ce que
montre donc le Salon d’automne, c’est la mani-
festation isolée non pas d’une région, non pas d’une
province, mais d’un centi'e vivant, actif, qui n’est
ni toute l’Allemagne, ni même toute la Bavière.

Etudions-la en elle-même, pour elle-même ;
elle offre déjà de quoi grandement intéresser
et instruire. Les singularités qui déconcertent
sont le signe et le garant de son indigénat ; plus
d’une particularité, dont on s’étonne, est en
parfait accord avec la pure tradition munichoise.
Mais, avant de s’arrêter à tel détail, vaut-il pas
mieux considérer la section dans son ensemble?
Les dix-liuit salles qui la constituent sont autant
de témoignages d’une soumission absolue, défé-
rente à l’autorité de l’architecte. Il est le maître de
l’œuvre : construction, installation, décoration,
tout se réalise selon ses plans ; vous diriez volon-
tiers de lui un compositeur dirigeant l’exécution
de ses propres partitions ; les collaborateurs qui
le secondent sont les instruments dociles d’une
volonté précise. Il arrivera que le sens de
la structure l’emporte sur le goût de l’arran-
gement, et c’est le cas de M. Emmanuel de Seidl.
On a trop présents au souvenir le Kunstlerhaus
de Munich et le pavillon de Bruxelles pour qu’il
faille insister sur la personnalité de M. de Seidl ;
l’importance en est extrême; dans la lutte ouverte
entre l’Allemagne du Nord et l’Allemagne du Sud,
nul ne s’est employé plus décidément à différer
l’heure où la suprématie de l’architecture appartien-
dra à la capitale de l’Empire;n’empêche que sa salle
de musique, logique de conception, laisse une im-
pression de majesté vide,de tristesse. De même, je
ne contredis pas auxproportionsgrandioses du salon
ovale de M. Veil; les baies y sont percées aux
meilleurs endroits et l’emplacement des peintures
murales a été déterminé avec un sens averti ; le
mobilier, empreint de la lourdeur où incline d’ins-
tinct le goût bavarois, désoriente et alarme notre
conception de l’élégance, laquelle ne va jamais,
on le sait, sans la grâce et sans l’esprit. Deux
chambres à coucher, destinées l’une à la femme,
l’autre au mari, renseignent, en partie, sur
la durée et sur l’étendue du mal : pour la mi-
nute, le désir de satisfaire la sensibilité féminine
et ses exigences, relativement récentes, entre peu

(1) Dans un article de la Grande Revice, M. Otto
Grautoff, — qui s’est dévoué avec une rare intel-
ligence à l’organisation de cette section, — à rap-
pelé combien furent de tout temps suivies les
relations artistisques entre Paris et Munich.

en ligne de compte à Munich. De ces explica-
tions, qui ne sont pas des excuses, on peut cepen-
dant inférer que le défaut d’amabilité est appelé
à s’atténuer dans la mesure où varieront les con-
ditions de la femme dans la vie et la société ba-
varoises. Pour qui fait la part de la race et des
mœurs, ces réserves, moins formelles en ce qui
concerne la bibliothèque de M Troost, vont
s’abolir presque lorsqu’il s’agira de la salle à
manger de M. Niemeyer ; celui-ci a renouvelé
l’exploit tenté en 1900 par le pauvre Alexandre
Charpentier et dont on lui fit si peu d’honneur :
vaisselle, gobeletterie, tapis, rideaux, appareils
d’éclairage, tableaux même, il n’est rien qui ne
soit de M. Niemeyer, et plus d’une fois on sous-
crit à l’agrément de ses motifs décoratifs. Nous
démêlons sans peine pour quelles raisons le
boudoir de M. Otto Baur est assuré de plaire
davantage encore; l’harmonie des tons en est
délicate, les sièges sont d’un calibre léger et
tels qu’une femme les peut aisément déplacer ; il
y a là une assimilation rationnelle des principes
anglais et des principes qui président, en Autriche,
à la fabrication des meubles en bois recourbé des
Kohn et des Thonet.

Primum vivere, deinde philosophari. L’in-
vention est le principe d’existence des arts appli-
qués. Or, les artistes munichois inventent,
créent; ils créent selon un goût critiquable par-
fois, mais perfectible, et en voie de continuel affi-
nement. La leçon qu’ils proposent vient moins
peut-être de leurs ouvrages que des moyens suivis
pour les mettre au jour. Discipline, ordre, mé-
thode, voilà l’origine de leur pouvoir, le secret de
leurs acquisitions. Chez eux, point d’efforts épars,
point de volontés à la dérive, mais une concentra-
tion rigoureuse des énergies pour la meilleure at-
teinte du but poursuivi en commun. (Question
de caractère malléable, abdication facile de l’in-
dépendance native, direz-vous. Reste à savoir
si artistes et artisans, en se hiérarchisant de la
sorte, ne prouvent pas un sens social plus sûr,
s’ils n’agissent pas avec une meilleure entente de
l’intérêt de la collectivité et de l’intérêt de l’indi-
vidu). Les dispositions à la pratique des arts et des
métiers sont développées, fortifiées, entretenues
par des écoles (1) où l’enseignement professionnel
se joint à l’enseignement théorique ; par le mu-
sée, centre d’études pour le travailleur et non plus
lieu de passe-temps pour l’oisiveté ; par le théâtre
même... (2) Ajoutez enfin que l’opinion, loin cl’être
hostile à l’initiative, s’empresse plutôt de l’ac-
cueillir, de l’encourager, et vous jugerez si une
telle ambiance n’est pas singulièrement favorable
à l’activité et au progrès de la production.

Comment la France a-t-elle répondu à cette
manifestation significative? Parle spectacle de nos
veitus et de nos faiblesses. Malgré l’éloignement,
les difficultés, la dépense, l'exposition munichoise
s’est ouverte à l’heure dite, achevée, complète,
pourvue d’un catalogue d’une précision exemplaire.
On travaille aujourd’hui encore aux derniers
aménagements de la section française! Elle est
morcelée à plaisir, en haut, en bas, à droite,
à gauche. Des contributions capitales font défaut :

(1) Voir les travaux des élèves de l’École royale
des arts décoratifs et de l’École des métiers
(Salle XIII).

(2) Cf. L’Exposition du Théâtre des artistes et
du Théâtre des Marionnettes (Salle XIY).
 
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