L' art: revue hebdomadaire illustrée (9.1883 (Teil 4))

LE PALAIS DE VENISE, A ROME. iy5

les progrès xlc l'art italien vont le rapprocher de la décadence; ses fruits, pour être savoureux,
n'auront pas la fraîcheur et l'éclat de ses fleurs ; son couchant aura plus de magnificence, mais
moins de charme que son aurore. Il n'est pas malaisé de trouver des redites, des traces de
lourdeur et de fatigue dans les peintures de Raphaël qu'on voit dans ce même Vatican, alors
que tout est délicat, soutenu d'inspiration, simple de moyens, puissant d'impression, admirablement
spontané dans les fresques de la chapelle de Nicolas V.

Maurice Faucon.

LE PALAIS DE VENISE, A ROME

Le palais de Saint-Marc, ou, comme on
l'appelle aujourd'hui, le palais de Venise, est
de tous les monuments romains de la pre-
mière Renaissance celui qui attire le plus
l'attention : construit au pied du Capitole,
sur une vaste place qu'il domine entièrement,
il s'impose autant par sa masse énorme que
par les particularités de son style, par ce
caractère de transition si marqué entre les
palais-forteresses du moyen âge, dont Flo-
rence a si longtemps conservé la tradition,
et les habitations si claires, si gaies, si
élégantes, si véritablement modernes, inven-
tées par Léon-Baptiste Alberti et par Bernard
Rossellino. D'intéressants souvenirs histori-
ques contribuent à assigner au palais de
Saint-Marc une place à part parmi les créa-
tions du xvc siècle : c'est là que le pape
vénitien Paul II réunit la plus belle collection
d'œuvres d'art, et notamment d'antiques, dont
puisse s'enorgueillir la première Renaissance ;
c'est là que notre vaillant Charles VIII fixa
sa demeure au cours de cette campagne
vertigineuse qui en peu de semaines le con-
duisit des Alpes aux portes de Naples. Au
xvie siècle, le palais de Saint-Marc abrita
les collections d'un autre amateur vénitien
éminent, le cardinal Grimani. En faisant don à la République de Venise d'un monument fondé
ou illustré par deux de ses plus ardents Mécènes, le pape Pie IV ne fit que consacrer ce double
souvenir. A la fin du siècle dernier, la propriété du palais passa à l'Autriche, devenue maîtresse
de Venise; il sert actuellement de résidence à ses deux ambassadeurs auprès du pape et auprès
du roi d'Italie.

J'ai essayé, dans un précédent travail1, d'élucider l'histoire xle cette vaste construction; j'ai

i. Les Arts à la cour des Papes, tome II, pages 49 et suivantes.