4 L'ART.
de notre ère, L. Ampelius1, les auteurs anciens sont muets sur l'autel de Pergame. Encore
l'auteur du Liber memorialis se borne-t-il à le mentionner sèchement, sans faire aucune allusion
à la date où il fut élevé. C'est donc au monument lui-même, et aux faits connus de l'histoire
locale qu'il a fallu demander la solution du problème. Tout d'abord on ne pouvait songer qu'à la
période la plus brillante de cette histoire, à celle qui s'étend du règne d'Attale 1er à la mort
d'Attale III (242-133 av. J.-C). Les victoires d'Attale Ier et de son successeur Eumène II sur
les remuantes tribus gauloises établies en Asie Mineure, et sur Antiochos Hiérax, avaient assuré
l'indépendance du royaume nouvellement fondé. Des monuments s'élèvent sur l'Acropole en
souvenir de ces triomphes. C'est ainsi qu'après une victoire remportée sur les bords du Kaïkos,
Attale Ier, le premier roi de Pergame, consacre un monument votif, dont la base a été retrouvée
dans les fouilles. Une autre base, montrant par deux fois une signature d'artiste mutilée, celle
d'Isigonos ou d'Antigonos, avait supporté un groupe en bronze, exécuté par l'ordre d'Attale 1er,
et rappelant la défaite des Galates ; c'est le groupe auquel fait allusion un passage de Pline2.
Même activité artistique sous Eumène II. Au retour d'une expédition contre le roi de Sparte
Nabis, un ex-voto à Zeus et à Athéna est élevé sur l'Acropole. Enfin Attale II n'est pas en
reste avec ses prédécesseurs : une dédicace de statue en l'honneur de sa mère Apollonis, un
groupe consacré en souvenir d'une guerre faite en commun avec les Romains, montrent que lui
aussi avait laissé sur le rocher de l'Acropole des traces de son règne. Auquel de ces trois princes
pouvait-on attribuer la construction de l'autel? Un passage de Strabon3 signale Eumène II comme
celui des Attalides qui a le plus contribué à embellir sa capitale. La présomption en faveur de
ce prince se trouve justifiée, d'une façon inattendue, par l'ingénieuse étude à laquelle M. Conze
s'est livré sur les inscriptions de l'autel'1. Nous avons déjà parlé des noms des dieux et des
Géants gravés sur les moulures de la frise et de la plinthe inférieure : c'étaient, avec un mot
insignifiant provenant d'une signature d'artiste, et répété deux fois, les seuls fragments épigra-
phiques qui eussent appartenu à l'autel. Néanmoins, la forme des lettres offrait à un œil exercé
de précieux indices, et d'autre part les inscriptions datées des règnes des différents princes
attalides présentaient des ternies de comparaison certains. En tenant compte des variations de
l'écriture, M. Conze a pu rétablir la date du monument avec une singulière précision. Rappro-
chées des dédicaces gravées sous Eumène II, les inscriptions de l'autel accusent l'emploi des
mêmes formes épigraphiques : c'est un caractère de transition entre les lettres inégales
employées sous Attale Ier, et les lettres plus régulières, plus enjolivées, qui sont en usage dans
l'écriture lapidaire au temps d'Attale IL L'autel de Zeus et d'Athéna a donc été construit sous
le règne d'Eumène II, entre les années 197 et i5g, alors que la puissance des Attalides, alliés
aux Romains, paraissait assurée pour un long avenir, et que le royaume de Pergame, dont les
frontières étaient reculées jusqu'au Taurus, avait tout l'éclat d'une grande monarchie asiatique.
On peut même aller plus loin, avec M. Conze, et déterminer les circonstances qui ont provoqué
1. « Pergamo ara marmorea magna, alta pedes quadraginta, cum maximis figuris; continet (ou continent) autem Gigantomachiam. »
Liber memorialis, cap. 8.
