de ne pas nous découvrir. Qui a pénétré son mystère n'a plus
a résoudre le drame en le projetant dans son œuvre avec cette
force héroïque qui enivre le spectateur. Pour une huma-
nité consciente de ses destinées, le monde spirituel se figerait
immédiatement dans la mort. C'est la poésie qui le sauve en
organisant sans repos le rythme de son mouvement dont elle
ignore le terme. Et par là elle définit sa misère et sa grandeur.
Il faut que l'hermétisme de la peinture soit décidément bien
profond pour qu'un homme tel que Pascal ait reproché à la
peinture cette « vanité » qui « attire l'admiration par la
ressemblance des choses dont on n'admire pas les originaux ».
Hors de Pascal lui-même qui nous dit ce qu'il pense d'eux,
les « originaux » de Pascal sont-ils donc si admirables?
Étrange aveuglement qui trouve un son d'humanité, si faible
que soit ce son, aux propos de son perruquier, et le refuse
au langage de Michel-Ange parce qu'il n'a pas voulu l'ap-
prendre ou su qu'il fallait l'apprendre ! Si Pascal a refusé de
parler à Michel-Ange, n'est-ce pas tant pis pour Pascal?
L'impression de sécurité que nous apporte le poème
mesure la hauteur du poète qui l'a conçu. Mais cette impres-
sion est uniquement réservée à qui peut saisir le rapport
entre la profondeur du drame qu'il exprime et sa puissance
à l'exprimer. La peinture n'existe pas hors des héros de la
peinture, qui offre ce rapport dans une pomme de Cézanne (i)
posée sur le coin d'une table pour l'éternité, parce que les
échos qui l'attachent à chacun des points de l'espace gardent
le son des sentiments qui ont modelé son cœur. Le degré
d'héroïsme auquel un homme peut prétendre se propor-
tionne au degré d'exigence de ses passions. Il ne s'agit pour
aucun d'entre nous de les ignorer ou de les vaincre, mais de
les utiliser. Si le créateur est secrètement dévasté par l'envie,
l'ambition, l'avidité, la luxure, l'orgueil, la vanité même,
nous en prendrons notre parti. A une seule condition. C'est
qu'il connaisse et que nous connaissions en lui l'existence
obstinée d'un élément incorruptible : la volonté de dégager
du drame où ces passions se déchirent une forme qui est la
(!) Fig. 54.
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a résoudre le drame en le projetant dans son œuvre avec cette
force héroïque qui enivre le spectateur. Pour une huma-
nité consciente de ses destinées, le monde spirituel se figerait
immédiatement dans la mort. C'est la poésie qui le sauve en
organisant sans repos le rythme de son mouvement dont elle
ignore le terme. Et par là elle définit sa misère et sa grandeur.
Il faut que l'hermétisme de la peinture soit décidément bien
profond pour qu'un homme tel que Pascal ait reproché à la
peinture cette « vanité » qui « attire l'admiration par la
ressemblance des choses dont on n'admire pas les originaux ».
Hors de Pascal lui-même qui nous dit ce qu'il pense d'eux,
les « originaux » de Pascal sont-ils donc si admirables?
Étrange aveuglement qui trouve un son d'humanité, si faible
que soit ce son, aux propos de son perruquier, et le refuse
au langage de Michel-Ange parce qu'il n'a pas voulu l'ap-
prendre ou su qu'il fallait l'apprendre ! Si Pascal a refusé de
parler à Michel-Ange, n'est-ce pas tant pis pour Pascal?
L'impression de sécurité que nous apporte le poème
mesure la hauteur du poète qui l'a conçu. Mais cette impres-
sion est uniquement réservée à qui peut saisir le rapport
entre la profondeur du drame qu'il exprime et sa puissance
à l'exprimer. La peinture n'existe pas hors des héros de la
peinture, qui offre ce rapport dans une pomme de Cézanne (i)
posée sur le coin d'une table pour l'éternité, parce que les
échos qui l'attachent à chacun des points de l'espace gardent
le son des sentiments qui ont modelé son cœur. Le degré
d'héroïsme auquel un homme peut prétendre se propor-
tionne au degré d'exigence de ses passions. Il ne s'agit pour
aucun d'entre nous de les ignorer ou de les vaincre, mais de
les utiliser. Si le créateur est secrètement dévasté par l'envie,
l'ambition, l'avidité, la luxure, l'orgueil, la vanité même,
nous en prendrons notre parti. A une seule condition. C'est
qu'il connaisse et que nous connaissions en lui l'existence
obstinée d'un élément incorruptible : la volonté de dégager
du drame où ces passions se déchirent une forme qui est la
(!) Fig. 54.
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