LE SALON DE 1885
(premier article)
L
L’art ressemble à la terre, où les graines ardentes
Trouveront tous les ans du suc et des amours,
Où les moissons jamais ne sont plus abondantes
Qu’après qu’elle a subi les plus profonds labours.
11 est réconfortant d’écrire ces beaux vers de Sully-Prudhomme à
la première page d’une étude sur le Salon de l’année ; si la vaillance
menaçait de s’endormir au cœur du critique, ils la ranimeraient
et viendraient rappeler à celui-ci que son premier devoir est de
regarder toujours du côté de l’espérance.
L’heure présente est obscure et troublée. S’il est vrai qu’un
« idéal collectif » est « ce qui témoigne le mieux, dans l’art, de la
valeur d’une époque » ; s’il est bien établi, — et comment le nierait-
on ? — qu’à tous les grands moments de floraison artistique, il a existé
entre les artistes et le public une sorte de collaboration silencieuse,
si profonde et si efficace que, dans toutes les créations d’une même
époque, à travers la variété de l’inspiration personnelle et de la
fantaisie, on retrouve toujours la touche de ce maître commun qui
s’appelle l’esprit du temps, — comment se défendre d’un doute
douloureux en présence du désarroi de notre esthétique contem-
poraine, où tous les systèmes sont tour à tour attaqués et défendus
(premier article)
L
L’art ressemble à la terre, où les graines ardentes
Trouveront tous les ans du suc et des amours,
Où les moissons jamais ne sont plus abondantes
Qu’après qu’elle a subi les plus profonds labours.
11 est réconfortant d’écrire ces beaux vers de Sully-Prudhomme à
la première page d’une étude sur le Salon de l’année ; si la vaillance
menaçait de s’endormir au cœur du critique, ils la ranimeraient
et viendraient rappeler à celui-ci que son premier devoir est de
regarder toujours du côté de l’espérance.
L’heure présente est obscure et troublée. S’il est vrai qu’un
« idéal collectif » est « ce qui témoigne le mieux, dans l’art, de la
valeur d’une époque » ; s’il est bien établi, — et comment le nierait-
on ? — qu’à tous les grands moments de floraison artistique, il a existé
entre les artistes et le public une sorte de collaboration silencieuse,
si profonde et si efficace que, dans toutes les créations d’une même
époque, à travers la variété de l’inspiration personnelle et de la
fantaisie, on retrouve toujours la touche de ce maître commun qui
s’appelle l’esprit du temps, — comment se défendre d’un doute
douloureux en présence du désarroi de notre esthétique contem-
poraine, où tous les systèmes sont tour à tour attaqués et défendus