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L'ART.
tout empreintes de lumière vive, de nuances et de reflets. « Le sublime des Pyrénées est dans la
lumière », a dit Michelet.
Cette vallée des environs d'Hendaye fait plaisir à voir Décorée d'arbres magnifiques, qui
s'élèvent droits et robustes, — semblables, à leur façon, aux nerveux et fiers montagnards de la
contrée, ■—■ et qui, après avoir formé l'allée tournante, vont se grouper en épais massifs, elle
expose, comme une large corbeille, une végétation puissante et drue de blé ou de maïs, et aussi
de vivaces plantes, genêts épineux aux fleurs jaunes et bruyères roses. L'eau bienfaisante miroite
dans sa ceinture d'ajoncs et se prête aux besoins du sol altéré par l'ardeur du soleil d'été et
avide. Deux paysans basques sont à la tâche et, par leur attitude, on juge aisément qu'ils y
sont de tout cœur. Un char à bœufs s'avance dans le chemin et gagne pesamment l'habitation
rustique, à demi dérobée derrière un rideau d'arbres et de feuillages. Cette maison, dont la porte
hospitalière reste toujours entr'ouverte, est accompagnée d'ordinaire d'un jardin potager ou d'un
verger de pommiers aux beaux fruits rouges.
Les instruments de labour et de culture, malgré les perfectionnements successifs que
l'industrie et la science leur ont apportés, sont encore, chez les Basques d'aujourd'hui, ce qu'ils
étaient, ou peu s'en faut, chez leurs ancêtres : « La charrue, dit M. Webster, est remplacée
chez eux par la vieille laya, un instrument au moins aussi ancien que l'époque romaine. C'est
une lourde fourche à deux branches ayant chacune de un à deux pieds de long. Un homme robuste
en peut manier deux à la fois, les enfonçant d'abord dans le sol de toute leur longueur, puis
retournant la terre par un vigoureux coup de main en arrière. Les champs ainsi cultivés donnent
des produits excellents, mais au prix d'un travail considérable. »
Des hauteurs d'Hendaye, on aperçoit, non loin du regard, sur la Bidassoa, le pont d'Irun
qui forme, avec le pont de Béhobie, la véritable frontière entre la France et l'Espagne. Çà et là,
sur les eaux du fleuve, accrues par la marée haute, quelques bateaux de pêcheurs enflent leurs
voiles. Vers la rive française, des bouviers sont en train de charger de bois le chariot traditionnel
au bruit rauque et monotone, aux roues revêches, où sont attelés, réunis par le joug de hêtre et
son lien de cuir, deux grands bœufs fauves, patients et calmes, qui bavent languissamment sur
leurs fanons pendants et lourds. La chaîne des montagnes, qui devient là-bas le fond obligé et
constant de tous les tableaux, dessine des contours et des pointes à l'horizon, où le soir descend.
Des oiseaux de proie, qui planent sur les cimes, coupent le gris du ciel de l'éclat sombre de leurs
ailes.
Octave Lacroix.
(La suite prochainement.)
Cul-de-lampe composé et dessiné pour l'Art par J Hahcrt-Dys.
L'ART.
tout empreintes de lumière vive, de nuances et de reflets. « Le sublime des Pyrénées est dans la
lumière », a dit Michelet.
Cette vallée des environs d'Hendaye fait plaisir à voir Décorée d'arbres magnifiques, qui
s'élèvent droits et robustes, — semblables, à leur façon, aux nerveux et fiers montagnards de la
contrée, ■—■ et qui, après avoir formé l'allée tournante, vont se grouper en épais massifs, elle
expose, comme une large corbeille, une végétation puissante et drue de blé ou de maïs, et aussi
de vivaces plantes, genêts épineux aux fleurs jaunes et bruyères roses. L'eau bienfaisante miroite
dans sa ceinture d'ajoncs et se prête aux besoins du sol altéré par l'ardeur du soleil d'été et
avide. Deux paysans basques sont à la tâche et, par leur attitude, on juge aisément qu'ils y
sont de tout cœur. Un char à bœufs s'avance dans le chemin et gagne pesamment l'habitation
rustique, à demi dérobée derrière un rideau d'arbres et de feuillages. Cette maison, dont la porte
hospitalière reste toujours entr'ouverte, est accompagnée d'ordinaire d'un jardin potager ou d'un
verger de pommiers aux beaux fruits rouges.
Les instruments de labour et de culture, malgré les perfectionnements successifs que
l'industrie et la science leur ont apportés, sont encore, chez les Basques d'aujourd'hui, ce qu'ils
étaient, ou peu s'en faut, chez leurs ancêtres : « La charrue, dit M. Webster, est remplacée
chez eux par la vieille laya, un instrument au moins aussi ancien que l'époque romaine. C'est
une lourde fourche à deux branches ayant chacune de un à deux pieds de long. Un homme robuste
en peut manier deux à la fois, les enfonçant d'abord dans le sol de toute leur longueur, puis
retournant la terre par un vigoureux coup de main en arrière. Les champs ainsi cultivés donnent
des produits excellents, mais au prix d'un travail considérable. »
Des hauteurs d'Hendaye, on aperçoit, non loin du regard, sur la Bidassoa, le pont d'Irun
qui forme, avec le pont de Béhobie, la véritable frontière entre la France et l'Espagne. Çà et là,
sur les eaux du fleuve, accrues par la marée haute, quelques bateaux de pêcheurs enflent leurs
voiles. Vers la rive française, des bouviers sont en train de charger de bois le chariot traditionnel
au bruit rauque et monotone, aux roues revêches, où sont attelés, réunis par le joug de hêtre et
son lien de cuir, deux grands bœufs fauves, patients et calmes, qui bavent languissamment sur
leurs fanons pendants et lourds. La chaîne des montagnes, qui devient là-bas le fond obligé et
constant de tous les tableaux, dessine des contours et des pointes à l'horizon, où le soir descend.
Des oiseaux de proie, qui planent sur les cimes, coupent le gris du ciel de l'éclat sombre de leurs
ailes.
Octave Lacroix.
(La suite prochainement.)
Cul-de-lampe composé et dessiné pour l'Art par J Hahcrt-Dys.