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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0283

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REVUE MUSICALE.

269

pianiste qui a fait beaucoup parler de lui. Cela seul nous indique que ce
pianiste doit avoir beaucoup de talent, car il est bien difficile dans cette
spécialité d’attirer l’attention du public. Nous sommes habitués à rencontrer
journellement des artistes et même des gens du monde si prodigieusement
habiles que le piano n’a plus le don de nous étonner. M. d’Albert a vingt
ans, pas davantage; on le dit d’origine française, et c’est d’autant
plus curieux qu’il ressemble étonnamment à un Allemand; pour préciser
davantage, ce Français a tout à fait l’air d’un Saxon. Mais ceci
n’importe guère. M. d’Albert est actuellement d’une force surprenante; on
peut hardiment lui prédire le plus grand avenir, car ses qualités sont de
celles qui ne trompent pas. Il a passé l’âge des petits prodiges; son talent
déjà mûr tiendra toutes ses promesses. Nous ne connaissons pas d’artiste qui
soit plus maître de son clavier : rompu à toutes les difficultés de mécanisme,
il n’a plus rien à apprendre de ce côté. Quoiqu’il soit bien jeune encore, sa force
physique est prodigieuse, et il n’en abuse pas comme tant d’autres qui en sont
venus à substituer le son du bois à celui des cordes. Enfin, ce sera un pianiste
incomparable, le jour où le musicien aura le goût formé. Pour cela il faut
du temps, mais on peut faire crédit à M. d’Albert : il a déjà beaucoup acquis.
Qu’il se garde surtout des amis maladroits qui le comparent à Rubinstein,
au risque de l’écraser sous la comparaison. Le grand pianiste russe est
tellement au-dessus de tous les pianistes contemporains qu’il est préférable,
pour le moment, de le montrer à M. d’Albert comme le modèle dont il doit
se rapprocher, et non comme un rival dont il serait digne.

M. Lamoureux est un homme de volonté et un chef d’orchestre du plus
rare mérite; sa création des Concerts du Château-d’Eau, les plus beaux, les
plus parfaits qui soient, avec le Conservatoire, a prouvé surabondamment
cette double supériorité. Serait-il juste de lui reprocher d’avoir une façon
de voir en musique qui n’est pas toujours celle du public, ni même de la
majorité des artistes? L’an dernier, il eut l’idée de faire entendre dans son
intégralité le premier acte de Tristan et lseult. On fut d’accord pour rendre
hommage à l’excellence de l’exécution; on tint compte des difficultés vaincues,
du haut intérêt d’une entreprise dont le but était de nous révéler un art tout
nouveau; puis, on confessa qu'une représentation complète de l’opéra de
W agner serait peut-être une lourde corvée pour le public et pour les exécu-
tants, à en juger par l’affaissement des auditeurs au sortir de ce premier
acte. Les gens se regardaient consternés : « Est-ce là, semblait-on dire, la
musique de l’avenir ? Pauvres de nous, si le maître vient à triompher! » Des
protestations il y en eut, mais elles furent rares; le public, retenu par la
sympathie que lui inspirent M. Lamoureux et son vaillant orchestre,
intimidé d’autre part par les clameurs enthousiastes des quelques personnes
qui passent pour être dans la confidence de Wagner et de son art, le public
se tenait sur la réserve : « Si c’était beau, pourtant! »

La seconde audition eut lieu le dimanche suivant : on la craignait un peu
houleuse. Aussi M. Lamoureux crut-il devoir insérer en tête du programme
l’avis suivant : « L’administration de la société des Nouveaux-Concerts, très
désireuse d’éviter des cordlits dans la salle pendant l’exécution du premier
acte de Tristan et lseult prie instamment et respectueusement les auditeurs
 
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