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point de vue, il est important de noter que, dans la narration tyrienne, Vbj^mç,
Hpaxkéovg était placée en Libye, c’est-à-dire dans le pays appartenant spé-
cialement à Baal-Hâmân, et que celui qui le réveillait était Yôl, que nous ne
connaissons jusqu’à présent dans les documents indigènes que comme malâk du
dieu de Carthage. Nous sommes donc en droit de conclure de la stèle de M. Fichot
qu’on prêtait en Afrique à Baal-Hâmân ou à Saturne un sommeil et un réveil
semblables à ceux du Melqarth de Tyr et du Baal du livre des Rois, et que c’est ce
xaTsuvaffjnoç qui est représenté dans les sculptures du monument.
Il est vrai que si la pose du Saturne de ce monument est celle du sommeil , il a
pourtant les yeux ouverts. Ici, je crois, il faut se souvenir de la croyance populaire
de l’antiquité, qui prétendait que le lion dormait avec les yeux ouverts (1). Car le
lion, animal essentiellement solaire, est un des symboles de Baal-Hâmân ou du
Saturne africain. Une lampe de terre cuite du Musée de Constantine représente le
dieu assis sur un lion courant (2). Sur une stèle votive trouvée àMons, Saturne
debout a un lion près de lui (3) ; sur une autre, de Khenchela, on voit une tète de
lion à côté du buste de Saturne (4). Signalons encore les stèles votives de Sétif, sur
lesquelles, à un registre inférieur à celui où est figuré Saturne, on voit les Dioscures
ayant entre eux deux la tête d’un lion avec sa dépouille (S), sujet emprunté à
quelque mythe local que nous ne connaissons pas. On a lieu d’être frappé de
l’aspect léonin que le sculpteur a donné ici au visage de son Saturne; il semble pres-
que léontocéphale, et cet aspect est tellement accusé qu’on peut croire qu’il a été
intentionnellement cherché. Le dieu solaire est de son essence un dieu vigilant,
et quand il dort, c’est comme le lion, son emblème, en gardant les yeux ouverts.
Si l’on se reporte au bandeau d’argent du Musée de Constantine (6), que
M. Philippe Berger commente avec une science si ingénieuse, on se convaincra
facilement qu’il devait porter à ses deux extrémités, quand il était intact, les deux
bustes du Soleil et de la Lune, qui sur la stèle de Timgad. et sur celles de Lambèse
accompagnent le Saturne ou Baal-Hâmân, et cela aux mêmes places, le Soleil à
gauche et la Luné à droite. Le dernier buste seul est conservé dans l'état actuel.
Le bandeau a été trouvé près de Batna^ une semblable analogie entre des
monuments de la même région et se rattachant au même culte n’a donc rien qui
doive surprendre.
François LENORMANT.
(4) Rec. de la Société archéologique de Constan-
tine, l. XVIII, pl. xiv, no 1 ; Héron de Villefosse,
Bullet. de la Soc. des Antiquaires, 1876, p. 73,
n« iii.
(5) Delamare, ouvr. cit., pl. 80, no 1, et pl. 82;
L. Renier, Inscr. de l’Algérie, n» 3317.
(6) Gazette archéologique. 1879, pl. 21.
H) Æhan., Hist. anim., V, 39; Plutarch.,
Sympos., IV, 5, 2; S. Epiphan., Ad physiol., 2;
Horapoll., Hieroglyph., I, 19.
(2) Héron de Villefosse, Bullet. de la Soc. des
Antiquaires de France, 1878, p. 160.
(3) Delamare, Explor. scientif. de l’Algérie,
Archéologie, pl. 96, no 1.
point de vue, il est important de noter que, dans la narration tyrienne, Vbj^mç,
Hpaxkéovg était placée en Libye, c’est-à-dire dans le pays appartenant spé-
cialement à Baal-Hâmân, et que celui qui le réveillait était Yôl, que nous ne
connaissons jusqu’à présent dans les documents indigènes que comme malâk du
dieu de Carthage. Nous sommes donc en droit de conclure de la stèle de M. Fichot
qu’on prêtait en Afrique à Baal-Hâmân ou à Saturne un sommeil et un réveil
semblables à ceux du Melqarth de Tyr et du Baal du livre des Rois, et que c’est ce
xaTsuvaffjnoç qui est représenté dans les sculptures du monument.
Il est vrai que si la pose du Saturne de ce monument est celle du sommeil , il a
pourtant les yeux ouverts. Ici, je crois, il faut se souvenir de la croyance populaire
de l’antiquité, qui prétendait que le lion dormait avec les yeux ouverts (1). Car le
lion, animal essentiellement solaire, est un des symboles de Baal-Hâmân ou du
Saturne africain. Une lampe de terre cuite du Musée de Constantine représente le
dieu assis sur un lion courant (2). Sur une stèle votive trouvée àMons, Saturne
debout a un lion près de lui (3) ; sur une autre, de Khenchela, on voit une tète de
lion à côté du buste de Saturne (4). Signalons encore les stèles votives de Sétif, sur
lesquelles, à un registre inférieur à celui où est figuré Saturne, on voit les Dioscures
ayant entre eux deux la tête d’un lion avec sa dépouille (S), sujet emprunté à
quelque mythe local que nous ne connaissons pas. On a lieu d’être frappé de
l’aspect léonin que le sculpteur a donné ici au visage de son Saturne; il semble pres-
que léontocéphale, et cet aspect est tellement accusé qu’on peut croire qu’il a été
intentionnellement cherché. Le dieu solaire est de son essence un dieu vigilant,
et quand il dort, c’est comme le lion, son emblème, en gardant les yeux ouverts.
Si l’on se reporte au bandeau d’argent du Musée de Constantine (6), que
M. Philippe Berger commente avec une science si ingénieuse, on se convaincra
facilement qu’il devait porter à ses deux extrémités, quand il était intact, les deux
bustes du Soleil et de la Lune, qui sur la stèle de Timgad. et sur celles de Lambèse
accompagnent le Saturne ou Baal-Hâmân, et cela aux mêmes places, le Soleil à
gauche et la Luné à droite. Le dernier buste seul est conservé dans l'état actuel.
Le bandeau a été trouvé près de Batna^ une semblable analogie entre des
monuments de la même région et se rattachant au même culte n’a donc rien qui
doive surprendre.
François LENORMANT.
(4) Rec. de la Société archéologique de Constan-
tine, l. XVIII, pl. xiv, no 1 ; Héron de Villefosse,
Bullet. de la Soc. des Antiquaires, 1876, p. 73,
n« iii.
(5) Delamare, ouvr. cit., pl. 80, no 1, et pl. 82;
L. Renier, Inscr. de l’Algérie, n» 3317.
(6) Gazette archéologique. 1879, pl. 21.
H) Æhan., Hist. anim., V, 39; Plutarch.,
Sympos., IV, 5, 2; S. Epiphan., Ad physiol., 2;
Horapoll., Hieroglyph., I, 19.
(2) Héron de Villefosse, Bullet. de la Soc. des
Antiquaires de France, 1878, p. 160.
(3) Delamare, Explor. scientif. de l’Algérie,
Archéologie, pl. 96, no 1.