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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 3)

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Fleuron composé et dessiné pour «l'Art» par J. Haiiert-Dys.

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CCCXXVII

Amajone, par C. Vosmaer. Traduit du hollandais par E.
Gacon. Un volume in-18 jésus de 364 pages. Paris, Sandoz
et Thuillier, 4, rue de Tournon. — Neufchâtel, J. Sandoz.
— Genève, Desrogis. 1883.

Les critiques d'art se font romanciers. Après M. Chesneau
M. Burty, après M. Burty M. Vosmaer. Cela nous a valu trois
livres remarquables : la Chimère, Grave imprudence, Ama-
zone. Les auteurs naturellement, en composant leurs romans,
se sont donne' l'occasion d'expliquer leur esthétique particu-
lière. On peut même dire, sans trop de témérité, que c'est
surtout pour cela qu'ils ont écrit leurs livres. C'est une forme
particulière d'exposition, qui paraît avoir sur la forme directe
et didactique l'avantage de fournir à l'esprit du lecteur des
relais et des repos que beaucoup de personnes déclarent
nécessaires. Nous voyons en effet que cette forme du roman
est aujourd'hui très souvent employée à cet usage.

Malgré la théorie séduisante, mais en somme peu fondée,
qui prétend imposer à la littérature comme à la morale le
désintéressement absolu, j'avoue que je considère cet emploi
du roman comme absolument légitime. Je ne comprends pas
du tout pourquoi le roman serait exclusivement consacré à
peindre les passions de l'amour, de l'avarice, de l'ambition, etc.,
et pourquoi il n'aurait pas le droit de peindre la passion
des arts. Toute passion est également légitime pour le roman-
cier, à la seule condition d'être également intéressante pour
le public.

J'admets donc absolument le principe. Reste la manière de
l'appliquer. C'est là Pécueil. Il faut, pour que le principe soit
respecté, que l'action elle-même et les incidents dérivent de la
passion même de l'art et que celle-ci demeure le centre du
livre, comme l'avarice d'Harpagon est le centre de la comédie
de Molière, comme le caractère d'Alceste est le centre du
Misanthrope.

Or, c'est ce que je ne trouve ni dans la Chimère, ni dans
Grave imprudence, ni dans Amazone. Les trois romans ont
pour héros des artistes, dont les préoccupations habituelles
expliquent les développements du livre, mais tous trois ont
pour fondement et pour centre commun une passion qui ne se
rapporte pas plus à l'art que toute autre passion, l'amour. Il
en résulte un dédoublement regrettable entre la parole et

l'action : la parole est pour l'art, l'action pour l'amour ; de
telle sorte qu'il y a déception pour tout le monde. Les lecteurs
qui y cherchent un roman sont surpris, pour ne pas dire plus,
par de longs développements esthétiques, qui ne se rapportent
à la peinture de l'amour que par des liens factices ; ceux qui
y veulent trouver la pensée esthétique de l'auteur sautent
avec impatience les scènes d'amour qui interrompent mal à
propos les expositions d'idées.

C'est là le défaut de ce genre de conception. Il est très
difficile que le lecteur se trouve en disposition de passer indé-
finiment d'une scène amoureuse à une dissertation, et récipro-
quement. M. Vosmaer a ménagé les transitions avec un art
des plus délicats, mais il est à peu près impossible de fondre
assez complètement les deux genres de développements pour
qu'on ne sente pas les solutions de continuité. Il a eu beau
imprégner ses personnages de l'amour de l'art, au point que
tous leurs sentiments en prennent pour ainsi dire la couleur, il
n'a pas pu faire que l'amour d'une femme et l'amour d'une statue
soient une seule et même chose, et qu'il n'y ait pas par cela
même un désaccord sensible entre la parole et l'action, entre
le développement et le sujet.

Cela ne m'empêche pas de rendre pleine justice aux
mérites divers et très distingués de cet ouvrage, qui est en
ce moment traduit en français, en anglais et en allemand, et
qui trouve un égal succès en toutes ces langues. Mais pour
moi M. Vosmaer demeure, même après Amazone, l'incompa-
rable interprète de Rembrandt et de Frans Hais, et je
considère son livre surtout comme un livre d'esthétique.

Je l'aime mieux du reste ainsi, puisque c'est uniquement
par ce côté que je puis en parler ici.

La pensée fondamentale d'Amazone se trouve dans une
sorte de préface sous la forme d'une lettre qu'écrit le héros
du roman à sa sœur, au moment de partir pour l'Italie : « Une
fois arrivé, dit-il, je regarderai d'en haut la vulgaire cohue,
pour m'en moquer, dans la forte sérénité d'un art sans étroi-
tesse et avec une sensibilité vraie, exempte de toute sensiblerie
maladive. Voilà ce que j'attends de l'Italie et de ses arts,
surtout de l'art antique. Je m'envelopperai complètement du
monde antique, comme d'une toge majestueuse, et je m'effor-
cerai de sentir avec ampleur la dignité des anciens, avec

leur amour du beau et en dominateur du monde..... Moi à

Rome ! Rien que d'y penser, je me sens plus haut d'un pied.
J'ai déjà éprouvé quelque chose de semblable, lorsque, à la
sortie du tunnel du Mont-Cenis, je revis la lumière, une
nouvelle lumière ; je sentis qu'un rempart de montagnes
 
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