EXPOSITION DES PASTELLISTES FRANÇAIS.
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du jour, l’instant précis de la mode et les aperçus saisis sur le vif
de l’existence parisienne, l’ondée printanière vue et sentie des tri-
bunes de Longcliamps \ les braseros du pesage entourés de femmes
élégantes, la foule grouillante de la piste, autant d’échappées de la
vie mondaine d’une exquise justesse et traduites avec une vivacité
dont on ne soupçonnait pas capable le pastel. La réunion de ces tra-
vaux de Nittis est d’autant plus intéressante qu’elle sera peut-être la
dernière occasion offerte au public de juger d’ensemble l’œuvre du
jeune maître regretté, un des artistes qui ont le plus fait, par leur
exemple, pour pousser la jeune Ecole française dans la représentation
des scènes de la vie actuelle et dans l’étude du plein air, et cela avec
un sentiment remarquablement juste de la couleur et de la vérité.
M. Emile Lévy a eu beaucoup de succès au dernier Salon avec ses
habiles portraits. Il expose plusieurs des jolies femmes dont il excelle
à rendre les carnations délicates. Pourquoi faut-il que la perfection
même de l’exécution fasse hésiter sur le procédé dont il s’est servi?
On croirait à des peintures à l’huile. Est-ce bien un compliment à
lui faire? Un peu plus d’abandon et de coups de crayon à la Char-
din pour animer la suavité de son exécution, et le rôle du pastel nous
semblerait mieux compris par lui.
Ce n’est pas le même reproche que l’on adressera à M. Béraud
dont la Rieuse, pleine de promesses pour les expositions futures,
semble avoir été crayonnée par un disciple de Franz Hais, non plus
qu’au pastel de M. Jacquet, sorte de pastiche du xvme siècle, qui té-
moigne de beaucoup d’aptitude et d’un peu de hâte; mais l’auteur vou-
dra sans doute, l’an prochain, nous donner quelque chose de plus
terminé. J’aime peu les tons maladifs des tètes de femme de M. Bes-
nard, et préfère son portrait du reporter Johnston très ferme et très
vivant. Quant à M. Tissot, qui conserve encore dans ses dernières
œuvres faites en France l’impression d’un long séjour en Angle-
terre et laisse percer l’influence que l’Ecole anglaise a exercée sur
lui, il expose, tant à la galerie Sedelmeyer que rue de Sèze, des pein-
tures très finement observées et d’un aspect original. Sa manière
large et franche de comprendre et de traiter le pastel se montre sur-
tout dans la Nourrice aux longs rubans, portant son baby blanc et
rose qui sourit. C’est une note neuve, un parfum d’outre-Manche qui
ne manque pas de saveur. Si celui-ci peint le high-life, M. Raffaelli
1. Voy. la gravure de la Tribune des courses, publiée dans la Gazette des beaux-
arts, numéro du 1er décembre 1884,
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du jour, l’instant précis de la mode et les aperçus saisis sur le vif
de l’existence parisienne, l’ondée printanière vue et sentie des tri-
bunes de Longcliamps \ les braseros du pesage entourés de femmes
élégantes, la foule grouillante de la piste, autant d’échappées de la
vie mondaine d’une exquise justesse et traduites avec une vivacité
dont on ne soupçonnait pas capable le pastel. La réunion de ces tra-
vaux de Nittis est d’autant plus intéressante qu’elle sera peut-être la
dernière occasion offerte au public de juger d’ensemble l’œuvre du
jeune maître regretté, un des artistes qui ont le plus fait, par leur
exemple, pour pousser la jeune Ecole française dans la représentation
des scènes de la vie actuelle et dans l’étude du plein air, et cela avec
un sentiment remarquablement juste de la couleur et de la vérité.
M. Emile Lévy a eu beaucoup de succès au dernier Salon avec ses
habiles portraits. Il expose plusieurs des jolies femmes dont il excelle
à rendre les carnations délicates. Pourquoi faut-il que la perfection
même de l’exécution fasse hésiter sur le procédé dont il s’est servi?
On croirait à des peintures à l’huile. Est-ce bien un compliment à
lui faire? Un peu plus d’abandon et de coups de crayon à la Char-
din pour animer la suavité de son exécution, et le rôle du pastel nous
semblerait mieux compris par lui.
Ce n’est pas le même reproche que l’on adressera à M. Béraud
dont la Rieuse, pleine de promesses pour les expositions futures,
semble avoir été crayonnée par un disciple de Franz Hais, non plus
qu’au pastel de M. Jacquet, sorte de pastiche du xvme siècle, qui té-
moigne de beaucoup d’aptitude et d’un peu de hâte; mais l’auteur vou-
dra sans doute, l’an prochain, nous donner quelque chose de plus
terminé. J’aime peu les tons maladifs des tètes de femme de M. Bes-
nard, et préfère son portrait du reporter Johnston très ferme et très
vivant. Quant à M. Tissot, qui conserve encore dans ses dernières
œuvres faites en France l’impression d’un long séjour en Angle-
terre et laisse percer l’influence que l’Ecole anglaise a exercée sur
lui, il expose, tant à la galerie Sedelmeyer que rue de Sèze, des pein-
tures très finement observées et d’un aspect original. Sa manière
large et franche de comprendre et de traiter le pastel se montre sur-
tout dans la Nourrice aux longs rubans, portant son baby blanc et
rose qui sourit. C’est une note neuve, un parfum d’outre-Manche qui
ne manque pas de saveur. Si celui-ci peint le high-life, M. Raffaelli
1. Voy. la gravure de la Tribune des courses, publiée dans la Gazette des beaux-
arts, numéro du 1er décembre 1884,