gestes permis ou défendus sans raisons transcendentales et
n'élevant pas leurs cloisons étanches entre deux régions du
monde spirituel qui ne doivent plus communiquer, n'ont
jamais gêné l'expansion artiste de l'homme. La plupart du
temps, au contraire, elles ont exercé sur elle un effet bien-
faisant, en évitant à son activité ces hésitations et ces re-
recherches qui l'égarent sur un terrain où elle ne se reconnaît
plus et ralentissent ou même brisent son élan : « Voici ton
dieu... » ...« Ne prends pas ce champ, il est à ton maître,
ou à ton voisin... » ...« Ne prends pas cette femme, elle est
à ton frère... » ...« Reste dans la condition où tu es né, tu
es fait pour elle... » Tout cela n'empêche pas l'homme qui
a envie de tailler dans ce tronc d'olivier l'image d'une jeune
fille, ou, dans ce bloc de lave une tête d'épervier, de réaliser
son désir. Au contraire, cela l'y pousse, en amassant toutes
ses puissances d'amour sur le chemin de ce désir. Mais faire
dépendre son salut dans ce monde ou l'autre du reniement
même de ces puissances d'amour, c'est cela qui le désoriente.
Il est vrai qu'on assiste alors, quelquefois, quand l'interdic-
tion dure des siècles, à une sorte d'éruption irrépressible
des poèmes accumulés dans le silence des aïeux. Ce qui ten-
drait à faire croire que le bonheur et la grandeur de la plu-
part des hommes sont fort indifférents à Dieu, puisqu'il
sacrifie souvent dix ou vingt générations pour produire un
de ces éclairs de miracle où l'une d'elles, soudain, semble
d'accord avec lui.
De ce point de vue supérieur, qui embrasse notre aven-
ture universelle comme un phénomène non isolé et fragmenté
dans le temps mais cheminant, évoluant, parfois régressant
le long d'une durée indéfinie ainsi qu'un être vivant, il est
bien difficile de déterminer quelle a pu être l'action de telle
ou telle forme de discipline sociale sur la force créatrice des
esprits. On la voit bien du dehors, certes. Il est tout naturel
que le sar assyrien construise des palais dominant de loin
le désert, et où il puisse entasser la multitude des esclaves,
des femmes, des soldats destinés à servir, à assouvir, à pro-
téger ses passions. Il est tout naturel que les prêtres de
Chaldée fassent monter le plus haut possible au-dessus des
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n'élevant pas leurs cloisons étanches entre deux régions du
monde spirituel qui ne doivent plus communiquer, n'ont
jamais gêné l'expansion artiste de l'homme. La plupart du
temps, au contraire, elles ont exercé sur elle un effet bien-
faisant, en évitant à son activité ces hésitations et ces re-
recherches qui l'égarent sur un terrain où elle ne se reconnaît
plus et ralentissent ou même brisent son élan : « Voici ton
dieu... » ...« Ne prends pas ce champ, il est à ton maître,
ou à ton voisin... » ...« Ne prends pas cette femme, elle est
à ton frère... » ...« Reste dans la condition où tu es né, tu
es fait pour elle... » Tout cela n'empêche pas l'homme qui
a envie de tailler dans ce tronc d'olivier l'image d'une jeune
fille, ou, dans ce bloc de lave une tête d'épervier, de réaliser
son désir. Au contraire, cela l'y pousse, en amassant toutes
ses puissances d'amour sur le chemin de ce désir. Mais faire
dépendre son salut dans ce monde ou l'autre du reniement
même de ces puissances d'amour, c'est cela qui le désoriente.
Il est vrai qu'on assiste alors, quelquefois, quand l'interdic-
tion dure des siècles, à une sorte d'éruption irrépressible
des poèmes accumulés dans le silence des aïeux. Ce qui ten-
drait à faire croire que le bonheur et la grandeur de la plu-
part des hommes sont fort indifférents à Dieu, puisqu'il
sacrifie souvent dix ou vingt générations pour produire un
de ces éclairs de miracle où l'une d'elles, soudain, semble
d'accord avec lui.
De ce point de vue supérieur, qui embrasse notre aven-
ture universelle comme un phénomène non isolé et fragmenté
dans le temps mais cheminant, évoluant, parfois régressant
le long d'une durée indéfinie ainsi qu'un être vivant, il est
bien difficile de déterminer quelle a pu être l'action de telle
ou telle forme de discipline sociale sur la force créatrice des
esprits. On la voit bien du dehors, certes. Il est tout naturel
que le sar assyrien construise des palais dominant de loin
le désert, et où il puisse entasser la multitude des esclaves,
des femmes, des soldats destinés à servir, à assouvir, à pro-
téger ses passions. Il est tout naturel que les prêtres de
Chaldée fassent monter le plus haut possible au-dessus des
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