d'or qui semblent, de toute leur grande forme étirée, de leur
visage asymétrique souligné par le fard, marqué par le men-
songe et la luxure (i), distiller quelque poison en même temps
que dispenser l'amour nécessaire au maintien de la curiosité
et de l'inquiétude des esprits. On sait la licence des mœurs
au siècle de la cathédrale, le concubinage des prêtres, le
scandale permanent des couvents de femmes et d'hommes, la
liberté des fabliaux et des mystères, le grouillement de la
cour des Miracles, les rois faux-monnayeurs, l'épouvantable
cruauté de la guerre et des supplices, la morale oubliée pour
les batailles scolastiques et l'élan métaphysique des théolo-
giens, tout cela montant dans la multitude de pierre pour
envahir l'édifice du haut en bas — et d'autre part la sagesse
narquoise, la tendresse amusée, la bonté, la joie, souvent la
gaillardise, quelquefois la colère, jamais la malédiction ni
l'anathème ni le prêche du sculpteur. On ne retrouve un
contraste pareil qu'à propos du christianisme encore, au
moment où le théâtre anglais, berçant l'âme de Shakespeare
dans la fumée des quinquets et l'énorme rumeur du peuple,
jette trois drames par jour sur les planches, tandis que l'orgie
fait fureur dans la rue où les assassinés et les ivrognes roulent
pêle-mêle au ruisseau, que des têtes coupées ornent les cré-
neaux de la Tour, et qu'une reine septuagénaire fait égorger
ses amants de vingt ans quand ils ne veulent plus d'elle.
Car il semble que les religions dites éthiques aient, plus encore
que les autres, offert cette opposition surprenante entre le
caractère explosif des instincts sauvages de l'homme et
leurs prétendues intentions moralisantes, qui ne savent s'ex-
primer qu'en s'emparant des moyens de satisfaire ces ins-
tincts avec une espèce de fureur. Les Musulmans, de l'Inde
au Maroc et de l'Égypte à l'Espagne, ont, sans doute, évité
de faire appel aux formes de la chair pour décorer leurs sanc-
tuaires : mais c'est que les riches pouvaient se les offrir à
domicile et que les pauvres croyaient pouvoir se les offrir dans
le ciel.
(i) Fig. 96 et 114.
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visage asymétrique souligné par le fard, marqué par le men-
songe et la luxure (i), distiller quelque poison en même temps
que dispenser l'amour nécessaire au maintien de la curiosité
et de l'inquiétude des esprits. On sait la licence des mœurs
au siècle de la cathédrale, le concubinage des prêtres, le
scandale permanent des couvents de femmes et d'hommes, la
liberté des fabliaux et des mystères, le grouillement de la
cour des Miracles, les rois faux-monnayeurs, l'épouvantable
cruauté de la guerre et des supplices, la morale oubliée pour
les batailles scolastiques et l'élan métaphysique des théolo-
giens, tout cela montant dans la multitude de pierre pour
envahir l'édifice du haut en bas — et d'autre part la sagesse
narquoise, la tendresse amusée, la bonté, la joie, souvent la
gaillardise, quelquefois la colère, jamais la malédiction ni
l'anathème ni le prêche du sculpteur. On ne retrouve un
contraste pareil qu'à propos du christianisme encore, au
moment où le théâtre anglais, berçant l'âme de Shakespeare
dans la fumée des quinquets et l'énorme rumeur du peuple,
jette trois drames par jour sur les planches, tandis que l'orgie
fait fureur dans la rue où les assassinés et les ivrognes roulent
pêle-mêle au ruisseau, que des têtes coupées ornent les cré-
neaux de la Tour, et qu'une reine septuagénaire fait égorger
ses amants de vingt ans quand ils ne veulent plus d'elle.
Car il semble que les religions dites éthiques aient, plus encore
que les autres, offert cette opposition surprenante entre le
caractère explosif des instincts sauvages de l'homme et
leurs prétendues intentions moralisantes, qui ne savent s'ex-
primer qu'en s'emparant des moyens de satisfaire ces ins-
tincts avec une espèce de fureur. Les Musulmans, de l'Inde
au Maroc et de l'Égypte à l'Espagne, ont, sans doute, évité
de faire appel aux formes de la chair pour décorer leurs sanc-
tuaires : mais c'est que les riches pouvaient se les offrir à
domicile et que les pauvres croyaient pouvoir se les offrir dans
le ciel.
(i) Fig. 96 et 114.
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