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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 24.1868

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Goncourt, Edmond de; Goncourt, Jules de: Gravelot
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https://doi.org/10.11588/diglit.19885#0172

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GRAVELOT.

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lui et ne sont qu'à lui, ces petites personnes si vivement plantées au-devant
de ses scènes, les cheveux tignonnés sous un soupçon de bonnet-papillon,
le chignon retroussé et découvrant la nuque fine, les épaules filantes,
la gorge ramassée, la taille joncée? comme on disait, longues, sveltes
et fluettes, la chair de la poitrine'et des bras battue de bouquets, de
dentelles, de garnitures, d'échelles de nœuds, d'engageantes de point
d'Alençon : Gravelot les fait légères jusqu'à la pointe de la mule sous
les fanfreluches et les rubans envolés de leur costume ; il les transfigure
presque avec cet idéal de mode qui va du déshabillé à la Pompadour à
la robe à l'anglaise. Le dessinateur, qui a modelé, semble les sculpter
pour ainsi dire au crayon, et les sort d'une rocaille cle plis, pareilles à ces
figurines de Saxe qui lui en montrent dans son atelier le dessin de porce-
celaine et le relief éclairé. Il les anime comme d'une pointe de poésie
au-dessus de la réalité du temps, d'une petite grâce intéressante qui
les approche de l'héroïne de roman, et vous fait presque voir dans les
illustrations de la Nouvelle Héloise la coquette âme de la Julie de Rous-
seau .

Gravelot sort rarement de son cadre. C'est un hasard dans son œuvre
qu'une grande planche. Nous n'en connaissons guère qu'une, la Fonda-
lion pour marier dix filles renouvelée en 1751 par les soins de M. le
marquis de l'Hôpital, seigneur de Châteauneuf-sur-Cher, et dont Mo-
reau a fait l'eau-forte : une grande pièce qui a l'air d'un dénoûment
d'opéra-comique de Sedaine faisant défiler la procession des couples vil-
lageois montant à l'église et saluant leur seigneur, violons en tête. 11 est
rarement le vignettiste de l'in-quarto, de l'in-octavo même, il est le
vignettiste de l'in-douze. Son dessin semble avoir besoin de la petitesse
du format pour être à son aise et sur son vrai terrain1, et même dans
l'in-vingt-quatre il s'amuse à un tour de force de crayon qui ne réussit
qu'à lui. Son Almanaeh de la loterie de l'Ecole royale militaire est un
vrai petit livre'bijou et joujou. Qu'on imagine, au-dessus des numéros
de la loterie, quatre-vingt-dix petites scènes, toutes se passant entre en-
fants, comme si les grandes personnes avaient été trop grandes pour y
figurer; toutes, consacrées à la petite fille, la faisant repasser, avec le
bourrelet des Amusements de l'âge de Watteau, par tous les plaisirs, tous
les caractères et tous les états de la femme, l'avertissant de la vie par

i. Un de ses seuls dessins sortant du petit format a été gravé à l'eau-forte par
Saint-Non. C'est un concert d'amateurs caricatural où tous les concertants emperruqués
font rage, le batteur de mesure frappant du pied, l'abbé raclant la basse, des violons
se démenant dans les fonds, devant deux péronnelles, le bouquet au corsage et les
dentelles évaporées.
 
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