suivre le déploiement dans l'œuvre d'art, partir de l'allaite-
ment maternel où une matière liquide modèle notre forme
propre, pour aboutir à l'étreinte amoureuse où se révèle,
dans les échanges indéfiniment prolongés de la volupté et
de la souffrance, les plus subtiles recherches de l'imagination
et de l'esprit, en passant par tous les contacts que l'éduca-
tion de nos sens, l'aliment, le vêtement, l'habitat, le jeu nous
infligent avec elle. Nos sièges et nos lits ont notre appa-
rence physique. Notre seuil prend la forme de nos pas. Les
objets de la table et du métier obéissent à la disposition ana-
tomique de nos bouches et de nos mains. Il ne nous est pas
possible d'échapper à la hantise de la multitude des choses
qui imposent à nos regards la forme innombrable du monde
pour en faire de l'esprit. Le mur que nous faisons et qui intro-
duit dans nos habitudes mentales tant de rectitude en même
temps qu'il nous abrite, est fait de pierre taillée ou de brique
cuite par nous. La monnaie que nous frappons pour l'échange
de nos biens et de nos passions revêt l'aspect de nos abstrac-
tions géométriques et des mythes sur lesquels notre histoire
veut reposer. Toutes les conquêtes spirituelles par qui nous
croyons échapper à cette marée matérielle qui nous entoure
et qui monte avec nous à mesure que nous tentons de nous
élever au-dessus d'elle, sont enfermées en des amas énormes
de parchemin et de papier imbibés d'encre que la fonte ou
le bois y gravent. Nous ne captons la lumière qu'à condition
qu'un support métallique y consente. Et les ondes sonores
qui traversent l'espace sans que nous les percevions ne nous
atteignent que par l'intermédiaire d'antennes, de plaques ou
de conques de métal. C'est une éducation subtile et continue
que la matière exerce sur nos facultés de comparer, d'éli-
miner, d'ordonner et de choisir, même et peut-être surtout
quand nous nous imaginons que notre esprit joue dans un
espace abstrait dont elle a, cependant, déterminé les dimen-
sions.
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ment maternel où une matière liquide modèle notre forme
propre, pour aboutir à l'étreinte amoureuse où se révèle,
dans les échanges indéfiniment prolongés de la volupté et
de la souffrance, les plus subtiles recherches de l'imagination
et de l'esprit, en passant par tous les contacts que l'éduca-
tion de nos sens, l'aliment, le vêtement, l'habitat, le jeu nous
infligent avec elle. Nos sièges et nos lits ont notre appa-
rence physique. Notre seuil prend la forme de nos pas. Les
objets de la table et du métier obéissent à la disposition ana-
tomique de nos bouches et de nos mains. Il ne nous est pas
possible d'échapper à la hantise de la multitude des choses
qui imposent à nos regards la forme innombrable du monde
pour en faire de l'esprit. Le mur que nous faisons et qui intro-
duit dans nos habitudes mentales tant de rectitude en même
temps qu'il nous abrite, est fait de pierre taillée ou de brique
cuite par nous. La monnaie que nous frappons pour l'échange
de nos biens et de nos passions revêt l'aspect de nos abstrac-
tions géométriques et des mythes sur lesquels notre histoire
veut reposer. Toutes les conquêtes spirituelles par qui nous
croyons échapper à cette marée matérielle qui nous entoure
et qui monte avec nous à mesure que nous tentons de nous
élever au-dessus d'elle, sont enfermées en des amas énormes
de parchemin et de papier imbibés d'encre que la fonte ou
le bois y gravent. Nous ne captons la lumière qu'à condition
qu'un support métallique y consente. Et les ondes sonores
qui traversent l'espace sans que nous les percevions ne nous
atteignent que par l'intermédiaire d'antennes, de plaques ou
de conques de métal. C'est une éducation subtile et continue
que la matière exerce sur nos facultés de comparer, d'éli-
miner, d'ordonner et de choisir, même et peut-être surtout
quand nous nous imaginons que notre esprit joue dans un
espace abstrait dont elle a, cependant, déterminé les dimen-
sions.
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