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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 24.1868

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Blanc, Charles: Ingres, [7]: sa vie et ses ouvrages
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https://doi.org/10.11588/diglit.19885#0562

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bhh GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

portait une vive intelligence, beaucoup de zèle et, en ce qui touche les
questions d'art, une prédilection marquée pour les œuvres de style, qu'il
avait appris à estimer dès sa première jeunesse, ayant été élevé à Flo-
rence. La peinture d'Ingres étant, parmi les choses modernes, l'objet de
sa plus grande admiration, il invita le maître à réunir tous ses ouvrages
pour les envoyer à la grande Exposition qui se préparait. Ingres demanda
du temps pour réfléchir. Au mois d'août 185/i, il était encore hésitant :
a Par ma direction, écrit-il, et l'intelligence rare de mes deux enfants,
les Balze, que j'ai élevés comme seconds moi-même, me voilà riche en
grands ouvrages que je pourrai montrer avec un travail des plus agréa-
bles au public de 1855, si j'expose, car je ne suis pas encore décidé. Je
comprends aujourd'hui, si l'intelligence divine de Raphaël peut se com-
prendre, comment il a pu tant produire d'œuvres de peinture, par ce
que j'ai produit en plus, depuis quelque temps, par le secours de mes
deux élèves, qui peignent pour ainsi dire comme moi pour l'exécution,
exécutant le beau matériel de mes ouvrages, mais sous ma continuelle
direction, pendant que je les termine de mon côté 1.

Envoyer tous ses ouvrages à l'Exposition universelle ! affronter le
jugement de l'Europe entière, se livrer aux caprices d'une multitude de
spectateurs, dans laquelle se trouveraient des rivaux, des jaloux, des
ignorants aveugles et des juges aveuglés !... cela valait bien la peine qu'on
y réfléchît. Ingres ne se dissimulait point que ses tableaux, austères,
expressifs par les raffinements du dessin et beaux par le style, pâliraient
auprès de morceaux poussés à l'effet, et qu'il n'aurait pas le loisir de se
faire entendre au milieu du tapage qu'allaient produire tant de coloristes,
vrais ou faux. Il se figurait sa peinture comme une sonate de Haydn qu'il
faudrait jouer pour les oreilles délicates, à côté d'un orchestre en plein
vent. Surtout il ne supportait point l'idée d'être confronté directement
avec Eugène Delacroix, prévoyant que la foule irait de préférence là où
l'appellerait la couleur.

Pour vaincre ses répugnances, on promit à Ingres de lui réserver un
salon à part, où il arrangerait son exhibition lui-même tout à son aise, et
dont il aurait la clef jusqu'au jour de l'ouverture. Cette concession, d'ail-
leurs si flatteuse, le décida. Il est juste d'ajouter que les tableaux
d'Ingres et ceux qu'allaient exposer Eugène Delacroix, Horace Vernet,
Decamps et autres, ne pouvaient que souffrir d'être mis en présence et se
nuire réciproquement.

Ingres parvint à rassembler trente-huit tableaux, qui constituaient

<1. Lettre à M. Marcotte, du 13 août 1854.
 
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