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https://doi.org/10.11588/diglit.73757#0031
SEBASTIEN LE NAIN
DE TILLEMONT
I la vertu nétoit estimable que par la peine qu'il y a toujours à
l'acquerir , celuy dont je vais parler ne meriteroit pas beaucoup
de louanges d'avoir été un des plus vertueux hommes de son sie-
cle. Il naquit avec un naturel si heureux, de parens remplis de
bonnes qualitez, &il en receut une si sainte éducation , qu'il luy
auroit été plus difficile de contrarier des défauts que d'acquérir des vertus hé-
réditaires dans sa famille.
Monsieur le Nain de Tillemont , fils de Monsieur le Nain Maître des Re-
questes , & de Dame Marie le Ragois , naquit à Paris le 50. May 1637. Dieu
luy donna le meilleur naturel & les plus belles inclinations qu'on pouvoir dési-
rer en un jeune homme. Dés son enfance il eut pour partage la docilité , la
sagesse , & la modestie. Son esprit n'avoit point cet enjouement qui ne s'acquiert
que dans le commerce du monde, dont il eut soin de s'éloigner toujours ; mais
il étoit vif, juste, & pénétrant.
L’éducation vrayment chrétienne qu'il receut des plus habiles Maîtres dans
les belles Lettres, disposa parfaitement son esprit pour la Theologie , ou avec
le temps il se rendit très-habile par son travail & par ses études. Il n'eut pas d'at-
trait pour la Scolastique , & il aima mieux chercher les fondemens de sa foy
dans les sources mêmes, c’est-à-dire dans l'Ecriture sainte & dans les Peres. Cette
levure qu'il commença à l'âge de 18. ans, luy donna la pensée de recueillir ce
qu'il trouveroit sur les Apôtres. Et comme la méthode d'Usserius dans ses Annales
sacrées luy avoit beaucoup plu , il prit là-dessus le plan de son travail , & enché-
rit encore sur l'exactitude de cet Auteur. Il montra son essay aux personnes qui
le conduisoient dans ses études , & qui surpris de ce nouveau genre d'écrire,luÿ
conseillerent de continuer le même travail sur l'histoire des premiers siecles de
l'Eglise. La connexion qu'a l'histoire de l'Empire avec celle de l'Eglise , l'obligea
de s'appliquer également à la recherche de l'une & de l'autre. La solidité d'une
critique judicieuse, qui luy étoit comme naturelle , la justesse d'un diseernement
très-fin , une exactitude à laquelle rien n'èchapoit , & par dessus tout , un ardent
amour de la veritè le rendirent très-habile en peu de temps. Il fut bientôt par-
my les Sçavans comme l'Oracle qu'il falloir consulter sur l'histoire de ces pre-
miers temps , & le public luy est particulièrement redevable des ouvrages de
plusieurs grands hommes , qui en ont traite differentes parties ; car c'est sur ses
Mémoires qu'ont ète composées les vies de Tertullien & d'Origene, de saint
Athanase , de saint Basile , de saint Gregoire de Nazianze, & de saint Ambroise.
Ceux qui ont travaille' à la traduction des ouvrages de saint Cyprien , &aux der-
nieres éditions de S. Hilaire , de S. Augustin , & de S. Paulin , ont tiré aussi de
grands secours des histoires de cesSaints qu'il leur communiquai il leur a sur tout
beaucoup servi pour la critique & le diseernement des vrais ouvrages de ces Pe-
res d'avec ceux qui leur sont supposez, & pour leur arrangement sélon l'ordre
chronologique. Il interrompit durant quelque temps son travail sur les premiers
DE TILLEMONT
I la vertu nétoit estimable que par la peine qu'il y a toujours à
l'acquerir , celuy dont je vais parler ne meriteroit pas beaucoup
de louanges d'avoir été un des plus vertueux hommes de son sie-
cle. Il naquit avec un naturel si heureux, de parens remplis de
bonnes qualitez, &il en receut une si sainte éducation , qu'il luy
auroit été plus difficile de contrarier des défauts que d'acquérir des vertus hé-
réditaires dans sa famille.
Monsieur le Nain de Tillemont , fils de Monsieur le Nain Maître des Re-
questes , & de Dame Marie le Ragois , naquit à Paris le 50. May 1637. Dieu
luy donna le meilleur naturel & les plus belles inclinations qu'on pouvoir dési-
rer en un jeune homme. Dés son enfance il eut pour partage la docilité , la
sagesse , & la modestie. Son esprit n'avoit point cet enjouement qui ne s'acquiert
que dans le commerce du monde, dont il eut soin de s'éloigner toujours ; mais
il étoit vif, juste, & pénétrant.
L’éducation vrayment chrétienne qu'il receut des plus habiles Maîtres dans
les belles Lettres, disposa parfaitement son esprit pour la Theologie , ou avec
le temps il se rendit très-habile par son travail & par ses études. Il n'eut pas d'at-
trait pour la Scolastique , & il aima mieux chercher les fondemens de sa foy
dans les sources mêmes, c’est-à-dire dans l'Ecriture sainte & dans les Peres. Cette
levure qu'il commença à l'âge de 18. ans, luy donna la pensée de recueillir ce
qu'il trouveroit sur les Apôtres. Et comme la méthode d'Usserius dans ses Annales
sacrées luy avoit beaucoup plu , il prit là-dessus le plan de son travail , & enché-
rit encore sur l'exactitude de cet Auteur. Il montra son essay aux personnes qui
le conduisoient dans ses études , & qui surpris de ce nouveau genre d'écrire,luÿ
conseillerent de continuer le même travail sur l'histoire des premiers siecles de
l'Eglise. La connexion qu'a l'histoire de l'Empire avec celle de l'Eglise , l'obligea
de s'appliquer également à la recherche de l'une & de l'autre. La solidité d'une
critique judicieuse, qui luy étoit comme naturelle , la justesse d'un diseernement
très-fin , une exactitude à laquelle rien n'èchapoit , & par dessus tout , un ardent
amour de la veritè le rendirent très-habile en peu de temps. Il fut bientôt par-
my les Sçavans comme l'Oracle qu'il falloir consulter sur l'histoire de ces pre-
miers temps , & le public luy est particulièrement redevable des ouvrages de
plusieurs grands hommes , qui en ont traite differentes parties ; car c'est sur ses
Mémoires qu'ont ète composées les vies de Tertullien & d'Origene, de saint
Athanase , de saint Basile , de saint Gregoire de Nazianze, & de saint Ambroise.
Ceux qui ont travaille' à la traduction des ouvrages de saint Cyprien , &aux der-
nieres éditions de S. Hilaire , de S. Augustin , & de S. Paulin , ont tiré aussi de
grands secours des histoires de cesSaints qu'il leur communiquai il leur a sur tout
beaucoup servi pour la critique & le diseernement des vrais ouvrages de ces Pe-
res d'avec ceux qui leur sont supposez, & pour leur arrangement sélon l'ordre
chronologique. Il interrompit durant quelque temps son travail sur les premiers