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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 6
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Michel, André: Le salon de 1885, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0508

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488 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

voici cette année le Vin. Nous sommes au moment de la décuvaison.
Près d’un pressoir, des travailleurs se sont attablés ; on a apporté
dans un décalitre en fer-blanc un peu du vin nouveau et l’on
vient de trinquer pour la première fois avec le produit de la nouvelle
récolte. Une femme, son enfant dans les bras, s’approche des buveurs
et le vieux vigneron, lui posant une main sur l’épaule, lui montre de
l’autre, avec un beau geste cordial et engageant, le vin nouveau dans
les verres grossiers. Dame! il n’est pas encore fort appétissant le vin
nouveau ; violacé, épais et trouble, il a grand besoin de se clarifier.
Mais le bonhomme, qui s’y connaît, doit en être content, car son
honnête figure rayonne sous son hâle d’une joie où se lit autre
chose que la satisfaction du devoir accompli. Ce personnage
est très beau, d’une allure magistrale et même un peu emphatique;
la femme, robuste paysanne, et ses enfants sont des morceaux supé-
rieurement traités, dessinés avec ampleur et caressés avec une
tendresse virile. Tout cela est franc, honnête et sain. Dans la couleur
seulement, comme dans le vin nouveau, il reste encore je ne sais
quelle âpreté un peu dure — et peut-être aussi, dans le parti général
de composition et dans une ou deux figures du fond, pourrait-on
remarquer une tendance croissante à une certaine amplification
oratoire, à une phraséologie un peu ronde contre laquelle il faut
mettre en garde le talent mâle et sincère de M. Lhermitte. *

M. Lhermitte écrit en belle prose. M. Jules Breton, pour célébrer
ses vieux amis les paysans de l’Artois, appelle à son aide la sainte
poésie. Il les aime tant, ces vieux compagnons de ses premiers succès,
qu’il a l’air de craindre parfois que nous 11e comprenions pas assez
leur beauté propre ; et ce n’est même pas assez de comprendre et
d’admirer leur beauté, il faut encore proclamer les qualités morales
de ces

Bonnes gens au cœur droit, ignorant le mensonge.

Si l’on en croit M. Breton, l’Artois est, mieux qu’une Arcadie, un
asile de toutes les vertus. Sa peinture et ses vers nous le disent avec
une insistance touchante, souvent avec une éloquence persuasive,
quelquefois avec un attendrissement peut-être exagéré et surtout
dangereux. Dans le Dernier rayon par exemple, nous assistons à une
scène de famille, assurément très digne d’intérêt et même émou-
vante dans sa simplicité, mais qui le serait peut-être davantage, si
le peintre nous le disait un peu moins. A l’heure où

Le grand soleil du soir, dont l’orbe vibre et plonge

Dans les saules brumeux, rougit un chaume obscur,
 
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