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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 3)

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Courbet, Gustave: Lettres d'artistes et d'amateurs, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19296#0054

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42

L'ART.

I

Monsieur

Je suis dans mon pay ou je fais les tableaux que jenvoirai cette année a lexposition — je
reçois votre lettre a linstant, par l'ignorance de mon concierge qui setait chargé de m'envoyer
les lettres qui me seraient ardessées a Paris —

Quoique les renseignements que vous me demandez contrarient un peu ma manière de voir
je dois répondre a une lettre aussi aimable que la votre.

Eh bien monsieur, je nai dautre mérite dans ma vie, que celui d'un homme qui travaille
avec toute la bonne foi, et la conscience dont il est capable, et qui veut rendre a la société dans
laquelle il vit, ce quelle lui a prêté. — Vous me demandez quelle a ete la marche de mes
études — Je nai jamais eu dautres maîtres, que la nature, et non seulement — pendant dix
ans, quoiqu'a Paris jai travaillé seul clans la solitude, les privations, et la lutte; ayant pour
attelier un espèce de logement, moitié chambre, moitié attelier — pour toutes connaissances, un
ou deux amis de mon pay qui avaient la bonté devenir me tenir companie, et subir mes diser-
tations sur l'art — Ils métaient d'allieur utiles a plus dun égard, ils m'aidaient a rassurer mes
parents sur la carrière que jembrassois, et sur lindependance que jy apportais — car lorsque
jus fait ma philosophie au colege de Besançon, javais dixneuf ans, je vins a Paris l'année
suivante en 1840, sous le prétexte de faire mes études de droit; cest a partir de ce moment, que,
complettement indépendant je me livrai exclusivement a la peinture.

Trois ans après jenvoyai un tableau a lexposition qui fut reçu et placé au Salon caré, (cest
alors que javouai ma proffession) puis ma peinture ne se rattachant directement a aucune tradition,
et nétant pas élevé de lécole des beaux arts, je fus refusé invariablement chaque année sinon
entièrement, du moins dans ceque jenvoyais d'important pour ma réputation; par un jury exclusif,
absurde et ignorant.

Puis, la révolution de février arriva, et avec elle une exposition libre — ou jenvoyai, et les
tableaux refusés l'année précédente, et quelques uns que javais faits depuis — les artistes purent
alors m'apprecier sous mon vrai jour, et cest ce qui contribua pour beaucoup a l'entier succès
que jobtiens l'an passé — Heureusement ■—■ car javais épuisé toutes mes ressources, et ma vie
venait de plus en plus difficile — mon art était trop sérieux pour s'allier au commerce et ne
pouvait qu'être difficilement accepté, sous la sanction du gouvernement.

Je suis ne a Ornans Département du Doubs le 10 juin 181 g.

M1' Charles Blanc m'avait dit quil voulait mettre mon tableau au musée du Luxembourg,
cette nouvelle destination ma étonné — mais je m'en console très facilement sachant quil
appartient a la ville de Lille, jaurais eu a lui choisir un emplacement que certainement je lui
aurait choisi moins beau, et moins honorable.

Toutes mes sympathies sont pour les pays du nord — jai parcouru deux fois la Belgique; et
une fois la Hollande pour mon instruction, et jespère y retourner; mon tableau sera sur mon
passage — jespere aussi avoir l'honneur de vous y voir, aussitôt que les circonstances me le
permetteront. —

Recevez mes salutations amicales

Gustave Courbet.

P. S. Mr Charles Blanc sétait engagé a remplacer la bordure de mon tableau, car celle
qu'il avait l'ors de lexposition nétait que provisoire je désirerais savoir si M1' Charles Blanc a
tenu cette promesse

Ornans, le ig mars

Dans trois semaines je serai a paris
Rue Hautefeuille 21
 
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