2. N. H., XXXIV, 84.
3. XIII, page C23.
4. A. Conze : Uebcr die Zeit der Erbauung des grossen Altars fM Perga non. Dans les comptes rendus des séances de l'Académie des
sciences de Berlin, 28 juillet 1881.
de notre ère, L. Ampelius1, les auteurs anciens sont muets sur l'autel de Pergame. Encore
l'auteur du Liber memorialis se borne-t-il à le mentionner sèchement, sans faire aucune allusion
à la date où il fut élevé. C'est donc au monument lui-même, et aux faits connus de l'histoire
locale qu'il a fallu demander la solution du problème. Tout d'abord on ne pouvait songer qu'à la
période la plus brillante de cette histoire, à celle qui s'étend du règne d'Attale 1er à la mort
d'Attale III (242-133 av. J.-C). Les victoires d'Attale Ier et de son successeur Eumène II sur
les remuantes tribus gauloises établies en Asie Mineure, et sur Antiochos Hiérax, avaient assuré
l'indépendance du royaume nouvellement fondé. Des monuments s'élèvent sur l'Acropole en
souvenir de ces triomphes. C'est ainsi qu'après une victoire remportée sur les bords du Kaïkos,
Attale Ier, le premier roi de Pergame, consacre un monument votif, dont la base a été retrouvée
dans les fouilles. Une autre base, montrant par deux fois une signature d'artiste mutilée, celle
d'Isigonos ou d'Antigonos, avait supporté un groupe en bronze, exécuté par l'ordre d'Attale 1er,
et rappelant la défaite des Galates ; c'est le groupe auquel fait allusion un passage de Pline2.
Même activité artistique sous Eumène II. Au retour d'une expédition contre le roi de Sparte
Nabis, un ex-voto à Zeus et à Athéna est élevé sur l'Acropole. Enfin Attale II n'est pas en
reste avec ses prédécesseurs : une dédicace de statue en l'honneur de sa mère Apollonis, un
groupe consacré en souvenir d'une guerre faite en commun avec les Romains, montrent que lui
aussi avait laissé sur le rocher de l'Acropole des traces de son règne. Auquel de ces trois princes
pouvait-on attribuer la construction de l'autel? Un passage de Strabon3 signale Eumène II comme
celui des Attalides qui a le plus contribué à embellir sa capitale. La présomption en faveur de
ce prince se trouve justifiée, d'une façon inattendue, par l'ingénieuse étude à laquelle M. Conze
s'est livré sur les inscriptions de l'autel'1. Nous avons déjà parlé des noms des dieux et des
Géants gravés sur les moulures de la frise et de la plinthe inférieure : c'étaient, avec un mot
insignifiant provenant d'une signature d'artiste, et répété deux fois, les seuls fragments épigra-
phiques qui eussent appartenu à l'autel. Néanmoins, la forme des lettres offrait à un œil exercé
de précieux indices, et d'autre part les inscriptions datées des règnes des différents princes
attalides présentaient des ternies de comparaison certains. En tenant compte des variations de
l'écriture, M. Conze a pu rétablir la date du monument avec une singulière précision. Rappro-
chées des dédicaces gravées sous Eumène II, les inscriptions de l'autel accusent l'emploi des
mêmes formes épigraphiques : c'est un caractère de transition entre les lettres inégales
employées sous Attale Ier, et les lettres plus régulières, plus enjolivées, qui sont en usage dans
l'écriture lapidaire au temps d'Attale IL L'autel de Zeus et d'Athéna a donc été construit sous
le règne d'Eumène II, entre les années 197 et i5g, alors que la puissance des Attalides, alliés
aux Romains, paraissait assurée pour un long avenir, et que le royaume de Pergame, dont les
frontières étaient reculées jusqu'au Taurus, avait tout l'éclat d'une grande monarchie asiatique.
On peut même aller plus loin, avec M. Conze, et déterminer les circonstances qui ont provoqué
1. « Pergamo ara marmorea magna, alta pedes quadraginta, cum maximis figuris; continet (ou continent) autem Gigantomachiam. »
Liber memorialis, cap. 8.
2. N. H., XXXIV, 84.
3. XIII, page C23.
4. A. Conze : Uebcr die Zeit der Erbauung des grossen Altars fM Perga non. Dans les comptes rendus des séances de l'Académie des
sciences de Berlin, 28 juillet 1881.