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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 24.1868

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Blanc, Charles: Ingres, [5]: sa vie et ses oeuvres
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https://doi.org/10.11588/diglit.19885#0026

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ceux dont les albums et les cartons n'étaient pas pleins au retour. Toute-
fois, il entendait que chacun restât libre et choisît le genre de nourriture
le plus conforme à son tempérament1.

Du reste, tous ceux qui vécurent à l'Académie de Rome de 1836
àl8/il ont conservé de ce temps-Là un bon souvenir. Ils se rappellent,
sans la moindre rancune, les brusqueries de ce maître bourru et violent,
mais honnête et convaincu, qui avait jeté le grappin sur eux. Ils ont du
plaisir à raconter les boutades de cet homme fantasque, orgueilleux,
bizarre et parfois singulièrement naïf. Je dis naïf, car les choses qui tien-
nent au train ordinaire de la vie, les plaisanteries si naturelles à l'esprit
français, les récits d'atelier, il ne les comprenait point, et il était resté
sur ce point d'une simplicité primitive, d'une ingénuité antique. — De
ces naïvetés, on en citerait beaucoup; mais il suffit d'une seule d'un
caractère héroï-comique pour faire juger l'homme. Pendant qu'il était
directeur, le choléra s'étant déclaré à Rome, on fit publier, selon
l'usage, des prescriptions hygiéniques, et les journaux ne manquèrent
pas de recommander l'abstinence des fruits, le régime et surtout la
distraction. Ingres, qui était décidé à ne pas quitter son poste, rassembla
tous les jeunes gens de l'Académie et leur dit : « Messieurs^ vous
savez que le choléra sévit et que le meilleur préservatif est de s'égayer
l'esprit, de se distraire... Eh bien, puisque nous sommes tenus de nous
amuser, nous nous réunirons ici tous les soirs, si vous voulez, et... nous
lirons Plutarque ! »

mu.

La naïveté! elle est bien souvent la compagne du génie; elle en est la
grâce; elle empêche que le peintre ne devienne l'esclave de ces petites con-
venances qu'il est facile d'apprendre et qu'il est bon de dédaigner. Elle
le préserve de la banalité, et mieux vaut cent fois l'étrange que le banal.
Je le demande, quel est le peintre qui, ayant à faire le portrait de Gheru-
bini, l'aurait conçu comme l'auteur de Y Apothéose d'Homère l'a imaginé,
c'est-à-dire en manière aussi d'apothéose. Nos lecteurs connaissent ce
portrait. Jamais une même toile n'ayait contenu à la fois tant de vérité
positive et tant d'idéal. Jamais on n'avait osé un tel mélange ou plutôt
un pareil contraste de poésie et de prose flagrante.

1. Voir la Notice sur Hippolijte Flandrin,\>zv M. Saglio, dans le tome XI du
présent Recueil.
 
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