A PROPOS D’ADRIAEN BROUWER
167
A certains égards, ces deux pages sont à part et hors ligne dans
l'œuvre de Brouwer ; en d’autres points, elles prêtent à la comparaison
avec deux tableaux de la galerie de Cassel et deux autres du Prado à
Madrid. Toutefois, malgré son mérite, cette série d’intérieurs de-
cabarets reste inférieure aux deux joyaux de la Pinacothèque. On y
rencontre certaines particularités inusitées chez Brouwer : ainsi dans
les Joueurs, de Cassel, on distingue une date presque imperceptible,
que l’on croit être 1635, au-dessus d’une cheminée ornée d’un dessin
caricatural, place que Teniers le jeune, réserve d’ordinaire pour ses
dates. Dans la Musica en la cocina au Prado, outre une date dont les
deux derniers chiffres sont presque illisibles (1633?), on remarque...
fecit, en petites capitales, fréquentes chez Teniers, mais introuvables
chez Brouwer. Les figures trapues des quatre tableaux, aux extrémités
épaisses et lourdes, ne se rencontrent jamais chez Brouwer au temps
de sa jeunesse, pas plus que les vêtements bouffants et sans goût, aux
plis maladroits et qui n’ont rien de pittoresque. Le ton local se détache
vigoureusement des fonds gris, mais sans l’habileté picturale qu’on
admire en notre maître ; l’ordonnance des groupes laisse voir un
certain manque de maturité; enfin, au premier plan, un luxe
accessoire de natures mortes forme comme une composition à part,
hors-d’œuvre cher à Teniers le jeune, non à Brouwer, chez qui tous
les détails concourent à l’action centrale. Pour toutes ces raisons,
plaçant ces quatre œuvres en face des deux tableaux de la Pinacothèque,
M. Bode se demande s’il ne faut pas les donner plutôt à Teniers le
jeune subissant alors pleinement l’influence de Brouwer. Du même
temps, quelques morceaux de moindre dimension : le Dentiste de
campagne, à la galerie Lichtenstein; dans la collection Schonborn,
également à Vienne, un Chirurgien pansant le pied d'un paysan, tous
deux avec le monogramme; chez M. Gontard, à Francfort, un Petit
intérieur de cabaret, de forme ovale; à la Kunstlialle de Carlsruhe,
encore un Dentiste 1 (autrefois attribué à A. V. Ostade), gâté par le
nettoyage.
Arrivons à la période médiane de Brouwer, de 1633 à 1636 environ,
à laquelle appartient le plus grand nombre de ses créations, se
distinguant par une peinture plus légère et plus fluide, subordonnant
la couleur locale à la tonalité générale, et par cela même tranchant
avec les œuvres de jeunesse d’une pâte plus généreuse, émaillée et
de couleurs plus échantillonnées. De cette période, la Pinacothèque
1. La galerie de Cassel a de ce tableau une très bonne copie contemporaine
due à la même main que le Buveur de l\l. Gumprecht, à Berlin.
167
A certains égards, ces deux pages sont à part et hors ligne dans
l'œuvre de Brouwer ; en d’autres points, elles prêtent à la comparaison
avec deux tableaux de la galerie de Cassel et deux autres du Prado à
Madrid. Toutefois, malgré son mérite, cette série d’intérieurs de-
cabarets reste inférieure aux deux joyaux de la Pinacothèque. On y
rencontre certaines particularités inusitées chez Brouwer : ainsi dans
les Joueurs, de Cassel, on distingue une date presque imperceptible,
que l’on croit être 1635, au-dessus d’une cheminée ornée d’un dessin
caricatural, place que Teniers le jeune, réserve d’ordinaire pour ses
dates. Dans la Musica en la cocina au Prado, outre une date dont les
deux derniers chiffres sont presque illisibles (1633?), on remarque...
fecit, en petites capitales, fréquentes chez Teniers, mais introuvables
chez Brouwer. Les figures trapues des quatre tableaux, aux extrémités
épaisses et lourdes, ne se rencontrent jamais chez Brouwer au temps
de sa jeunesse, pas plus que les vêtements bouffants et sans goût, aux
plis maladroits et qui n’ont rien de pittoresque. Le ton local se détache
vigoureusement des fonds gris, mais sans l’habileté picturale qu’on
admire en notre maître ; l’ordonnance des groupes laisse voir un
certain manque de maturité; enfin, au premier plan, un luxe
accessoire de natures mortes forme comme une composition à part,
hors-d’œuvre cher à Teniers le jeune, non à Brouwer, chez qui tous
les détails concourent à l’action centrale. Pour toutes ces raisons,
plaçant ces quatre œuvres en face des deux tableaux de la Pinacothèque,
M. Bode se demande s’il ne faut pas les donner plutôt à Teniers le
jeune subissant alors pleinement l’influence de Brouwer. Du même
temps, quelques morceaux de moindre dimension : le Dentiste de
campagne, à la galerie Lichtenstein; dans la collection Schonborn,
également à Vienne, un Chirurgien pansant le pied d'un paysan, tous
deux avec le monogramme; chez M. Gontard, à Francfort, un Petit
intérieur de cabaret, de forme ovale; à la Kunstlialle de Carlsruhe,
encore un Dentiste 1 (autrefois attribué à A. V. Ostade), gâté par le
nettoyage.
Arrivons à la période médiane de Brouwer, de 1633 à 1636 environ,
à laquelle appartient le plus grand nombre de ses créations, se
distinguant par une peinture plus légère et plus fluide, subordonnant
la couleur locale à la tonalité générale, et par cela même tranchant
avec les œuvres de jeunesse d’une pâte plus généreuse, émaillée et
de couleurs plus échantillonnées. De cette période, la Pinacothèque
1. La galerie de Cassel a de ce tableau une très bonne copie contemporaine
due à la même main que le Buveur de l\l. Gumprecht, à Berlin.