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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 4)

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Véron, Eugène: La dixième année de l'Art
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https://doi.org/10.11588/diglit.19462#0104

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L'ART.

luxe ou de simple amusement. Ils ne lui demandent pas autre chose que d'orner leur demeure
ou de réjouir leurs yeux.

« Mous aussi nous croyons due l'art est une des joies de la vie, une des plus nobles et
des plus relevées, une des plus durables surtout et que rien ne saurait suppléer ; il répond à
l'une des aspirations les plus hautes, il satisfait à l'un des besoins les plus impérieux de
l'intelligence humaine ; cela suffirait pour justifier l'importance que lui ont, de tout temps,
accordée les peuples civilisés.

« Mais pour nous l'art est encore quelque chose. de plus.

« "Précisément parce qu'il est la traduction visible et tangible des impressions et des
conceptions de l'homme a travers les temps, parce que, en leur donnant une expression
matérielle, il les perpétue et les transmet de génération en génération, il devient pour la série
des âges le plus sûr et le plus irrécusable des témoins. C'est par l'étude de l'art et par la
comparaison de ses traits essentiels aux différentes époques que nous pouvons nous rendre le
compte le plus exact du degré et du caractère des diverses civilisations qui se sont succédé
dans l'histoire.

« Toutes les grandes époques laissent derrière elles une tradition qui s'impose et dont
la domination trop exclusive, en éteignant les ardeurs et en ramenant tout à elles-mêmes,
explique cette périodicité fatale des décadences succédant, avec une régularité désespérante,
aux plus puissantes manifestations des énergies intellectuelles. Cela est vrai de l'art comme de

tout le reste.

« Les décadences consistent donc essentiellement dans Vaffaissement des intelligences,
détournées, par l'imitation, du but réel de l'art, et par suite destituées du pouvoir de créer.

« "Réduit au métier de copiste et de plagiaire, enfermé dans l'étude rétrospective des
procédés et des modèles de l'âge antérieur, l'art cesse de vivre de sa vie propre; il perd l'élan,
la spontanéité, la puissance créatrice qu'il trouvait dans la sincérité, dans la personnalité de
ses propres émotions. Lui qui n'existe que pour traduire au dehors les impressions de l'homme
en face de la nature et du monde,' il néglige et oublie à la fois le monde et la nature, et se
voit du coup réduit à chercher une originalité pénible et fausse dans des raffinements infinis,
aussi insipides que prétentieux.

« Si l'artiste peut et doit s'aider des observations et des procédés antérieurs, il n'en est pas
moins vrai que son aspiration doit être absolument personnelle. Il n'y a d'œuvres d'art que
celles qui portent la marque du tempérament et des convictions de l'artiste, celles qu'anime
et illumine le reflet de cette flamme intérieure que ne manquent jamais d'allumer dans les
âmes l'effort et le mouvement du travail créateur. A. l'artiste qui se fait l'instrument d'une
conception surannée ou étrangère, qui s'asservit a la reproduction d'une œuvre qu'il n'a pas
créée, qui substitue Vimitation d'un procédé appris à la manifestation de ses impressions
personnelles, cette flamme manque fatalement, et son œuvre, quelle que soit sa perfection
technique, n'est et ne peut être qu'un pastiche. En un mot, dans le domaine de l'art, pour
faire Quelque chose, il faut être QuelQu'un.

« C'est à ce point de vu,e que nous étudierons toutes les manifestations artistiques de
l'humanité, dans le passé et dans le présent, en nous attachant de préférence à ce qui nqus
paraîtra le plus propre à nous relever de cet affaissement intellectuel qui est le mal de l'heure
présente.

« Dans la peinture, dans la sculpture, dans l'architecture, dans les arts appliqués à
l'industrie, dans la musique même et dans > l'art dramatique, partout nous chercherons
à ■ découvrir ou à raviver la flamme qui peut nous régénérer,- en nous rendant l'initiative,
la spontanéité, l'élan, la personnalité qui nous font défaut. Mous ne pouvons nous résigner
à croire .que notre époque soit absolument incapable de fournir des éléments de rénovation
 
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