Perrault, Charles; Dezallier, Antoine [Oth.]: Les Hommes Illustres Qui Ont Paru En France pendant ce Siecle: Avec leurs Portraits au naturel (Band 2) (A Paris: Chez Antoine Dezallier, 1700)

42 CLAUDE BERBIER DU METZ, LIEUTENANT GENERAL, &c.
1671. Sa Majesté y ajouta la Picardie, la Lorraine , & le Luxembourg. La Guerre
qui commença en 1671. contre les Hollandois , luy fournit des occasions de
se signaler, ayant commandé l'Artillerie dans tous les Sieges considerables qui
se firent pendant les sept années de cette Guerre.
Il se distingua particulièrement au Siege de Mastric en 1678, à la bataille de
Senef où il fut blessé, au Siege de Cambray & à celuy de Valenciennes, où il
fut le premier Officier General qui entra dans cette Place , qui fit mettre bas les
Armes à la Garnison, & qui fit prisonnier le Comte de Lumbre & sept ou huit
personnes de qualité, dont il sauva les chevaux & les équipages. Il commanda
l'Artillerie aux Sieges de Gand & d'Ypres , & enfin à la Bataille de Saint Denis ,
qui a esté la derniere action de cette Guerre; il y fut blessé de deux coups de
mousquet à la cuisse.
Il fut fait Mareschal de Camp en 1676. & ayant donné des preuves extraor-
dinaires de sa valeur & de sa capacité dans le service & le commandement de
l'Artillerie, il la mit dans un estat où elle n'avoit jamais esté, la faisant servir
presque avec la mesme diligence que la Mousqueterie. Le Roy luy ordonna de
rester en Flandres, pour y faire les fondions de Lieutenant General de l'Artil-
lerie dans toutes les Provinces de son département, & luy donna pour cet effet
le Gouvernement de la Citadelle de l'Isse, l'une des plus belles & des plus im-
portantes du Royaume. En 1684. le Roy luy donna le Gouvernement de la Ville
& du Chasteau de Gravelines, & de tous les Forts qui en dépendent.
En 1688. le Roy le fit Lieutenant General de ses Armées. Il servit en l'année
1689. dans l'Armée commandée par Monsieur le Mareschal d'Humieres , & en
l'année 1690. dans celle qui fut commandée par Monsieur le Mareschal de Lu-
xembourg. Ce fut dans cette Campagne que se donna la fameuse Bataille de
Fleurus, où celuy dont je parle s'acquittant de son devoir avec peut-estre un peu
trop de chaleur, & poursuivant les Ennemis à toute outrance, fut tué d'un coup
de mousquet dans la teste. Il fut pleuré des siens , regretté des Soldats , des Of-
ficiers, & du Roy mesme, qui parla ainsi à Monsieur du Metz son frere, alors
Garde du Tresor Royal, & presentement President à la Chambre des Comptes :
Vous perdes beaucoup , luy dit Sa Majesté, mais je perds encore davantage, par la diffi-
culté que j'auray a remplir cette place..
Un jour Madame la Dauphine l'ayant apperceu au disner du Roy, elle dit
tout bas à Sa Majesté : Voila un homme qui est bien laid ; & moy , dit le Roy , je le
trouve bien beau ; c'est un des plus braves hommes de mon Royaume.
Comme il estoit bon , humain, honneste, & faisant du bien à tout le monde,
particuliérement aux Communautez de Religieux & de Religieuses, & à tous
les Ecclesiastiques qu'il garantisfoit & mettoit à couvert , autant qu'il luy estoit
possible, des desordres des Gens de Guerre, il n'est pas croyable à quel point il
estoit aimé dans toute la Flandre , mesme dans la Flandre Éspagnole, dont les
Gouverneurs avoient pour luy toute l'honnesteté & tous les égards imaginables.
Il estoit tres-regulier dans la conduite de sa vie & de ses mœurs, tres-charita-
ble envers les pauvres, & particulierement envers les pauvres Soldats. On a re-
marqué que malgré la licence que permet la Guerre, il n'a jamais souffert qu'on
se soit dispensé chez luy de l'abstinence des viandes aux jours que l'usage en est
défendu par l'Eglise.