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https://doi.org/10.11588/diglit.73757#0019
7
VINCENT DE PAUL
INSTITUTEUR ET PREMIER SUPERIEUR
General de la Congrégation de la Miffion.
L n'est pas étonnant que des hommes soient devenus célébrés
pour avoir formé des Compagnies de Sujets d'un mérite singulier
dans les Sciences & dans les Lettres. Cet assemblage de lumieres
produit un éclat qui rejaillit necessairement sur celuy qui les a
mises ensemble ; mais il riétoit peut-être point encore arrivé qu'un
particulier se fût fait un grand nom, pour avoir ramassé des hommes qui ne
veulent point paroître , & qui s'étudient à cacher les talens qu'ils ont receus
de la Nature. C'est ce qu'a fait neanmoins celuy dontj'entreprens l'éloge. Com-
me son but a toujours été l'instrudion familiere des ignorans, lïnsinuation du
véritable esprit de l'Evangile dans toutes les ames , & l'esprit de penitence dans
tous les pécheurs, il crut que la douceur & la simplicité dénuée des fastueux
dehors de la science humaine, qui souvent éclaire bien moins qu'elle ne brille,
feroit plus de fruit , & que le Seigneur beniroit d'autant plus leur travail , qu'ils
n'y employeroient que îa seule & simple exposition de l'Evangile.
Cela est si vray , que deux hommes dotiez de talens extraordinaires & fort
cclatans , s'étant presentez à luy pour entrer dans sa Congrégation , il les refusa
par cette raison seule : Vous êtes trop habiles pour nous , leur dit-il, nous vou-
lons que ceux d'entre nous qui portent la parole de Dieu , touchent & con-
vertirent par la seule vertu de cette parole, & non point par leur éloquence ,
afin que toute la gloire en demeure au Seigneur. Ce n’est pas, ajouta t il , que
je n'estime & ne revere les belles qualitez qu'il a plu à Dieu de vous donner ;
je suis persuadé même que ces talens peuvent être très-utiles ailleurs. Vous avez
la Compagnie des Peres de l'Oratoire , où il y a de très grands Personnages
qui font beaucoup de fruit dans l'Eglise ; mettez-vous parmi eux ; comme vous
serez là dans vôtre place, Dieu bénira vôtre travail , & vous y réunirez. La
chose arriva comme il le predit , tant il est vray qu'il est bon de s'examiner soy-
même, quand on se choisit une prpfession & un genre de vie.
Vincent de Paul naquit dans le Village de Poüi près d'Acqs en l'année mil
cinq cent soixante & seize , de Parens très-pauvres , mais très-vertueux ;
la basTesfe de sa naissance , qui auroit laissé tout autre homme dans l'obscu-
ritè, n'a servi qu'à luy donner de l'éclat davantage. On ne peut considerer le
lieu de son origine, & jetter en même-tems les yeux sur l'autorité qu'il a eue,
qu'on ne s'étonne de la distance qu'il y a de l'une à l'autre. Sans le secours
d'aucun avantage des biens de la fortune , & sans faire paroître aucun des ta-
lents que le monde estime , il s'est acquis par son seul merite un assez grand
crédit sur les personnes de pieté de Paris , pour leur faire envoyer durant les
guerres de Lorraine jusqu a quinze ou seize cent mille livres d'aumônes. Il aed
assez de prudence & de zele pour engager plusieurs Dames de qualité à s'assem-
bler toutes les semaines , pour fournir une somme presque semblable dans les
Provinces où la guerre & la sterilité le demandoient , ce qui continue encore
s
VINCENT DE PAUL
INSTITUTEUR ET PREMIER SUPERIEUR
General de la Congrégation de la Miffion.
L n'est pas étonnant que des hommes soient devenus célébrés
pour avoir formé des Compagnies de Sujets d'un mérite singulier
dans les Sciences & dans les Lettres. Cet assemblage de lumieres
produit un éclat qui rejaillit necessairement sur celuy qui les a
mises ensemble ; mais il riétoit peut-être point encore arrivé qu'un
particulier se fût fait un grand nom, pour avoir ramassé des hommes qui ne
veulent point paroître , & qui s'étudient à cacher les talens qu'ils ont receus
de la Nature. C'est ce qu'a fait neanmoins celuy dontj'entreprens l'éloge. Com-
me son but a toujours été l'instrudion familiere des ignorans, lïnsinuation du
véritable esprit de l'Evangile dans toutes les ames , & l'esprit de penitence dans
tous les pécheurs, il crut que la douceur & la simplicité dénuée des fastueux
dehors de la science humaine, qui souvent éclaire bien moins qu'elle ne brille,
feroit plus de fruit , & que le Seigneur beniroit d'autant plus leur travail , qu'ils
n'y employeroient que îa seule & simple exposition de l'Evangile.
Cela est si vray , que deux hommes dotiez de talens extraordinaires & fort
cclatans , s'étant presentez à luy pour entrer dans sa Congrégation , il les refusa
par cette raison seule : Vous êtes trop habiles pour nous , leur dit-il, nous vou-
lons que ceux d'entre nous qui portent la parole de Dieu , touchent & con-
vertirent par la seule vertu de cette parole, & non point par leur éloquence ,
afin que toute la gloire en demeure au Seigneur. Ce n’est pas, ajouta t il , que
je n'estime & ne revere les belles qualitez qu'il a plu à Dieu de vous donner ;
je suis persuadé même que ces talens peuvent être très-utiles ailleurs. Vous avez
la Compagnie des Peres de l'Oratoire , où il y a de très grands Personnages
qui font beaucoup de fruit dans l'Eglise ; mettez-vous parmi eux ; comme vous
serez là dans vôtre place, Dieu bénira vôtre travail , & vous y réunirez. La
chose arriva comme il le predit , tant il est vray qu'il est bon de s'examiner soy-
même, quand on se choisit une prpfession & un genre de vie.
Vincent de Paul naquit dans le Village de Poüi près d'Acqs en l'année mil
cinq cent soixante & seize , de Parens très-pauvres , mais très-vertueux ;
la basTesfe de sa naissance , qui auroit laissé tout autre homme dans l'obscu-
ritè, n'a servi qu'à luy donner de l'éclat davantage. On ne peut considerer le
lieu de son origine, & jetter en même-tems les yeux sur l'autorité qu'il a eue,
qu'on ne s'étonne de la distance qu'il y a de l'une à l'autre. Sans le secours
d'aucun avantage des biens de la fortune , & sans faire paroître aucun des ta-
lents que le monde estime , il s'est acquis par son seul merite un assez grand
crédit sur les personnes de pieté de Paris , pour leur faire envoyer durant les
guerres de Lorraine jusqu a quinze ou seize cent mille livres d'aumônes. Il aed
assez de prudence & de zele pour engager plusieurs Dames de qualité à s'assem-
bler toutes les semaines , pour fournir une somme presque semblable dans les
Provinces où la guerre & la sterilité le demandoient , ce qui continue encore
s