CHARLES LE BRUN ET SON INFLUENCE SUR L'ART DÉCORATIF. 115
jamais assez les œuvres, et tant d'autres encore que le temps ingrat a laissé tomber dans un
injuste oubli 1 ; puis vient la légion des dessinateurs, des illustres graveurs que nous ne citons
pas, parce qu'ils reparaîtront naturellement sous notre plume! Pinceaux, ciseaux, burins, crayons,
aiguilles, navettes, tous les outils de l'art, exécutèrent avec une intelligence soumise ce que le
maître ordonnateur voulut et commanda. Le gouvernement de Le Brun fut le grand règne des
Gobelins.
Le rôle que joua Le Brun aux Gobelins, nous le trouvons défini et présenté avec une
autorité si magistrale clans le rapport de la commission2 instituée par M. Waddington, ministre
de l'instruction publique, pour rendre son lustre à notre grande manufacture, que nous ne
pouvons mieux faire que d'en citer quelques
fragments. Après avoir, avec une compétence et
une clarté parfaites, fait l'histoire de la tapisserie,
nettement défini son rôle dans l'art décoratif et de
quelle façon intime, sous peine de perdre son
véritable caractère, elle doit se relier à l'architec-
ture ; après avoir trop facilement montré à quel
point déplorable, depuis cent ans, entrée qu'elle
est dans une voie funeste, notre fabrication viole
toutes les conditions de l'art, M. Denuelle, parlant
comme un vrai maître, s'exprime ainsi3.
« En 1662, Colbert, surintendant des finances4,
concentre aux Gobelins les ateliers de haute et
basse lisse épars à la Trinité, au Louvre, à la rue
de la Planche et aux Gobelins, il continue l'idée
d'Henri IV, et réunit dans l'établissement tous les
corps d'état propres à la fabrication des objets
mobiliers qui doivent servir aux demeures royales.
A partir de cette époque, les Gobelins deviennent
cette grande école d'art industriel dont l'influence
et l'enseignement contribuèrent si puissamment au
développement de notre industrie nationale.
« Charles Le Brun, premier peintre du roi,
, . r . . ... Détail de « Lambris dans le grand Appartement
est nommé directeur; son puissant génie fait briller t.,...w.,..
l'art de la tapisserie d'un nouvel éclat. 11 crée une Composition de j. Berain.
véritable école; c'est d'après ses modèles que les
élèves dessinent ; il donne le dessin des statues, des meubles, des bronzes ; il devient le régulateur
de toutes les formes.
« Dans ces cartons de tapisserie il aborde tous les genres ; il les traite avec une égale
supériorité. Il est secondé par une pléiade d'artistes spéciaux qui viennent concourir à l'œuvre
commune..... Il apporte, dans la composition des modèles qu'il fait exécuter, le principe décoratif
de la peinture monumentale, et si parfois, dans ses sujets historiques, il se laisse entraîner par
son tempérament de peintre à faire des tableaux d'un aspect trop réel, la composition est si
claire, le sujet si écrit, le modelé si large qu'ils conservent malgré cela leur caractère décoratif
et architectural. Il ne se sert jamais que de trois plans, la perspective ne s'accuse que par
1. Voir pour les ouvriers et artistes qui travaillèrent à cette époque aux Gobelins, une série de quatrains sous cette rubrique : « Ceux
qui font fleurir les beaux-arts dans l'hôtel des Gobelins sous la direction de M. Le Brun, premier peintre du roi, selon les mémoires qu'en a
baille^ M. Rousselet, le 7 mai de l'an idyj. » L'auteur de ces rimes, l'abbé Marelles, pouvait être un chroniqueur bien informé, un
excellent collectionneur d'estampes, mais quel poète, bon Dieu!
2. Commission composée de MM. de Chennevières, directeur des Beaux-Arts, président; Ballu, membre de l'Institut, architecte ;
Baudry, membre de l'Institut, peintre; Cabanel, membre de l'Institut, peintre; Duc, membre de l'Institut, architecte; Denuelle, peintre;
Puvis de Chavannes, peintre; Lavastre, décorateur. Le rapport a été écrit par M. Denuelle, il lui lait grand honneur, c'est un travail complet
et excessivement remarquable.
