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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 5
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Portalis, Roger: Exposition des pastellistes français à la rue de Sèze
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0464

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

deux grands virtuoses du pastel au xvme siècle. Malgré l’étonnante
vivacité d’exécution de son rival et sa grande habileté à traiter les
étoffes, La Tour reste en réalité au premier rang.

Ce qui le tiendra toujours hors de pair, c’est l’observation sagace
et philosophique de la physionomie humaine, l’étude profonde des
passions des gens qui posaient devant lui, de leurs appétits, de leurs
vertus quelquefois, et plus souvent de leurs vices.

Ah ! c’est un terrible déshabilleur de conscience que ce pastelliste,
et ce qu’il disait de lui était parfaitement exact : « Mes modèles
« croient que je ne saisis que les traits de leurs visages; mais je des-
« cends au fond d’eux-mêmes à leur insu et je les remporte tout
« entiers. » Nous trompons-nous? Mais qu’on regarde la tête si vivante
du peintre Parrocel, n’est-on pas en présence d’une nature bonne,
mais profondément sensuelle et matérielle? Ne sera-t-on pas frappé
par le caractère hargneux du portrait de Bachery, par la défiance
et l’avarice peintes sur le visage de l’oculiste Demours, « tête
hideuse », disait Diderot, et de la malice sans méchanceté qui éclate
dans l’agréable image de Mme de Graffigny. Nous 11e connaissons pas
par le menu l’existence de Mlle Sallé, chantée par Voltaire, mais
nous serions profondément étonné d’apprendre, après avoir vu son
portrait par La Tour, qu’elle ne fût pas une bonne et aimable per-
sonne. Peut-être même a-t-il donné, à la danseuse de l’Opéra, par
trop les apparences d’une honnête douairière. Ce portrait fut exposé
au Salon de 1742 sous le titre : MUe Scdlé habillée comme elle est chez
elle, et le Mercure remarque, en effet, son attitude aussi simple que
décente et la robe couleur de rose de la plus sublime simplicité.

Les portraits de M. et de Mme de La Reynière, exposés par
Mme Demain, sont de premier ordre, mais dans la manière très
travaillée du maître. On lit sur la charmante physionomie de cette
femme de quarante ans l’orgueil, tempéré par la bonté, et beau-
coup de fatuité dans celui de son mari, auquel il arriva nombre de
mésaventures au sujet de ces peintures. La Tour, dont le caractère
n’était pas facile, se fâcha de ce que le financier lui avait fait dire un
jour qu’il 11e pourrait venir poser, et peignit à sa place le valet qui
était venu lui en donner la nouvelle. Ce fut bien autre chose pour le
règlement. Le peintre exigeait dix mille livres, et, ennuyé que M. de
La Reynière les lui laissât pour compte, lui envoya sommation par
exploit d’avoir à prendre les portraits et à les payer. Il fallut que
les peintres Silvestre et Restout, choisis comme experts, décidassent
du prix, qui fut fixé à 4,800 livres.
 
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