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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [25]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0294

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280

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

n’a jamais voulu passer, que je n’eusse passé devant. Je lui ai fait la
révérence et m’en suis venu dîner chez moi.

Ap rès dîner, nous avons, Mmo de Chantelou et moi, mené M. l’abbé de la
Chambre 1 au Cavalier, afin qu’il le voulût recevoir pour aller à Rome en
sa compagnie, ce qu’il a promis de bonne grâce. Moi étant après demeuré
seul avec lui, il a fermé les portes, et tout en colère m’a dit qu’il voulait
s’en aller et qu’on se moquait de lui, que M. Colbert le traitait de petit
garçon, qu’avec de longs discours inutiles sur des privés et des conduits, il
consommait les congrégations entières ; qu’il voulait faire l’habile et qu’il

n’y entendait rien ; que c’était un vrai c.; qu’il s’en irait sans rien dire;

qu’il avait remarqué ces deux jours-ci qu’il avait voulu lui faire faire una
mala creanza 2, qu’il l’avait assez poussé à cela, mais que la raison l’avait
retenu. Je lui ai représenté doucement que c’en serait une grande de faire
ce qu’il disait, que comme M. Colbert ne lui demandait que deux jours de
terme, il fallait qu’il attendit ; que le Roi le traitait si bien que, quand ce ne
serait que pour cette considération-là, il ne devait rien faire qui pût lui

de dix-neuf ans. Deux ans plus tard, elle fut mariée à Charles-Honoré d’Albert, duc de
Chevreuse, et mourut en 1732.

•1. Pierre Cureau de la Chambre, curé de Saint-Barthélemy, à Paris, membre de
l’Académie française, mort en -1693. — « M. l’abbé de la Chambre, disent les Mémoires
de Vigneul-Marville, avait étudié pour être médecin; mais, frappé de surdité dès sa
jeunesse, il se tourna du côté de l’Église. On lui conseilla de voyager pour dissiper son
mal. Il alla en Italie, et ce fut là qu’il se lia d’amitié avec le cavalier Bernin dont il a
fait l’éloge, C’était son dessein de donner au public la vie de cet illustre sculpteur et
architecte; mais comme la réputation que le Bernin avait acquise en France, où l’on
change aisément de goût, tomba tout d’un coup et que ç’aurait été se perdre de la
vouloir soutenir contre ses envieux, M. l’abbé de la Chambre abandonna ce dessein et n’en
parla plus. D’ailleurs, cet abbé était paresseux. » L’abbé s’est borné à faire dans 1 e Journal
des savants du 24 février 1681, c’est-à-dire trois mois environ après la mort du Cavalier,
un Éloge de sept pages, dont il y a eu peut-être un tirage à part. Il était fils de l’auteur des
Charactëres des passions, Martin Cureau de la Chambre, membre de l’Académie des
sciences, mort en 1673. On voyait jadis dans l’église Saint-Eustache son médaillon
sculpté par Tuby « d’après un dessin de Bernin », à ce que dit Hurtaut. Ce médaillon
est actuellement au musée de Versailles, galerie 96, n° 1894.

2. Une inconvenance, une impolitesse. — Charles Perrault, dans ses Mémoires, rapporte
ces paroles du Bernin d’après le Journal de Chantelou qui, dit-il, lui a été communiqué
après la mort de l’auteur (liv. II, p. 86). U a fait précéder son récit des observations
suivantes, qui sont pleines de justesse. « Il aurait été, dit-il, malaisé de trouver deux
génies plus opposés (ceux de Colbert et de Bernin). Le Cavalier n’entrait dans aucun
détail, ne songeait qu’à faire de grandes salles de comédies et de festins, et ne se mettait
point en peine de toutes les commodités, de toutes les sujétions et de toutes les distri-
butions nécessaires, choses qui sont sans nombre et qui demandent une application que
ne pouvait prendre le génie vif et prompt du Cavalier; car je suis persuadé qu’en fait
d’architecture il n’excellait guère que dans les décorations et les machines de théâtre.
M. Colbert, au contraire, voulait de la précision et savoir où et comment le roi serait
logé, comment le service se pourrait faire commodément. Il croyait, et avec raison, qu’il
fallait parvenir non seulement à bien loger la personne du roi et toutes les personnes
royales, mais donner des logements commodes à tous les officiers, jusques aux plus
petits, qui ne sont pas moins nécessaires que les plus importants; il ne cessait de
composer et de faire faire des mémoires de tout ce qu’il fallait observer dans la distri-
bution des différents logements et fatiguait extrêmement l’artiste italien. Le Cavalier
n’entendait rien et ne voulait rien entendre à tous ces détails, s’imaginant qu’il était
indigne d’un grand architecte comme lui de descendre dans ces minuties. » Ibid., page 85.
 
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