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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 3)

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Michel, Émile: Rubens au musée de Munich, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19296#0170

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RUBENS AU MUSÉE DE MUNICH. i45

préparations, voyant clairement son but, il y marchera droit, sans hésitation, sans défaillances.

Mais ce n'est pas seulement pour lui-même que le maître prend soin de fixer ainsi les étapes
de sa route. Parmi ses nombreux élèves, il a été à même de discerner ceux qui lui paraissaient
les plus aptes à devenir ses collaborateurs. Il sait ce qu'il peut attendre de chacun d'eux, quelle
part il doit, suivant leurs capacités propres, leur assigner dans la conduite de l'œuvre. Il les a
habitués à comprendre sa pensée, à se conformer à ses prescriptions. Celui-ci sera chargé de
peindre les animaux, celui-là les fleurs et les fruits ou le paysage; à tel autre revient l'architecture;
à tel autre enfin les figures. Dans cet atelier qui ne chôme jamais, la division du travail est
organisée par un chef dont l'autorité reconnue de tous est merveilleusement servie par son
intelligence, par sa bonté toujours active, toujours prévenante pour ceux qu'il emploie. L'exécution
est ainsi amenée au point que le maître a déterminé. Parfois, il lui suffira de quelques légères
retouches pour finir. D'autres fois, soit que certains sujets l'aient tenté davantage, soit qu'au
cours des remaniements qu'il juge nécessaires il se soit laissé entraîner, la part qu'il s'est réservée
a été plus grande et l'œuvre est devenue plus personnelle. On conçoit dès lors les inégalités qui
se peuvent observer dans les tableaux composant ces ensembles. Il en est auxquels Rubens a mis
à peine la main, d'autres où un morceau plus magistralement enlevé nous révèle son intervention,
d'autres enfin dont seul il est l'auteur. C'est ainsi que dans la galerie de Médicis, à côté de
toiles tout à fait banales et à l'exécution desquelles ses élèves ont trop largement concouru, vous
en pouvez admirer, — comme le Débarquement de la Reine, le Mariage et le Couronnement, pat-
exemple — qui doivent être comptées parmi ses meilleures productions.

Nous avons dit ailleurs 1 quelles modifications de détail la comparaison des esquisses de
Munich avec les tableaux du Louvre permet de constater, et quelles convenances pittoresques
ou morales avaient pu décider l'artiste à ces changements qui, il faut bien le reconnaître, ne
correspondent pas toujours à des améliorations positives. C'est grâce à ses collaborateurs, grâce
aussi à son labeur incessant que, sans parler d'autres travaux moins importants exécutés à cette
époque, Rubens avait pu, en moins de trois ans et demi, donner satisfaction à la reine. Mandé
par elle à Paris, en 1621, pour recevoir sa commande, il y était revenu clans l'été de 1623 ; puis,
au mois de février IÔ25, pressé par les lettres de l'abbé de Saint-Ambroise, il rapportait poul-
ies retoucher sur place les dix-neuf tableaux faits à Anvers. De Piles nous apprend même qu'il
peignait entièrement à Paris les deux dernières compositions qu'il lui restait à livrer. Peut-être
l'un de ces tableaux est-il ce Débarquement de la Reine (n° 43g) pour lequel Rubens avait écrit
qu'on lui retînt à l'avance les sœurs Capaïo de la rue du Vertbois et aussi leur nièce Louisa
dont il comptait « faire en grandeur naturelle trois études de sirènes 2 ». Quant à l'autre tableau
qui aurait été peint à Paris, nous serions disposé à croire qu'il s'agit du Couronnement de Marie
de Médicis, d'abord parce que c'est celui qui contient le plus de portraits, celui, par conséquent,
pour lequel Rubens avait besoin d'études qu'il ne pouvait faire qu'à la cour de Marie de Médicis;
ensuite, parce que dans cette admirable peinture la franchise soutenue de l'exécution, l'harmonie
à la fois délicate et hardie que forment les rouges et les bleus, l'art infini avec lequel ces bleus
sont nuancés, la fraîcheur des carnations et l'exquise transparence de leurs ombres, tout enfin,
■— jusqu'à la beauté de ces princesses qui posèrent complaisamment devant le peintre, — fait de
cette grande page une de ses œuvres les plus remarquables. Quoi qu"il en soit, qu'il s'agisse de
ces tableaux ou que de Piles ait voulu en indiquer d'autres, Rubens était alors tellement maître
de ses moyens, qu'il pouvait travailler entouré de monde, et que dans son atelier, pendant son
séjour à Paris, — c'est encore de Piles qui nous l'apprend, •— a la reine était toujours derrière
lui, autant charmée de l'entendre discourir que de le voir peindre 3 ».

1. Les Musées de Munich {Revue des Deux-Mondes, i5 décembre 1877).

2. Remarquons cependant que dans le tableau du Louvre on ne voit à aucune de ces sirènes « ces superbes chevelures noires » dont
parle Rubens et « qu'il rencontre difficilement ailleurs ». Deux d'entre elles sont blondes, et la troisième est d'un brun roux. Peut-être aussi
la lettre dans laquelle était insérée cette demande de Rubens et dont malheureusement on ne connaît pas du tout la date, se rapporte-t-elle
au séjour qu'il avait fait précédemment à Paris. Le peintre en tout cas s'est servi dans d'autres compositions des études faites pour ces
sirènes et l'on retrouve leurs types et même le mouvement de l'une d'elles, mais retourné, dans les deux figures de femmes de VEnlùvement
des filles de Leucippe, au musée de Munich.

3. R. de Piles, Conversations, page 211.
 
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