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JEAN BAPTISTE COLBERT,
MARQUIS DE SEIGNELAY.
L estoit fils aisné de Mre Jean Baptiste Colbert Ministre & Secret
taire d'Etat, dont il a esté parlé dans le premier Volume. Après
qu'il eut fait ses Estudes , son pere qui au milieu des plus grandes
affaires dont il estoit chargé, avoir une application continuelle à
l'éducation de ses enfans , le fit voyager en Italie & en Angle-
terre, pour commencer à former son esprit qui promettoit déja beaucoup, en
attendant qu'il pust achever luy-mesme de l'instruire autant par ses avis que par
son exemple. Quelque temps après son retour le Roy luy accorda la Charge de
Secrétaire d'Etat en survivance de son pere, qui commença d'abord à se déchar-
ger sur luy d'une partie du détail de la Marine. Ayant un esprit superieur, une
grande mémoire, une facilité merveilleuse à concevoir , à parler & à écrire , les
instru&ions d'un tel pere le mirent bien-tost en estat de soustenir luy mesme,
avec une extrême capacité, le poids de toutes les affaires de la Mer. Quoy que
l'application avec laquelle il s'y attacha eust donné lieu à un grand nombre de
découvertes importantes , pour rendre la Marine aussi utile qu'elle l'a esté dans
la suite, son grand genie parut encore davantage lors que succedant à Mr Colbert
il eut à maintenir le bon ordre, la discipline, &tant de beaux establissemens qu'il
trouva commencez.
Le Roy ayant resolu de chastier les Genois, & l'entreprise paroissant tres-diÆ^
cile à executer, M1 de Seignelay fut chargé de ses ordres, avec un pouvoir le plus
ample qu'on puissfe donner à un Ministre , il exécuta ce qui avoit paru imposfc
ble, & le Doge avec quatre Sénateurs furent obligez de venir faire leurs soumis-
sions à S. M. & de recevoir les conditions qu'elle voulut leur accorder.
Les Corsaires de Tripolis & ceux de Tunis avoient, contre la foy des Traitez,
pris quelques Vaissfeaux François qui negocioient sans précaution, & il estoit de
l'honneur & de l'interest de la Nation que leur insolence ne demeurast pas im^
punie. Le Roy conceut le derfein de les faire attaquer, & il chargea le Marquis
de Seignelay de l'execution. Les ordres de S, M. furent executez avec tant de
succés, que ces deux Republiques furent obligées à demander la Paix, & à l'accep-
ter telle que S. M. la leur imposa, & à restituer l'une cinq cens mille livres, & l'au-
tre deux cens quarante mille livres pour le dédommagement des François.
Les Corsaires d'Alger, dont la Ville avoit esté bombardée en 1685. furent con«
traints cette mesme année de demander la Paix au Roy, pour éviter le nouveau
malheur qui les menaçoit.
Le Conseil d'Espagne avoit fait saisir,dans les Indes Occidentales, les marchan-
dises achetées des François. Le Roy prévoyant les suites dangereuses de cette vio-
lence, commanda au Marquis de Seignelay de faire armer quarante Vaisseaux
pour obliger les Espagnols à rendre justice aux François. L'affaire fut conduite
avec tant de prudence & de vigueur, que sans allarmer les autres Puissances de
l'Europe, qui estoit alors dans une profonde paix , les Espagnols rendirent quinze
cens mille livres à quoy montoit la saisie des effets des Marchands, & elles furent
distribuées aux Interessez avec une entiere fidelité ; le Roy s'estant contenté de
N
JEAN BAPTISTE COLBERT,
MARQUIS DE SEIGNELAY.
L estoit fils aisné de Mre Jean Baptiste Colbert Ministre & Secret
taire d'Etat, dont il a esté parlé dans le premier Volume. Après
qu'il eut fait ses Estudes , son pere qui au milieu des plus grandes
affaires dont il estoit chargé, avoir une application continuelle à
l'éducation de ses enfans , le fit voyager en Italie & en Angle-
terre, pour commencer à former son esprit qui promettoit déja beaucoup, en
attendant qu'il pust achever luy-mesme de l'instruire autant par ses avis que par
son exemple. Quelque temps après son retour le Roy luy accorda la Charge de
Secrétaire d'Etat en survivance de son pere, qui commença d'abord à se déchar-
ger sur luy d'une partie du détail de la Marine. Ayant un esprit superieur, une
grande mémoire, une facilité merveilleuse à concevoir , à parler & à écrire , les
instru&ions d'un tel pere le mirent bien-tost en estat de soustenir luy mesme,
avec une extrême capacité, le poids de toutes les affaires de la Mer. Quoy que
l'application avec laquelle il s'y attacha eust donné lieu à un grand nombre de
découvertes importantes , pour rendre la Marine aussi utile qu'elle l'a esté dans
la suite, son grand genie parut encore davantage lors que succedant à Mr Colbert
il eut à maintenir le bon ordre, la discipline, &tant de beaux establissemens qu'il
trouva commencez.
Le Roy ayant resolu de chastier les Genois, & l'entreprise paroissant tres-diÆ^
cile à executer, M1 de Seignelay fut chargé de ses ordres, avec un pouvoir le plus
ample qu'on puissfe donner à un Ministre , il exécuta ce qui avoit paru imposfc
ble, & le Doge avec quatre Sénateurs furent obligez de venir faire leurs soumis-
sions à S. M. & de recevoir les conditions qu'elle voulut leur accorder.
Les Corsaires de Tripolis & ceux de Tunis avoient, contre la foy des Traitez,
pris quelques Vaissfeaux François qui negocioient sans précaution, & il estoit de
l'honneur & de l'interest de la Nation que leur insolence ne demeurast pas im^
punie. Le Roy conceut le derfein de les faire attaquer, & il chargea le Marquis
de Seignelay de l'execution. Les ordres de S, M. furent executez avec tant de
succés, que ces deux Republiques furent obligées à demander la Paix, & à l'accep-
ter telle que S. M. la leur imposa, & à restituer l'une cinq cens mille livres, & l'au-
tre deux cens quarante mille livres pour le dédommagement des François.
Les Corsaires d'Alger, dont la Ville avoit esté bombardée en 1685. furent con«
traints cette mesme année de demander la Paix au Roy, pour éviter le nouveau
malheur qui les menaçoit.
Le Conseil d'Espagne avoit fait saisir,dans les Indes Occidentales, les marchan-
dises achetées des François. Le Roy prévoyant les suites dangereuses de cette vio-
lence, commanda au Marquis de Seignelay de faire armer quarante Vaisseaux
pour obliger les Espagnols à rendre justice aux François. L'affaire fut conduite
avec tant de prudence & de vigueur, que sans allarmer les autres Puissances de
l'Europe, qui estoit alors dans une profonde paix , les Espagnols rendirent quinze
cens mille livres à quoy montoit la saisie des effets des Marchands, & elles furent
distribuées aux Interessez avec une entiere fidelité ; le Roy s'estant contenté de
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