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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Editor]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [25]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0293

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN.

279

rayant ce discours. L’abbé Butti est survenu aussi. M. Colbert l’a fait asseoir
et lui a rapporté les difficultés. Il s’est voulu mêler en riant d’y trouver
quelque expédient, mais M. Colbert lui a dit aussi en riant qu’il se contentât
seulement de servir d’interprète, sans vouloir faire l’architecte. L’on a encore
remis l’affaire sur le tapis. Lui 1 a dit qu’on pouvait faire des logis au dedans
d’une des petites cours et avec cela ménager le dégagement de toutes ces
pièces. Le Cavalier a reparti brusquement : Ha questa no si perderebbero i
lumi2.

M. Colbert a dit encore en riant : « Je vous disais bien, monsieur l’Abbé,
que vous ne devez j)as faire l’architecte. » Toutes ces difficultés m’ont paru
dégoûter extrêmement le Cavalier. Il a dit qu’on ne pouvait pas faire et ne
faire pas, que c’était beaucoup d’avoir trouvé à placer les grands escaliers,
de sorte qu’ils n’interrompissent point le cours de tout le plan noble du tour
du Louvre, les ayant pour cet effet posés aux quatre angles du dedans de la
cour, mais que de faire une chapelle, qui ait la grandeur d’une église, qu’elle
soit dans un lieu où elle serve en public et encore en particulier au Roi, et
qn’on n’y puisse arriver sans passer que par un endroit cela était impossible ;
que pour lui, il ne le savait pas faire; qu’il avait fait ce qu’il avait su ; qu’il
l’avait placée d’abord fort bien, qu’il l’avait depuis changée pour tâcher de
satisfaire, qu’il ne pouvait faire davantage, qu’il songeait à présent à s’en
aller et à demander congé pour cela; que le Pape ne le lui avait donné que
jusques à la fin d’août. M. Colbert a répondu, que ce qu’il en faisait était
pour prendre de lui toutes les lumières qui se pouvaient tirer sur une
matière, qu’au reste il fallait qu’il songeât encore à l’examen de ces choses
et autres contenues en ses mémoires, lundi et mardi, et qu’il disposerait
tout pour faire qu’il pût s’en aller le mercredi. Il a dit qu’il avait fait ce
qu’il avait pu; qu’il n’ignorait pas qu’il ne fallait jamais dire : « Cela est
impossible » ; que néanmoins ce qu’on désirait de lui était lui demander de
faire tenir une pipe de vin dans un baril. M. Colbert a repris, et a dit qu’il
pourrait faire une église toute séparée, et la faire la plus superbe qu’il se
pût et trouver invention de l’attacher, que pourvu qu’on donnât un endroit
au Roi d’un fort grand tour, il [y] passerait toujours avec plaisir plutôt que
de voir engager ses appartements. Il a dit après au signor Mathie qu’il
fallait qu’il travaillât suivant ses mémoires à distribuer tous les offices et
logements des officiers y contenus. 11 a répondu que nous y travaillerions
lui et moi. Après cela, M. Colbert s’est levé, et je m’en suis allé entendre la
messe chez lui, car il était une heure, et montant avec lui dans son escalier,
il m’a dit : « M. le Cavalier est bien chaud. » Je lui ai répondu : « C’est le
naturel des esprits vifs, qui concevant facilement sont prompts à trouver
les expédients, mais quand ils voient qu’ils n’ont pas rencontré et satisfait,
ils se rebutent plus tôt que les autres. » J’ai entendu à sa chapelle la messe
de son aumônier. J’oubliais à noter que les enfants de M. Colbert se sont
trouvés à l’entrée de cette chapelle, et d’abord qu’ils l’ont vu entrer, le sont
allés embrasser. A la sortie de la chapelle, il a pris la main à sa fille 3 et

'1. Lui, l’abbé Butti.

2. « Il (ce projet) a cet avantage que les yeux ne s’y perdront pas. »

3, Probablement Ja fille aînée de Colbert, Jeanne-Marie-Thérèse, qui était alors âgée
 
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