BARTHELEMY DHERBELOT
INTERPRETE DES LANGUES ORIENTALES.
Eaucoup de science jointe avec encore plus de bon sens &
de probité , font le caradere de celuy dont j'entreprens l'éloge^
Barthélémy d'Herbelot nâquit à Paris le 4. Decembre I62 .fr
d'une Famille considerable & par elle-mesme, & par ses allian-
ces. Dés qu'il eut achevé ses études d'Humanitez & de Philoso-
phie sous les plus excellens ProfesTeurs de l'Université , il s'appliqua à l'étu-
de des Langues Orientales , & particulierement de la Langue Hebraïque, dans
la veuë de mieux entrer dans le sens du texte original des livres de l'ancien
Testament.
Après un travail assidu de plusieurs années , il fit un voyage en Italie ,
persuadé que la conversation des Arméniens & des autres Orientaux qui sou-
vent y abordent , le perfedionneroit beaucoup dans la connoissance de leurs
Langues. A Rome il fut particulierement estimé des Cardinaux Barberin &
Grimaldi, & il contracta une étroite amitié avec Lucas Holstenius , & Leo Al-
latius Bibliothécaire du Vatican , deux des plus sçavans hommes de ce siecle.
En l'année 1656. le Cardinal Grimaldi , Archevesque d'Aix , l'envoya à Mar-
seille audevant de la Reine de Suede, qui fut ravie du choix qu'on avoir fait
d'un homme si universellement sçavant , & par consequent si capable de
l'entretenir sélon son goust & son genie. Au retour de ce voyage qui ne du-
ra qu'un an & demy, Monsieur Fouquet Procureur General du Parlement
de Paris, & Sur-intendant des Finances , l'attira dans sa maison, & luy donna
une pension de quinze cens livres. Il sembloit que la disgrace de Mr Fouquet
qui arriva peu de temps après , devoir entraîner M. d'Herbelot par l'attache-
ment qu'il avoir à la fortune de ce Ministre , maïs cela n'empêcha point que
son merite ne luy fist obtenir la Charge d'Interprete des Langues Orientales ,
avec des Lettres vérifiées en la Chambre des Comptes. Il est vray que peu d'au-
tres personnes étoient ausli capables que luy de cet Employ.
Quelques années s'estant écoulées, il fit encore un voyage en Italie , où il
s'acquit une si grande réputation , que les personnes les plus distinguées , soie
par leur science ou par leur dignité , s'empresTerent à l'envi de le connoître^
Le grand Duc de Toscane Ferdinand II. luy donna des marques extraordi-
naires de son estime. Ce fut à Livourne que M. d'Herbelot eut l'honneur de
Voir ce Prince pour la premiere fois ; il eut avec luy & avec le Prince son fils
qui est le grand Duc d'aujourd'huy , de frequentes conversations , dont ils fu-
rent si satisfaits, qu'ils luy firent promettre de les venir trouvera Florence. Il
y arriva le 2. Juillet 1666 , & y fut reçu par le Secretaire d'Etat, qui le con-
duisit dans une maison préparée pour son logement , où il y avoit six pieces de
plein-pied magnifiquement meublées , & où on luy entretint une table de qua-
tre couverts , servie avec toute sorte de délicatesse, &un carossfe aux livrées de Ion
Altessfe Serenissime. On trouvera peu d'exemples d'honneurs aussi grands rendus
par un Souverain au seul merite d'un particulier, Ces honneurs furent couronnez