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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 4)

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https://doi.org/10.11588/diglit.19462#0196

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i6o

L'ART.

critiqué, il faudrait même lire éreinté, par lui-mSme; mais
l'espace nous manquerait pour appeler l'attention sur tous les
morceaux de choix — ils abondent; — ce que nous tenons plus
particulièrement à mettre ici en lumière, c'est cette extrême
conscience caractéristique du véritable artiste qui ne lui permet
jamais d'abandonner son œuvre tant qu'il croit avoir encore à
la compléter. M. Jullien ne procède pas autrement. Ses quelques
pages sur Berlioz, qui servent d'ouverture aux Airs variés,
revues, remaniées, développées, sont devenues le volume qu a
publié Charavay 1 ; ses esquisses — autres Airs varies —
de Mm0 Favart, de Mmc Dugazon, de Noverre, de Mistress Bel-
lamy, etc., et le chapitre consacré à Ume Saint-Huberty dans
l'Opéra secret au XVIIIe siècle-, ont été les jalons d'une
œuvre capitale, l'Histoire du Costume au Théâtre depuis les
origines du Théâtre en France jusqu'-à nos jours de même
que la Marie-Antoinette musicienne de la Ville et la Cour au
XVIIIe siècle 1 est venue se fondre avec l'Histoire du Théâtre
de Mme de Pompadour et le Théâtre de la Duchesse du Maine,
pour former par leur développement ce bijou littéraire que
viennent d'éditer MM. Firmin-Didot : la Comédie à la Cour.

V

Ce livre-album, dont les bibliophiles se disputent les
exemplaires, ne fait pas seulement revivre le plus galamment
du monde les Théâtres de Société royale pendant le siècle
dernier, il abonde en heureuses trouvailles de bénédictin
spirituel, en portraits piquants, en anecdotes lestement trous-
sées, livre en un mot aussi amusant qu'instructif et qui truite
même du deuil avec un sourire narquois aux lèvres, sourire au
fond très sérieux sous son apparence de légèreté. Lisez — vous
le relirez, soyez-en certain—le chapitre VII des Grandes Nuits
de Sceaux. C'est de la mort de la duchesse du Maine qu'il
s'agit, de cette duchesse du Maine qui, d'après son propre
dire, ne « pouvoit se passer des gens dont elle ne se soucioit
point'■' », de cette duchesse du Maine à qui Sainte-Aulaire
avait décoché cet impromptu :

La divinité qui s'amuse

À me demander mon secret,
Si j'étais Apollon, ne serait pas ma muse...
Elle serait Thétis, et le jour finirait !

et que Saint-Simon, infiniment moins galant, a peinte à
l'emporte-pièce, en historien impitoyablement véridique :

« .....Une femme dont l'esprit, et elle en avoit infiniment,

avoit achevé de se gâter et de se corrompre par la lecture des
romans et des pièces de théâtre, dans les passions desquels

elle s'abandonnoit tellement, qu'elle a passé des années à les
apprendre par cœur et à les jouer publiquement elle-même.
Elle avoit du courage à l'excès, entreprenante, audacieuse, ne
connoissant que la passion présente et y postposant tout,
indignée contre la prudence et les mesures de son mari, qu'elle
appeloit misères de foiblesse, à qui elle reprochoit l'honneur
qu'elle lui avoit fait de l'épouser, qu'elle rendit petit et souple
devant elle en le traitant comme un nègre, le ruinant de fond
en comble sans qu'il osât proférer une parole, souffrant tout
d'elle dans la frayeur qu'il en avoit et dans la terreur que la
tête achevât tout à fait de lui tourner. Quoi qu'il lui cachât
assez de choses, l'ascendant qu'elle avoit sur lui étoit
incroyable, et c'etoit à coups de bâton qu'elle le poussoit en
avant. »

M. Adolphe Jullien rappelle que Mrac de Staal — elle
avait commencé par être femme de chambre de la duchesse et
mourut trois ans avant elle — que « M'"0 de Staal avait
vécu pendant plus de quarante ans auprès de sa maîtresse ;
elle avait donc pu étudier longuement son caractère et péné-
trer dans les moindres replis de son cœur. Aussi a-t-clle tracé
de la duchesse un portrait qu'il faudrait transcrire tout au
long, tant il est complet et achevé ; c'est une étude psycholo-
gique des plus fines''. >; Une courte citation — elle est des
plus significatives — en donnera le ton : s M""' la duchesse du
Maine est faite pour faire dire d'elle, sans blesser la vérité,
beaucoup de bien et beaucoup de mal. Elle a de la hauteur
sans fierté, le goût de la dépense sans générosité, de la religion
sans piété, une grande opinion d'elle-même sans mépris pour
les autres, beaucoup de connaissances sans aucun savoir et
tous les empressements de l'amitié sans en avoir les senti-
ments. » i

Elle mourut le 2j janvier J753 ; le iS décembre précé-
dent, Voltaire écrivait d'elle : C'est une.âme prédestinée; elle
aimera la comédie jusqu'au dernier moment, et quand elle
sera malade, je vous conseille de lui administrer quelque pièce
au lieu de l'extrême-onction. On meurt comme on a vécu... »

Pour M. Adolphe Jullien, cette mort, « c'était le dénoue-
ment d'une longue pièce, dont certains épisodes avaient
touché au tragique, et le rideau tomba sur la catastrophe
finale.

« Sainte-Beuve l'a bien dit : elle avait joui la comédie
jusqu'à extinction et sans se douter que ce fût une comédie.
Mais elle put le discerner du fond du tombeau, à voir le peu de
regrets qu'excita sa mort et le peu de monde qui suivit son
cercueil". »

Paul Leroi.

(La fin prochainement.)

1. Hector Berlioz; la vie et le combat: les œuvres, par Adolphe Jullien, avee deux portraits. Un volume in-iS de igS pages. Paris, Charavay frères, édi-
teurs, 4, rue Furstenbcrg, 1882.

2. Page I2t. ...

3. Ouvrage orné de vingt-sept gravures et dessins originaux, tirés des Archives de l'Opéra et reproduits en fac-similé. Grand in-S° de 356 pages. Paris,
G. Charpentier, éditeur, i3, rue de Grcncllc-Saint-Germain, 1880.

4. Page 61. •

5. Page i32.

6. Page 134.

7. Page i36.

NOTRE EAU-FORTE

Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lecteurs une nouvelle planche de la brillante série que notre collabo-
rateur M. Lucien' Gautier consacre à Marseille. Son eau-forte : Un Coin du Vieux Port, justifie à tous égards le succès de ses
aînées.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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