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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Luc-Olivier Merson est un des rares peintres qui lisent; il
est aisément reconnaissable que les sujets de ses tableaux, volontiers
archaïques — et même un peu mystiques — lui sont familiers. Il
n’est pas de ceux qui fouillent d’une main fiévreuse les dictionnaires
de mythologue ou d’histoire pour y chercher un sujet à peindre et les
données indispensables pour la mise en œuvre de l’idée si origina-
lement rencontrée. M. Merson lit évidemment pour son plaisir; il
rêve à ses lectures, et il arrive souvent qu’elles évoquent dans son
esprit des visions amies tendrement caressées. Nous nous rappelons
de lui tel petit tableau, comme le Loup de Gubbio, Saint François
haranguant les poissons, A ngelico de lies oie endormi sur son
échafaudage, où la légende était traduite sans que presque rien,
vraiment, se fût évaporé de sa fleur de poésie et de naïveté. Cette
année, un noël populaire, Y Arrivée à Bethléem, lui a inspiré un
tableautin de quelques centimètres carrés, d’une délicatesse exquise.
On nous permettra de citer les vers, peu connus et charmants.
SAINT JOSEPH.
Passons par l’autre rue,
La cour est vis-à-vis.
Tout devant notre rue,
J’y vois un grand logis.
LA VIERGE.
Allez-y seul, de grâce ;
Je ne puis plus marcher.
Je me trouve si lasse,
(Jue je ne puis chercher.
SAINT JOSEPH.
Ma bonne et chère dame,
Dites, n’auriez-vous point
De quoi loger ma femme
Dans quelque petit coin?
l’hôtesse.
Les gens de votre sorte
Ne logent point céans.
Allez à l’autre porte,
C’est pour les pauvres gens.
Et voilà comment le fils de Marie naquit dans une étable!
On voit la scène : dans une rue en pente, étroite, par une nuit
d’Orient, sous un ciel d’un bleu cendré, la Vierge, défaillante,
s’affaisse; le pauvre saint Joseph, effaré, frappe à la porte de l’hôtel-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Luc-Olivier Merson est un des rares peintres qui lisent; il
est aisément reconnaissable que les sujets de ses tableaux, volontiers
archaïques — et même un peu mystiques — lui sont familiers. Il
n’est pas de ceux qui fouillent d’une main fiévreuse les dictionnaires
de mythologue ou d’histoire pour y chercher un sujet à peindre et les
données indispensables pour la mise en œuvre de l’idée si origina-
lement rencontrée. M. Merson lit évidemment pour son plaisir; il
rêve à ses lectures, et il arrive souvent qu’elles évoquent dans son
esprit des visions amies tendrement caressées. Nous nous rappelons
de lui tel petit tableau, comme le Loup de Gubbio, Saint François
haranguant les poissons, A ngelico de lies oie endormi sur son
échafaudage, où la légende était traduite sans que presque rien,
vraiment, se fût évaporé de sa fleur de poésie et de naïveté. Cette
année, un noël populaire, Y Arrivée à Bethléem, lui a inspiré un
tableautin de quelques centimètres carrés, d’une délicatesse exquise.
On nous permettra de citer les vers, peu connus et charmants.
SAINT JOSEPH.
Passons par l’autre rue,
La cour est vis-à-vis.
Tout devant notre rue,
J’y vois un grand logis.
LA VIERGE.
Allez-y seul, de grâce ;
Je ne puis plus marcher.
Je me trouve si lasse,
(Jue je ne puis chercher.
SAINT JOSEPH.
Ma bonne et chère dame,
Dites, n’auriez-vous point
De quoi loger ma femme
Dans quelque petit coin?
l’hôtesse.
Les gens de votre sorte
Ne logent point céans.
Allez à l’autre porte,
C’est pour les pauvres gens.
Et voilà comment le fils de Marie naquit dans une étable!
On voit la scène : dans une rue en pente, étroite, par une nuit
d’Orient, sous un ciel d’un bleu cendré, la Vierge, défaillante,
s’affaisse; le pauvre saint Joseph, effaré, frappe à la porte de l’hôtel-