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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 3)

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Lenormant, François: Les principes d'art des anciens dans la composition et la décoration des monnaies, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19296#0218

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i88 L'ART.

Phidias, en or et en ivoire, qui est placée au droit des tétradrachmes athéniens de la série la
plus récente et dont l'apparition sur les monnaies a peut-être coïncidé avec le second anniver-
saire séculaire de la dédicace de ce colosse par Phidias. Comme représentation intégrale d'une
statue sur le revers d'une monnaie, l'un des plus anciens exemples que l'on puisse citer est celui
du tétradrachme frappé à Lacédémone après la bataille de Sellasie, avec la tête d'Antigone
Doson, roi de Macédoine; il montre sur son autre face l'idole archaïque de l'Apollon Amycléen.
Quand Antiochus Epiphane, roi de Syrie, dédia dans le temple de Daphné une statue de Zeus
Olympien copiée de celle de Phidias, il en fit placer l'image sur ses tétradrachmes. Sur le
revers d'une partie de leurs monnaies de bronze frappées clans le 111e et le 11e siècle avant
l'ère chrétienne, les Athéniens ont adopté pour type la reproduction du vieux xoanon de Zeus
Polieus. Tous ces exemples appartiennent au temps des monarchies issues des débris de l'empire
d'Alexandre. Dans une époque antérieure, c'est bien plus librement que les Messéniens imitèrent
sur leurs grandes pièces d'argent le Zeus Ithomaios d'Agélades, le conseil des Amphictyons le
colosse de bronze d'Apollon élevé après la guerre Sacrée, Alexandre le Grand la statue du Zeus
Bottiaios, qui recevait les adorations à Pella, sa capitale. Ce n'est plus de la même manière, en
modifiant certains agencements en vue de la convenance de l'effet sur le coin monétaire, que l'on
procède au temps de la domination impériale romaine. Le but que les villes grecques se proposent
alors, en adoptant des types de ce genre, est de répandre la connaissance des chefs-d'œuvre
qu'on leur a laissés et qui font encore leur gloire et leur richesse. Ils copient donc les statues
servilement et de manière à ce qu'on voie bien que ce sont ces œuvres mêmes des grands siècles
qu'ils retracent.

En somme, le génie grec, tant qu'il n'a pas subi d'influences étrangères, a voulu que la
monnaie fût une œuvre d'art et que tout ce qui s'y rattache fît partie d'une composition harmo-
nieuse, dont rien ne dérangeât l'heureuse symétrie. Ainsi les Grecs n'ont jamais admis que
l'indication des valeurs et des divisions monétaires prît place sur le champ des pièces; c'est un
des caractères de la monnaie purement hellénique, qu'on n'y voit ni chiffres ni points numéraux.
Dans le plus grand nombre des cas, les indications de ce genre manquaient totalement ;
quelquefois elles résultaient de combinaisons, ou naïves ou ingénieuses, mais qui n'excluaient
jamais l'élégance. Par exemple, sur les plus anciennes monnaies euboïques et béotiennes, la
moitié d'un cheval, d'un vase, d'un bouclier, indique la moitié de la pièce sur laquelle ces
emblèmes sont figurés en entier. Le duc de Luynes a remarqué le premier que le nombre des
chevaux des chars, sur les monnaies d'argent de Syracuse, servait à désigner le nombre des
drachmes dont se composait chaque pièce. Quelquefois, certains types paraissent affectés à certaines
valeurs; à Syracuse aussi, le poulpe est la marque de la litra d'argent1. Dans la série des pièces
d'argent d'Athènes, fabriquée entre le temps de Cimon, fils de Miltiade, et celui d'Alexandre le
Grand, presque toutes les valeurs monétaires sont marquées par une modification dans la pose
de la chouette qui sert de type commun sur les revers ; elle est de face ou de trois quarts, elle
a les ailes ouvertes, fermées ou à demi déployées.

Le génie hellénique n'a jamais admis qu'avec beaucoup de réserve, et sous une forme idéale
et symbolique, les indications historiques, et c'est en grande partie ce qui rend si difficile le
classement chronologique des monnaies d'une même ville. Nous avons déjà cité la manière dont
les Tarentins célébrèrent l'arrivée d'Alexandre, roi d'Epire. Quand Timoléon eut rendu la liberté
aux Syracusains, ils firent frapper une monnaie d'or dont le type principal est la tête de Zeus
Eleutherios ou libérateur. Plus tard, Agathocle, voulant laisser sur la monnaie un souvenir de la
défaite des Carthaginois, y fit représenter la Victoire élevant un trophée composé d'armes puniques.
Ce qu'il y a de positif dans cette indication était déjà une dérogation grave aux principes qui
avaient jusque-là présidé à la décoration de la monnaie. Un siècle et demi plus tôt, Gélon et
Hiéron Ier avaient voulu faire allusion, sur les monnaies qu'ils faisaient frapper, au nom du peuple
de Syracuse, aux deux grandes victoires qu'ils avaient remportées : le premier, en écrasant les
Carthaginois sur terre à Himéra, le même jour que Thémistocle triomphait à Salamine ; le second,

1. Petite monnaie ainsi nommée parce que sa valeur correspondait originairement à celle d'une livre de cuivre.
 
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