JEAN DE LA QUINTINIE,
DIRECTEUR DE TOUS LES JARDINS FRUITIERS
& Potagers du Roy.
'Est assurément un très-grand avantage pour réunir dans uné
Profession, que d'estre né de parens qui l'ont exercée , ou qui l'e¬
xercent avec succés. Les preceptes alors se pratiquent presque sans
1 peine ; & pour peu qu'on joigne de nouvelles connoissances à cel-
les dont on herite , il est comme impossible de ne pas exceller au
dessus des autres. Il arrive souvent neanmoins que lors que des hommes d'un
genie extraordinaire , & que leur naissance destinoit à quelque chose de plus
élevé , se trouvent comme entraisnez par leur inclination naturelle à des pro-
férions au dessous d'eux, ils y font un progrès bien plus considerable , tant il
est vray que la vocation de la Nature , si cela se peut dire , vaut encore mieux
que celle de la naissance & de la destination des parens.
Jean de la Quintinie nâquit prés de Poitiers en l'année 1626. & fit ses Estu-
des au College des Jesuites de cette Ville; Aussi-tost qu'il eut achevé son cours
de Philosophie, & pris quelques Leçons de Droit, il vint à Paris se faire re-
cevoir Advocat. Il estoit naturellement éloquent -, l'Art qu'il joignit à cet heu-
reux don de la naissance luy acquit en peu de temps beaucoup de réputation
dans le Barreau, &une estime singuliere dans l'esprit des premiers Magistrats.
Monsieur Tambonneau President en la Chambre des Comptes , informé de
son merite souhaita de le voir , & crut ne pouvoir procurera son fils , qu'il aimoït
tendrement,un plus grand avantage que de le mettre sous la conduite d'un aussi
habile homme -, ce qu'il fit en luy donnant des appointemens considerables. Quoy
que cet Employ luy laissast peu de temps dont il pust disposer , il en trouva nean-
moins pour satisfaire à la paslion qu'il avoir pour l'Agriculture. Il se mit donc à
lire Columelle, Varron, Virgile , & tous les autres anciens Auteurs qui ont traité
de cette matiere, & tout ce qu'en ont écrit les Modernes;en sorte qu'il s acquit
toute la Theorie qu'alors on pouvoit avoir de ce bel Arc
Il fit dans ce temps-là un voyage en Italie avec Monsieur Tambonneau sort
Disciple, oùla veuë de ce qui s'y pratique dans le Jardinage luy fit faire enco-
re une infinité de réssexions tres-curieules & tres-utiles. Il ne luy manquoit plus
que de joindre à cette Theorie l'experience & la pratique; ce qu'il fit dés qu'il fut
de retour à Paris. Monsieur Tambonneau luy abandonna entierement le Jardin
de sa maison , où il planta tout ce qu'il voulut. Il fit un grand nombre d'expé-
riences , avant que de se déterminer. Pour bien connoistre comment la Nature
opere dans la production des racines , il planta en un mesme jour plusieurs ar-
bres de la mesme espece, & ensuite il les arracha tous l'un après l'autre de huit
jours en huit jours , pour voir le commencement, le progrès, & l'accomplisTe-
ment de la production des racines. Il apprit ce qu'on ne sçavoit pas encore , qu'urt
arbre transplantè ne prend de nourriture que par les racines qu'il a poussèes de-
puis qu'il est replante , & qui sont comme autant de bouches par où il attire
l'humeur nourricière de la terre , & nullement par les petites racines qu'on luy 4
DIRECTEUR DE TOUS LES JARDINS FRUITIERS
& Potagers du Roy.
'Est assurément un très-grand avantage pour réunir dans uné
Profession, que d'estre né de parens qui l'ont exercée , ou qui l'e¬
xercent avec succés. Les preceptes alors se pratiquent presque sans
1 peine ; & pour peu qu'on joigne de nouvelles connoissances à cel-
les dont on herite , il est comme impossible de ne pas exceller au
dessus des autres. Il arrive souvent neanmoins que lors que des hommes d'un
genie extraordinaire , & que leur naissance destinoit à quelque chose de plus
élevé , se trouvent comme entraisnez par leur inclination naturelle à des pro-
férions au dessous d'eux, ils y font un progrès bien plus considerable , tant il
est vray que la vocation de la Nature , si cela se peut dire , vaut encore mieux
que celle de la naissance & de la destination des parens.
Jean de la Quintinie nâquit prés de Poitiers en l'année 1626. & fit ses Estu-
des au College des Jesuites de cette Ville; Aussi-tost qu'il eut achevé son cours
de Philosophie, & pris quelques Leçons de Droit, il vint à Paris se faire re-
cevoir Advocat. Il estoit naturellement éloquent -, l'Art qu'il joignit à cet heu-
reux don de la naissance luy acquit en peu de temps beaucoup de réputation
dans le Barreau, &une estime singuliere dans l'esprit des premiers Magistrats.
Monsieur Tambonneau President en la Chambre des Comptes , informé de
son merite souhaita de le voir , & crut ne pouvoir procurera son fils , qu'il aimoït
tendrement,un plus grand avantage que de le mettre sous la conduite d'un aussi
habile homme -, ce qu'il fit en luy donnant des appointemens considerables. Quoy
que cet Employ luy laissast peu de temps dont il pust disposer , il en trouva nean-
moins pour satisfaire à la paslion qu'il avoir pour l'Agriculture. Il se mit donc à
lire Columelle, Varron, Virgile , & tous les autres anciens Auteurs qui ont traité
de cette matiere, & tout ce qu'en ont écrit les Modernes;en sorte qu'il s acquit
toute la Theorie qu'alors on pouvoit avoir de ce bel Arc
Il fit dans ce temps-là un voyage en Italie avec Monsieur Tambonneau sort
Disciple, oùla veuë de ce qui s'y pratique dans le Jardinage luy fit faire enco-
re une infinité de réssexions tres-curieules & tres-utiles. Il ne luy manquoit plus
que de joindre à cette Theorie l'experience & la pratique; ce qu'il fit dés qu'il fut
de retour à Paris. Monsieur Tambonneau luy abandonna entierement le Jardin
de sa maison , où il planta tout ce qu'il voulut. Il fit un grand nombre d'expé-
riences , avant que de se déterminer. Pour bien connoistre comment la Nature
opere dans la production des racines , il planta en un mesme jour plusieurs ar-
bres de la mesme espece, & ensuite il les arracha tous l'un après l'autre de huit
jours en huit jours , pour voir le commencement, le progrès, & l'accomplisTe-
ment de la production des racines. Il apprit ce qu'on ne sçavoit pas encore , qu'urt
arbre transplantè ne prend de nourriture que par les racines qu'il a poussèes de-
puis qu'il est replante , & qui sont comme autant de bouches par où il attire
l'humeur nourricière de la terre , & nullement par les petites racines qu'on luy 4