puissante d'unir et d'exalter ensemble les esprits. C'est
qu'on n'en a pas besoin, puisque la foi et les symboles for-
mels de la foi suffisent à cette tâche. L'art, alors, en Europe
comme en Asie, possède un caractère d'enthousiaste unani-
mité qui le fait jaillir des cœurs sans presque passer par
l'esprit. Il semble au premier abord sans intermédiaire entre
l'unité formidable de la passion populaire et l'impulsion
qu'il en reçoit. Pour trouver un contraste entre ces poèmes
diffus et les voix de la multitude qui montent ensemble et se
répondent dans un sentiment commun, il faut remarquer
d'abord que ce contraste y est comme étouffé ou décidé à
garder le silence pour ne pas gêner l'éruption de l'énergie
générale qu'il faut avant tout délivrer. C'est le contraire de
ce qu'on voit dans les moments où l'individu a la parole et où
il est bien difficile de saisir un accord qui pourtant existe tou-
jours sur quelque point entre le désir de sa race et les inter-
prétations d'allure révolutionnaire qu'il prétend en donner.
Voici donc le chœur populaire. Écoutons-le. La cathé-
drale entraîne dans son ascension tous les espoirs, toutes les
luttes, toutes les misères des hommes, toutes leurs joies
mêlés aux rumeurs des métiers, aux rumeurs des champs,
aux rumeurs des rues que les mille formes des marchés, des
potagers, des rivières, des bois éparpillent, du haut en bas
de l'édifice ébranlé par le bruit des cloches et traversé par la
lumière des vitraux, dans un monde de statues peintes, de
chapiteaux sculptés et de guirlandes de feuillages, de légumes
et de fruits. Le contraste, moins évident sans doute, est tout
de même aussi puissant que deux siècles plus tôt, quand le
temple roman trapu, presque nu, ramassé sur ses membres
courts, installait comme une digue, au centre de convulsions
guerrières effroyables, dans l'instabilité sanglante des pou-
voirs temporels, l'ossature théocratique de ses voûtes con-
tinues que ses murailles massives soudaient inébranlablement
au sol. Ici c'est l'ossature corporative (i) qui, dès qu'il est
libre et mouvant ainsi qu'une foule en liesse, dès que ses
longues pattes grêles le bercent au-dessus du pavé, se définit,
(i) Fig. 50.
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qu'on n'en a pas besoin, puisque la foi et les symboles for-
mels de la foi suffisent à cette tâche. L'art, alors, en Europe
comme en Asie, possède un caractère d'enthousiaste unani-
mité qui le fait jaillir des cœurs sans presque passer par
l'esprit. Il semble au premier abord sans intermédiaire entre
l'unité formidable de la passion populaire et l'impulsion
qu'il en reçoit. Pour trouver un contraste entre ces poèmes
diffus et les voix de la multitude qui montent ensemble et se
répondent dans un sentiment commun, il faut remarquer
d'abord que ce contraste y est comme étouffé ou décidé à
garder le silence pour ne pas gêner l'éruption de l'énergie
générale qu'il faut avant tout délivrer. C'est le contraire de
ce qu'on voit dans les moments où l'individu a la parole et où
il est bien difficile de saisir un accord qui pourtant existe tou-
jours sur quelque point entre le désir de sa race et les inter-
prétations d'allure révolutionnaire qu'il prétend en donner.
Voici donc le chœur populaire. Écoutons-le. La cathé-
drale entraîne dans son ascension tous les espoirs, toutes les
luttes, toutes les misères des hommes, toutes leurs joies
mêlés aux rumeurs des métiers, aux rumeurs des champs,
aux rumeurs des rues que les mille formes des marchés, des
potagers, des rivières, des bois éparpillent, du haut en bas
de l'édifice ébranlé par le bruit des cloches et traversé par la
lumière des vitraux, dans un monde de statues peintes, de
chapiteaux sculptés et de guirlandes de feuillages, de légumes
et de fruits. Le contraste, moins évident sans doute, est tout
de même aussi puissant que deux siècles plus tôt, quand le
temple roman trapu, presque nu, ramassé sur ses membres
courts, installait comme une digue, au centre de convulsions
guerrières effroyables, dans l'instabilité sanglante des pou-
voirs temporels, l'ossature théocratique de ses voûtes con-
tinues que ses murailles massives soudaient inébranlablement
au sol. Ici c'est l'ossature corporative (i) qui, dès qu'il est
libre et mouvant ainsi qu'une foule en liesse, dès que ses
longues pattes grêles le bercent au-dessus du pavé, se définit,
(i) Fig. 50.
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