3. On nous pardonnera, nous en sommes sûr, cette longue citation.
4. Il ne l'était point encore, en titre du moins.
jamais assez les œuvres, et tant d'autres encore que le temps ingrat a laissé tomber dans un
injuste oubli 1 ; puis vient la légion des dessinateurs, des illustres graveurs que nous ne citons
pas, parce qu'ils reparaîtront naturellement sous notre plume! Pinceaux, ciseaux, burins, crayons,
aiguilles, navettes, tous les outils de l'art, exécutèrent avec une intelligence soumise ce que le
maître ordonnateur voulut et commanda. Le gouvernement de Le Brun fut le grand règne des
Gobelins.
Le rôle que joua Le Brun aux Gobelins, nous le trouvons défini et présenté avec une
autorité si magistrale clans le rapport de la commission2 instituée par M. Waddington, ministre
de l'instruction publique, pour rendre son lustre à notre grande manufacture, que nous ne
pouvons mieux faire que d'en citer quelques
fragments. Après avoir, avec une compétence et
une clarté parfaites, fait l'histoire de la tapisserie,
nettement défini son rôle dans l'art décoratif et de
quelle façon intime, sous peine de perdre son
véritable caractère, elle doit se relier à l'architec-
ture ; après avoir trop facilement montré à quel
point déplorable, depuis cent ans, entrée qu'elle
est dans une voie funeste, notre fabrication viole
toutes les conditions de l'art, M. Denuelle, parlant
comme un vrai maître, s'exprime ainsi3.
« En 1662, Colbert, surintendant des finances4,
concentre aux Gobelins les ateliers de haute et
basse lisse épars à la Trinité, au Louvre, à la rue
de la Planche et aux Gobelins, il continue l'idée
d'Henri IV, et réunit dans l'établissement tous les
corps d'état propres à la fabrication des objets
mobiliers qui doivent servir aux demeures royales.
A partir de cette époque, les Gobelins deviennent
cette grande école d'art industriel dont l'influence
et l'enseignement contribuèrent si puissamment au
développement de notre industrie nationale.
« Charles Le Brun, premier peintre du roi,
, . r . . ... Détail de « Lambris dans le grand Appartement
est nommé directeur; son puissant génie fait briller t.,...w.,..
l'art de la tapisserie d'un nouvel éclat. 11 crée une Composition de j. Berain.
véritable école; c'est d'après ses modèles que les
élèves dessinent ; il donne le dessin des statues, des meubles, des bronzes ; il devient le régulateur
de toutes les formes.
« Dans ces cartons de tapisserie il aborde tous les genres ; il les traite avec une égale
supériorité. Il est secondé par une pléiade d'artistes spéciaux qui viennent concourir à l'œuvre
commune..... Il apporte, dans la composition des modèles qu'il fait exécuter, le principe décoratif
de la peinture monumentale, et si parfois, dans ses sujets historiques, il se laisse entraîner par
son tempérament de peintre à faire des tableaux d'un aspect trop réel, la composition est si
claire, le sujet si écrit, le modelé si large qu'ils conservent malgré cela leur caractère décoratif
et architectural. Il ne se sert jamais que de trois plans, la perspective ne s'accuse que par
1. Voir pour les ouvriers et artistes qui travaillèrent à cette époque aux Gobelins, une série de quatrains sous cette rubrique : « Ceux
qui font fleurir les beaux-arts dans l'hôtel des Gobelins sous la direction de M. Le Brun, premier peintre du roi, selon les mémoires qu'en a
baille^ M. Rousselet, le 7 mai de l'an idyj. » L'auteur de ces rimes, l'abbé Marelles, pouvait être un chroniqueur bien informé, un
excellent collectionneur d'estampes, mais quel poète, bon Dieu!
2. Commission composée de MM. de Chennevières, directeur des Beaux-Arts, président; Ballu, membre de l'Institut, architecte ;
Baudry, membre de l'Institut, peintre; Cabanel, membre de l'Institut, peintre; Duc, membre de l'Institut, architecte; Denuelle, peintre;
Puvis de Chavannes, peintre; Lavastre, décorateur. Le rapport a été écrit par M. Denuelle, il lui lait grand honneur, c'est un travail complet
et excessivement remarquable.
3. On nous pardonnera, nous en sommes sûr, cette longue citation.
4. Il ne l'était point encore, en titre du moins.