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DOCTEUR EN THEOLOGIE
de la Maison de Navarre.
Lyaeu des siecles où l'ignorance estoit si grande p
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& même parmi la plupart de ceux qui passoient alors pour sça-
vans , qu'on ne faisoit aucun scrupule de forger des histoires en-
tièrement fausses , pourvu que ce fût dans l'intention d’exciter
ou d'augmenter la pieté des fideles. Dans ce même tems on se
faisoit par tout un si grand honneur d'avoir pour Patron de sa Province ou de
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son Eglise , un Saint du temps des A pôtres , ou du moins des premiers Disciples ,
qu'il n'y a point de fables qu'on n'inventât pour s'en donner un de cette qualité.
De ces deux sources est venu ce mêlange affreux de vérité & de mensonge qui
se trouve dans la vie d'un grand nombre de Saints: Abus qu’on ne sçauroit trop
déplorer par 1'occasion qu'il donne aux Libertins de douter des choies les pl us
certaines & les plus vrayes , & aux Heretiques de nous insulter sur la foy de nos
Traditions. On ne peut donnertrop de loüanges aux sçavans hommes qui se sont
appliquez à démêler dans ces histoires le faux d'avec le vray,&à retrancher
des pieuses creances celles dont les fondemens ne peuvent subsister avec une
exaàe connoissance de l'Histoire Ecclesiastique. Entre ceux qui se sont dévouez
à ce travail , & qui ont rendu à l'Eglise un service si considerable ; on n'en trou-
vera point qui s'y soit porté avec plus de zele & avec plus de succés, que celuy
Jean de Launoy Docteur en Théologie de la Maison de Navarre , nâquit
dans le Diocese de Coutance le 21. Decembre 1605. &: fut élevé aux études à
Coutance même par Guillaume de Launoy son Oncle , Promoteur dans l'Offi-
cialité de l’Eglise de cette Ville. Il vint ensuite à Paris , où il se rendit très-ha-
bile , & particulièrement en Theologie , dont il fut fait Docteur en l'année 16;^
11 étoit extrêmement laborieux, & sur tout d'une sagacité inconcevable pour
démêler la verité d’avec le mensonge , de quelques voiles de vraisemblance
qu'on s'esforçât de le cacher. Il avoir une droiture d’esprit admirable , qui ne par-
donnoit aucune fausse démarche à ceux qui disputoient contre luy ; & lors qu'ils
étoient tombez, il les relevoit avec une grâce & une adresse qui luy étoit toute
particuliere. Il n'y a point eu de sede de Philosophes dont il n'ait sceu parfaite-
ment les dogmes & les principes, & tout ce qui se peut dire pour Soutenir ou
pour combattre leurs opinions. Son desintereSfement a esté sans égal, & il a
abandonné tout son patrimoine à ses Freres & à ses Neveux. Il refusa des Cures
considerables , parce qu'il n'avoit pas assez de voix pour fournir au chant de
l'Eglise , ny le talent de prêcher au peuple , ce qu'il croyoit absolument necessaire
pour remplir dignement les fondions de ce ministere. Je me trouverois fort bien
de l'Eglise , disoitil , mais l’Eglise ne se trouveroit pas bien de moy. Quoique l'é¬
tude de la Theologie soit d'une étendue prodigieuse , il n’en negligea pas une
seule partie ;il lût tous les Peres & tous les Auteurs tant anciens que modernes
qui traittent de matieres Theologiques, sans même en excepter qu'
elques-uns