ABRAHAM DU QUESNE
LIEUTENANT GENERAL DES ARME'ES NAVALES
de France.
L seroit mal-aile de décider qui de la Nature ou de l'Art a le plus
contribué à rendre illustre l'excellent homme dont je vais parler,
il estoit d'une constitution forte & robuste, à l'épreuve des plus ru-
des travaux de la Mer & de la Guerre, d'un esprit vif, qui démessoic
sans peine ce qu'il y avoir de bon dans chaque chose , & qui sçavoic
profiter de tous les bons exemples. Il sceut l'art de naviguer & de combattre sur
la Mer dans toutes ses parties , en sorte qu'il n'y avoit aucun Officier dans un
Vaissfeau, qui ne le reconnût plus entendu que luy-mesme dans la fonction de
sa propre Charge, ll nâquit en Normandie en l'année1610. d'une Famille no-
ble, habituée depuis long-temps dans cette Province. Son pere qui se nommoit
comme luy Abraham du Quesne , estoit un Capitaine de réputation dans les
Armées Navales , qui ayant esté envoyé en Suede par le Roy Louis XIII. pour
quelques affaires de la Marine, fut pris à son retour par les Espagnols dans un
combat inégal, où il receut une blesTure dont il mourut à Dunkerque en l'an-
née 1655. Ce fut sous luy que son fils commença d'apprendre le métier de la
Guerre. Car en X627. dans le temps que le Roy projettoit dassiegerla Rochelle,
le pere qui estoit Huguenot ayant demandé de ne pas servir sur des Vaisseaux
que l'on destinoit pour attaquer cette Place, & ayant esté envoyé ailleurs, le fils
qui n'avoit encore que 17. ans commanda un de ces Vaisseaux , où il combla
de joye son pere par des allions de valeur & de prudence au dessus de son âge.
Comme il a servi le Roy pendant soixante années sans diseontinuation, & qu'il
a passé par toutes les Charges depuis celle de Capitaine jusqu'à celle de Lieu^
tenant General , il seroit impossible de rapporter icy toutes les occasions où
il s'est signalé. Il suffîra de remarquer les principales. En l'année 1637. il '' des
premiers à l'attaque des Isles de Sainte Marguerite. En 1638. il le trouva au com-
bat qui se donna contre l'Armée Navale d'Espagne devant Gattari, où il con-
tribua beaucoup à la retraite de cette Armée. En 1639. il receut un coup de
mousquet à la prise de Rede , & du Port de Saint Antonis. Il fut encore dan-
gereusement blessé devant Tarragone en 1641. & devant Barcelone en 1642.
lors que Perpignan fut pris. Il le fut encore en 1643. à la bataille qui se don-
na au Cap de Gattes contre l'Armée d'Espagne. L'année suivante il alla servir
en Suede, où son nom estoit déja connu à cause des services que son pere y
avoit rendus. 11 fut fait d'abord Major General de l'Armée Navale , & ensui-
te Vice-Amiral. C'est en cette qualité qu'il servit le jour de la fameuse bataille
où les Danois furent défaits entièrement, & ce fut luy deuxième qui aborda &
prit leur Vaissfeau Amiral , où dans le choc furieux qui se fit, le General de l'Ar-
mée Danoise fut tué. Le Roy de Dannemark y auroit esté fait prisonnier , si ce
Prince qui fut blessé à l'œil d'un éclat de bois en pointant un canon la veille de
labataille , n'eust pas esté obligé de sortir de ce Vaissfeau à cause de sa blessure.
Monsieur du Quesne fut rappelle en France en 1647. Cette année & la sui-
LIEUTENANT GENERAL DES ARME'ES NAVALES
de France.
L seroit mal-aile de décider qui de la Nature ou de l'Art a le plus
contribué à rendre illustre l'excellent homme dont je vais parler,
il estoit d'une constitution forte & robuste, à l'épreuve des plus ru-
des travaux de la Mer & de la Guerre, d'un esprit vif, qui démessoic
sans peine ce qu'il y avoir de bon dans chaque chose , & qui sçavoic
profiter de tous les bons exemples. Il sceut l'art de naviguer & de combattre sur
la Mer dans toutes ses parties , en sorte qu'il n'y avoit aucun Officier dans un
Vaissfeau, qui ne le reconnût plus entendu que luy-mesme dans la fonction de
sa propre Charge, ll nâquit en Normandie en l'année1610. d'une Famille no-
ble, habituée depuis long-temps dans cette Province. Son pere qui se nommoit
comme luy Abraham du Quesne , estoit un Capitaine de réputation dans les
Armées Navales , qui ayant esté envoyé en Suede par le Roy Louis XIII. pour
quelques affaires de la Marine, fut pris à son retour par les Espagnols dans un
combat inégal, où il receut une blesTure dont il mourut à Dunkerque en l'an-
née 1655. Ce fut sous luy que son fils commença d'apprendre le métier de la
Guerre. Car en X627. dans le temps que le Roy projettoit dassiegerla Rochelle,
le pere qui estoit Huguenot ayant demandé de ne pas servir sur des Vaisseaux
que l'on destinoit pour attaquer cette Place, & ayant esté envoyé ailleurs, le fils
qui n'avoit encore que 17. ans commanda un de ces Vaisseaux , où il combla
de joye son pere par des allions de valeur & de prudence au dessus de son âge.
Comme il a servi le Roy pendant soixante années sans diseontinuation, & qu'il
a passé par toutes les Charges depuis celle de Capitaine jusqu'à celle de Lieu^
tenant General , il seroit impossible de rapporter icy toutes les occasions où
il s'est signalé. Il suffîra de remarquer les principales. En l'année 1637. il '' des
premiers à l'attaque des Isles de Sainte Marguerite. En 1638. il le trouva au com-
bat qui se donna contre l'Armée Navale d'Espagne devant Gattari, où il con-
tribua beaucoup à la retraite de cette Armée. En 1639. il receut un coup de
mousquet à la prise de Rede , & du Port de Saint Antonis. Il fut encore dan-
gereusement blessé devant Tarragone en 1641. & devant Barcelone en 1642.
lors que Perpignan fut pris. Il le fut encore en 1643. à la bataille qui se don-
na au Cap de Gattes contre l'Armée d'Espagne. L'année suivante il alla servir
en Suede, où son nom estoit déja connu à cause des services que son pere y
avoit rendus. 11 fut fait d'abord Major General de l'Armée Navale , & ensui-
te Vice-Amiral. C'est en cette qualité qu'il servit le jour de la fameuse bataille
où les Danois furent défaits entièrement, & ce fut luy deuxième qui aborda &
prit leur Vaissfeau Amiral , où dans le choc furieux qui se fit, le General de l'Ar-
mée Danoise fut tué. Le Roy de Dannemark y auroit esté fait prisonnier , si ce
Prince qui fut blessé à l'œil d'un éclat de bois en pointant un canon la veille de
labataille , n'eust pas esté obligé de sortir de ce Vaissfeau à cause de sa blessure.
Monsieur du Quesne fut rappelle en France en 1647. Cette année & la sui-